Tant qu’il y a la croix... (1)

Le titre original de cet article est "Haja cruz", littéralement "Qu’il y ait une croix". C’est clairement un jeu de mots faisant référence à Aracruz, nom de la principale entreprise incriminée dans l’article, et à la colonisation portugaise sous la bannière de l’Eglise. [Ndlr]


<img689|left> 20 janvier 2006

Au moins 120 agents de la Police Fédérale, dont un détachement du Commandement d’Opérations Tactiques de Brasilia, tous armés, ont tiré des bombes à effet moral et des balles en caoutchouc contre les habitants des villages Córrego D’Ouro et Olho D’Água des peuples tupiniquim et guarani, et, finalement, ont mis le feu à leurs maisons.

L’attaque, foudroyante, a terrorisé et détruit les deux villages ; huit de leurs chefs sont prisonniers, des dizaines d’êtres humains sont blessés. L’action, menée dans la commune de Aracruz (ES), est la mise en application d’un référé accordé à l’entreprise Aracruz Celulose par le juge fédéral Rogério Moreira Alves, du Tribunal Fédéral de Linhares, le 7 décembre. Détail : pendant l’opération, les policiers ont utilisé un hélicoptère et un pilote de l’entreprise, dit le journaliste Cristiano Navarro, du Conseil Indigéniste Missionnaire (Cimi), dans le journal Brasil de Fato.

L’action était un acte illégal, observe Navarro : ni la Commission des Caciques, ni la Fondation Nationale de l’Indien (Funai), ni le Ministère Public n’ont été avisés de la réintégration, comme ils le devaient. Deux fonctionnaires de la Funai locale ont tenté d’empêcher l’évacuation, mais ils n’ont pas été entendus par la police. Sous la pression d’organismes internationaux de défense des droits de l’homme, qui ont dénoncé la violence policière et l’illégalité flagrante de l’action d’évacuation, la famille royale de Suède s’est débarrassée des actions qu’elle détenait dans cette entreprise.

8 mars 2006

Près de 2 000 femmes de Via Campesina - Brésil, liées au MST (Mouvement des sans terre), ont occupé un espace de la société Aracruz Celulose, à Barra do Ribeiro (Rio Grande do Sul), où se tenait la 2ème Conférence Internationale sur la Réforme Agraire et le Développement Rural de la FAO (agence des Nations Unies pour l’Agriculture). Les femmes ont détruit le laboratoire de la transnationale et des millions de plants d’eucalyptus, y compris ceux impliqués dans des recherches.

Les mêmes médias qui, en janvier, ont annoncé de manière assez rapide, superficielle et triviale, l’action illégale de la Police Fédérale soutenue par Aracruz Celulose, montent maintenant un énorme battage contre le MST. Aux accusations déjà traditionnelles et fatiguées de « subversion » et « violence », s’ajoutent maintenant celles de « barbarie », « ennemis de la science », « anachroniques » et « obsolètes » - semblables aux arguments utilisés par les défenseurs des transgéniques . Les femmes du MST sont décrites comme une sorte de réédition du mouvement luddite [1]. Curieusement, ce discours prétendument favorable au développement de la science et de la technologie arrive à séduire une part importante de la classe moyenne, y compris beaucoup de personnes normalement sympathisantes du mouvement.

Mais nos nouveaux amis « défenseurs de la science » nous informent - par distraction, ignorance, mauvaise foi ou, ce qui est plus probable, un mélange de tout cela - de faits bien intéressants sur la production de l’eucalyptus et l’industrie de la cellulose. Examinons-les.

1. Chaque pied d’eucalyptus, arbre duquel est extraite la cellulose, est capable de consommer 30 litres d’eau par jour. Les racines de l’eucalyptus pénètrent dans les nappes phréatiques, portant préjudice à l’approvisionnement en eau de régions entières. Là où ils sont plantés, les eucalyptus rendent la terre stérile, impropre à toute autre culture, ce qui cause aussi un désastre environnemental de grandes proportions. Ce n’est pas par hasard que les plantations d’eucalyptus sont appelées « désert vert ».

2. Les populations des Etats de Espirito Santo, Bahia et Minas Gerais subissent directement les effets désastreux du « désert vert », qui sont amplement dénoncés par les environnementalistes et les scientifiques agronomes. Malgré cela, il y a maintenant un intérêt économique à disséminer la plantation d’eucalyptus dans le Rio Grande do Sul (où Aracruz possède déjà 50 000 ha de plantés), parce que cette région est alimentée par l’aquifère Guarani, la plus grande nappe phréatique de la planète. Quel sera l’impact sur l’aquifère ? Personne ne le sait avec certitude. Mais la pampa traditionnelle sera menacée d’extinction.

3. Les usines de cellulose (Aracruz produit à elle seule 2,4 millions de tonnes par an) polluent l’atmosphère et l’eau.

4. Aracruz est formée d’un ensemble d’entreprises : la norvégienne Lorenz (dont l’actionnaire principal est le beau-frère du roi de Norvège) en détient 28 % ; 28 % appartiennent à la Banque Safra (au capital international, dont le siège est à Monaco), 28 % à Votorantim et 12,5 % à la BNDES (Banque nationale du développement économique et social). La Souza Cruz (groupe British American Tobacco), a aussi des actionnaires, mais en pourcentage moindre.


Note :

[1] Le luddisme est un mouvement ouvrier des années 1811-1812 en Angleterre, connu pour ses destructions de machines (métiers à tisser notamment). Ces ouvriers sont appelés luddistes ou luddites.


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