Sommes-nous vraiment « tous des macaques » ?

 | Par Marcos Sacramento

[Lors d’un match de football opposant le Barça (dont faisaient partie Daniel Alves et Neymar) au Villareal en avril dernier, un supporter du Villareal a lancé une banane à DanielAlves. Celui-ci a protesté en mangeant la banane. Le fait a donné lieu à une campagne anti-raciste, plus ou moins contestée.]

Source : Pragmatismo político, le 29/04/2014
Traduction pour Autres Brésils : Ana SANTOS (Relecture : Pascale VIGIER)

Daniel Alves a protesté avec spontanéité et impertinence, mais la campagne « Nous sommes tous des macaques » n’a pas été si spontanée. La marque de Luciano Huck [1] a mis en vente un T-Shirt relatif au mouvement pour 69 reais [2].

La réaction a été rapide. Quelques heures après que Daniel Alves a répondu avec adresse à une provocation raciste, Neymar a publié une photo sur Instagram avec la hashtag « noussommestousdesmacaques ». La protestation a fait le buzz et des célébrités y ont adhéré : Luciano Huck et Angélica [3], Ivete Sangalo [4], Alexandro Pires [5] et même Inri Cristo [6] ont posé avec la banane.

Cela aurait été beau et altruiste, sans ces deux choses.

La première c’est que nous, noirs et métisses, ne sommes pas des macaques et n’aimons pas être appelés ainsi. Traiter une personne à la peau foncée de macaque,
c’est l’une des insultes les plus banales et cruelles. Cela place le noir en position de subordonné par rapport au blanc, en faisant allusion à un animal qui, malgré sa ressemblance avec les êtres humains, reste un peu au-dessous dans l’échelle de l’évolution. C’est lourd et plein de sous-entendus, à la différence de « negro » par exemple, qui fait référence uniquement à la couleur de peau.

Admettre que « nous sommes tous des macaques », c’est un moyen de résistance erroné et dangereux. Erroné car aucun raciste ne remet en question le fait que tous les hommes soient des primates. Dangereux car il suggère le sens implicite selon lequel nous sommes tous égaux, mais pour affronter le racisme il est préférable de faire ressortir les différences.

L’autre problème c’est que le mouvement « Nous sommes tous des macaques » n’a pas été si spontané. En fait, la réaction de Neymar avait déjà été prévue par une agence de publicité. Jusque-là, rien d’exceptionnel puisque les agressions sont tellement courantes qu’il n’est pas étonnant de préparer une réponse à l’avance.

Mais aujourd’hui la marque de Luciano Huck a mis en vente le T-Shirt en relation avec le mouvement. Avec une illustration faisant référence à la banane bien connue d’Andy Warhol, il est vendu à 69 reais. La publicité affiche un couple de mannequins blancs.

Daniel Alves a protesté avec spontanéité et impertinence. Son action peut déjà être considérée comme une étape dans la lutte contre le racisme dans le foot. Mais cela ne veut pas dire pour autant que nous devons hausser les épaules face au racisme et penser que la meilleure issue est d’ignorer l’offense. Il a fait de son mieux au moment donné, en plein match et juste avant de tirer un corner.

On en a parlé dans la presse internationale et le problème du racisme est revenu à l’ordre du jour sans qu’il y ait besoin de hashtags artificiels ou de célébrités s’efforçant à des visages indignés sur Instagram.

Ladite campagne vient alors, assortie d’un maillot opportuniste, sans chercher des questionnements plus élaborés sur la question raciale. Le tout très superficiel, à la vitesse des réseaux sociaux, sans s’attacher à des questions plus profondes comme la défense des quotas raciaux ou la raison pour laquelle il y a plus de noirs qui meurent pour des causes violentes que de blancs.

Peut-être parce que, comme ils le disent, « nous sommes tous des macaques », c’est-à-dire, égaux, et le racisme est un truc d’idiots qui sont là-bas de l’autre côté du monde.

Notes de la traduction :
[1] Présentateur de télévision très connu au Brésil
[2] Environ 22 euros
[3] Présentatrice d’une émission de variétés diffusée par Globo, épouse de Luciano Huck
[4] Chanteuse
[5] Chanteur
[6] Leader religieux

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