Retour sur le Festival DEM 2025 - pour comprendre le Brésil d’aujourd’hui, par la culture, la création artistique et l’engagement

Du 11 au 23 juin 2025, Dialogues en Mouvement a fait entendre, à Paris, des voix brésiliennes en lutte. Porté par l’association Autres Brésils, le festival s’est imposé comme un temps fort de la Saison France-Brésil 2025, en plaçant la culture au premier plan des combats sociaux et politiques. Plus de mille personnes ont participé à ce rendez-vous, qui a mobilisé des intervenant·es brésilien·nes issu·es du monde du cinéma, de la littérature, des arts vivants et des savoirs autochtones pour donner voix aux luttes contemporaines, souvent invisibilisées au Brésil. Plus qu’un événement artistique, il s’est affirmé comme une plateforme d’expression, un carrefour d’idées et de récits alternatifs issus des territoires brésiliens en lutte.

Revivez les meilleurs moments du festival en vidéo :

En parallèle de cette programmation, l’exposition photographique Les Gardiens de l’Amazonie a accompagné le festival tout au long du mois de juin, en rendant hommage à celles et ceux qui luttent pour préserver la plus grande forêt tropicale au monde. Fruit de la collaboration entre le designer français Antoine Olivier et le photographe brésilien J.L. Bulcão, l’exposition met en lumière les visages et les gestes des seringueiros de Xapuri, des Sateré-Mawé, des cueilleurs d’açai ou encore des casseuses de noix babaçu, incarnations d’une résistance écologique enracinée dans les savoirs traditionnels. Présentée d’abord sur les Champs-Élysées, devant le Jardin des Ambassadeurs du 3 au 20 juin, où elle a attiré plus de 15 000 visiteurs, elle a ensuite été installée sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris, du 20 au 24 juin, à l’occasion des 10 ans de l’Accord de Paris et dans le cadre de la Saison Brésil-France 2025.

Du 11 au 14 juin – Théâtre de la Concorde, cœur battant du festival

Mercredi 11 juin – Un coup d’envoi diplomatique et engagé

Le festival a ouvert cette édition 2025 dans les salons de l’Ambassade du Brésil à Paris. Un temps de rencontre entre artistes et partenaires institutionnels, pour ancrer un dialogue entre les sociétés civiles brésilienne et française, à la croisée d’expressions artistiques, de la pensée critique et des urgences démocratiques.

Jeudi 12 juin – Voix de l’Amazonie et mémoire migrante

L’après-midi a débuté au Théâtre de la Concorde avec une séance scolaire autour du film A Hora do Recreio de Lúcia Murat. Ce documentaire hybride dresse un portrait sans fard de la jeunesse brésilienne, confrontée aux violences du système éducatif. 80 élèves de lycées français y ont assisté, découvrant à travers témoignages et mises en scène une réalité en partie familière puisque scolaire, mais bien lointaine de la leur. Cet espace de réflexion sur les inégalités, les discriminations et les rapports de pouvoir lance de possibles ponts entre ce vécu brésilien et le questionnement d’élèves en France.

En soirée, la conférence inaugurale du festival a fait entendre la voix d’Ângela Mendes, militante écologiste et fille de Chico Mendes. Elle y a présenté Les Voix de l’Amazonie, un projet porté par les savoirs autochtones, les luttes territoriales, ainsi qu’une vision du vivant qui porte une véritable dimension politique : à travers son récit, l’Amazonie n’est pas qu’une lointaine forêt, mais un front de résistance face à la catastrophe climatique.

La journée s’est achevée avec la projection de Retrato de um certo Oriente de Marcelo Gomes. Le cinéaste, présent pour l’occasion, est revenu sur son film, adaptation du roman de Milton Hatoum qui l’a inspiré, ainsi que sur l’histoire des immigrant·es libanais·es en Amazonie. Un échange riche sur les liens entre littérature et cinéma a conclu cette première journée publique.

Vendredi 13 juin – Décoloniser les émotions, incarner les mémoires

Cette journée était consacrée à des voix autochtones et féminines, qui s’appliquent à ouvrir des brèches dans les récits dominants, et tentent de réenchanter nos manières de sentir, de se relier, de se souvenir. Geni Nuñez, écrivaine guarani et penseuse des émotions, invite à Décoloniser les affects, titre de son ouvrage aujourd’hui disponible en français. Interrogeant le poids des héritages coloniaux dans la manière de nouer nos relations, elle propose une autre grammaire affective, ancrée dans les cosmologies autochtones et dans les principes du « prendre soin » collectif.

Puis la performance Ané das Pedras de Bárbara Kariri a fait vibrer la mémoire minérale. Dans ce rituel poétique, les pierres deviennent témoins, le corps devient territoire, et la transmission des signes s’incarne dans la matière, les gestes, les silences.

En soirée, carte blanche était donnée au collectif Katahirine - premier réseau de femmes autochtones impliquées dans l’expression audiovisuelle au Brésil. Quatre courts-métrages inédits ont exposé des récits de résistance, de langue, de guérison, dans un langage cinématographique novateur et intime. De quoi alimenter des échanges nourris entre le public et les artistes présentes, autour du lien entre création et lutte, mémoire et avenir.

Samedi 14 juin – Femmes en lutte, cinéma en rupture, samba en liberté

Le quatrième jour a fait résonner la voix puissante de Bela Gil. Cheffe gastronomique, autrice et militante, elle a présenté Qui va faire à manger ?, un essai qui questionne les rapports de pouvoir au cœur de la cuisine, des foyers, et des politiques alimentaires. Derrière les casseroles, une critique féministe des inégalités structurelles prend forme.

L’après-midi fut consacrée à un hommage au cinéma de Lincoln Péricles, alias LK. Avec sa démarche de « ciné-sample », ce réalisateur autodidacte de la périphérie de São Paulo brise les cadres du récit dominant. Ses courts-métrages, mêlant archives, hip-hop et expérimentations, ont été commentés par Laurent Callonnec (délégué artistique du festival Regards satellites et ancien directeur du cinéma l’Écran) ainsi que Joachim Lepastier (critique cinématographique, le premier à écrire sur les films de Lincoln Péricles en France).

En soirée, retour à A Hora do Recreio, cette fois en présence de la réalisatrice Lúcia Murat. À travers la parole des adolescents de Rio, elle interroge le futur d’une jeunesse marginalisée.
La journée s’est terminé en musique avec une roda de samba acoustique menée par Samba à la maison, collectif de musiciens brésiliens qui fait danser le public dans une ambiance chaleureuse.

Hors les murs – Le festival s’étend dans Paris

Dimanche 15 juin – Exils, amours et frontières au Grand Action

Le Grand Action, lieu mythique et emblématique du cinéma d’art et d’essai à Paris, projetait Terre Lointaine, le classique en noir et blanc de Walter Salles et Daniela Thomas. Ce film, qui traite de la dérive existentielle, explore les désillusions d’une jeunesse brésilienne contrainte à l’exil dans les années 1990. Fernando Alves Pinto, l’interprète principal, était présent pour témoigner de ce tournant du cinéma brésilien.

Mardi 18 juin – Les étoiles autochtones à la Sorbonne Nouvelle

Le festival s’est ensuite déplacé au campus Nation de l’Université Sorbonne nouvelle pour une projection suivie d’une « masterclass » avec le collectif Katahirine, femmes pionnières du cinéma autochtone brésilien. Après la présentation de plusieurs courts-métrages – inédits en Europe – les réalisatrices Bárbara Kariri, Helena Corezomaé et Mari Corrêa ont raconté la genèse de leur collectif, insistant sur l’importance de tisser des liens entre création artistique et mémoire ancestrale. Cette séance, marqué par la puissance des récits visuels et animée par Beatriz Rodovalho, spécialiste du cinéma autochtone brésilien, s’est révélée un temps fort du festival.

Samedi 21 juin – Atelier de construction politique au Campus Condorcet

C’est à Aubervilliers que s’est tenue cette rencontre abordant les enjeux de la création autochtone. Dans un atelier collaboratif intitulé Construire avec Katahirine, les membres du collectif ont invité chercheur·es, étudiant·es et artistes à imaginer une mise en réseau, à l’échelle internationale, du cinéma produit par les peuples autochtones. Dans cet espace de travail ont émergé des pistes susceptibles de renforcer la coopération entre le Brésil et la France autour des pratiques artistiques décolonisatrices, une réflexion portée par Beatriz Rodovalho et Raquel Schefer.

Lundi 23 juin – Clôture magistrale avec Marcelo Gomes

Le festival avait donné rendez-vous à la Sorbonne Nouvelle pour une « masterclass » de référence avec Marcelo Gomes. Le cinéaste s’est exprimé sur son parcours et sur sa manière de filmer les « territoires subjectifs » du Brésil contemporain. Sous la houlette d’Alberto da Silva, l’échange a plongé le public dans les coulisses d’un cinéma à la frontière du documentaire et de la fiction.

Un immense merci à toutes les stagiaires qui ont contribué, avec enthousiasme, rigueur et créativité, à la réussite de cette édition du festival. Leur engagement, tout au long des préparatifs et pendant l’événement, a été essentiel. Nous remercions chaleureusement Wagner Maiolino Barreto, Marina K. Maia, Guilherme Reed, Sandrine Koffi, Farid Beddounia, Larissa Marinho, Larissa Frozel Barros, Brenda Maia, Bruna Lopes, Luiz Fernando Guilherme da Silva Junior et Michelle da Silva pour leur précieuse collaboration et leur professionnalisme.

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