Pourquoi le Brésil ne manifeste pas contre la corruption ?

 | Par Lucia Marina Dos Santos

Le journal O Globo a publié un reportage pour savoir pourquoi les Brésiliens ne manifestent pas pour protester contre la corruption. Les reporters Jacqueline Falcão et Marcus Vinicius Gomes ont interviewé les organisateurs des manifestations de défense des droits des homosexuels et de la légalisation du cannabis ainsi que la Coordination Nationale du Mouvement des Sans Terre (MST). La reporter Jaqueline Falcão a adressé les questions par courriel. Un membre de la coordination du MST, Marina dos Santos, y a répondu et a renvoyé les réponses le jeudi vers 18h, dans le délai imparti. La reporter, jusque là intéressée, n’a plus pris contact. Le reportage n’est paru que le dimanche. Et les réponses n’ont pas été prises en compte.

Pour quelle raison ?

Lisez ci-dessous, les réponses du membre de la Coordination Nationale du MST, Marina dos Santos, qui n’ont pas été publiées dans le journal.

Source : http://www.mst.org.br - 19 juillet 2011

Traduction : Monica Sessin pour Autres Brésils

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Pourquoi le Brésil ne manifeste pas contre la corruption ?

Je me risque à répondre à cette question en élargissant et diversifiant le questionnement : pourquoi le Brésil ne manifeste pas pour les questions politiques qui déterminent les orientations de notre pays ? Le peuple n’a pas manifesté pour protester contre les privatisations ni contre la corruption existante du gouvernement FHC .
Les cas ont été nombreux – au point que les termes de Camoufleur général de la République a substitué celui de Procureur Général.

Il n’a pas manifesté quand le gouvernement Lula a autorisé la plantation de semences transgéniques, quand il a facilité la commercialisation de pesticides et quand il a poursuivi une politique économique qui a garanti des profits par millions au système financier.

Ceux qui veulent que le peuple descende dans les rues pour protester contre l’actuel gouvernement fédéral – ignorant la corruption qui prospère dans les nids des toucans du PSDB – veulent-ils aussi voir le peuple dans les rues, sur les places et dans les champs faisant de la politique ? Sont-ils disposés à appeler le peuple à descendre dans les rues pour exiger la Réforme Agraire et Urbaine, la démocratisation des moyens de communication et la nationalisation du système financier ?

Le peuple n’est pas idiot. Il n’ira pas dans les rues pour répondre à l’appel de quelques secteurs des élites parce qu’il sait que la corruption est enracinée dans la bourgeoisie brésilienne. Il suffit de réclamer l’épuration et la punition des corrupteurs du secteur privé lié à celui de l’état pour que les voix qui disaient combattre la corruption diminuent, sensiblement, en quantité et en intensité.


Pourquoi ne voyons nous pas de l’indignation contre la corruption ?

Oui, il y a de l’indignation. Mais cette indignation est réduite pratiquement à la sphère individuelle, personnelle, de chaque Brésilien. La puissance des appareils idéologiques du système et des politiques gouvernementales de cooptation, persécution et répression envers les mouvements sociaux, intensifiés dans les gouvernements néolibéraux, fragilisent les secteurs organisés de la société qui étaient en capacité d’unir, de canaliser les mécontentements qui résident dans la sphère individuelle pour les mobilisations populaires.

Ce scénario va changer. Le peuple reviendra dans la rue faire de la politique et, y compris, pour combattre toutes les pratiques de corruption, quel que soit le gouvernement. Quand cela arrivera, certains qui veulent voir le peuple dans les rues à présent, effrayés se serviront de leurs blogs revanchards pour exiger que le peuple soit dégagé des rues.


Les foules descendent dans les rues pour la marche du cannabis, du MST, de la Gay Pride... et pourquoi pas contre la corruption ?

Parce qu’il faut être crédible vis-à-vis du peuple pour donner un mot d’ordre populaire. Avoir le monopole des médias n’est pas suffisant pour évaluer la volonté et la mobilisation. Si c’était ainsi, les toucans du PSDB ne perdraient pas une élection, le président Hugo Chávez ne parviendrait pas à mobiliser la foule de pauvres dans son pays et le gouvernement Lula n’achèverait pas ses deux mandats avec des indices de soutien populaire supérieurs à 80%.

Les connivences de groupes partisans politiques avec les médias, particulièrement marquantes lors de la dernière législation d’importants états – comme ceux de Minas Gerais, São Paulo et Rio Grande do Sul – se sont montrées efficaces pour étouffer les dénonciations de corruption de ces gouvernements-là. Mais ils n’ont pas pu cacher au peuple l’existence de la corruption. Par conséquent, la crédibilité des deux, médias et politiques, a été ébranlée.


Le sentiment est celui de l’impunité ?

Oui, il y a un sentiment d’impunité. Certaines banques ont déjà été condamnées à rembourser des millions de reais parce que elles ont facturé illégalement des taxes à leurs usagers. N’est-ce pas une sorte de vol ? Outre le remboursement de l’argent, les responsables ne devraient-ils pas répondre de leurs actes devant la justice ?

Rien ne synthétise mieux le sentiment d’impunité que ressentent les élites brésiliennes. Elles n’ont peur de rien et ressentent un profond mépris envers les institutions publiques.


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