« Lula, son abandon tue l’espérance »

 | Par Collectif

Depuis le premier, les peuples autochtones ont participé aux forums sociaux mondiaux. Cette année, au lieu de les disperser dans la manifestation, les organisateurs les ont regroupés dans un espace dénommé « Puxirum ». Ceci a permis des échanges plus profonds entre les peuples indigènes. Toutefois, preuve de mépris conscient ou inconscient qui perdure, le lieu était isolé, très éloigné du « village global », ce qui a compliqué les contacts avec les milliers de représentants de la société civile. C’est pourquoi, l’avant-dernier jour du Forum, les indigènes sont sortis du Puxirum et ont fait une marche à travers tout le forum afin de montrer qu’ils étaient présents et de tenter de dialoguer avec les différents acteurs.
À cette occasion, les Indiens du Brésil ont diffusé une lettre ouverte dénonçant les actions du gouvernement de leur pays.

Forum social de Porto Alegre - Janvier 2005

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Nous, peuples indigènes du Brésil, participants du « Puxirim » sur les arts et savoirs indigènes du 5ème Forum social mondial, lançons un cri pour dénoncer la continuité du processus de colonisation forcée qui se poursuit actuellement dans notre pays.

Nous sommes fatigués d’envoyer des documents et de frapper aux portes des cabinets ministériels sans que réponse soit donnée aux graves problèmes que nous affrontons.
Malgré tous les efforts de nos peuples, de nos communautés et de nos organisations, le gouvernement persiste dans son manque d’intérêt, sa frilosité quant à la démarcation de nos terres.

Nous ressentons que l’appât du gain et l’exploitation capitalistes sont plus importants pour le gouvernement de Lula que la survie physique et culturelle de nos peuples. C’est la seule explication aux faits que : à peine onze terres indigènes aient été reconnues depuis deux ans (1) ; la terre indigène délimitée Bau du peuple Kayapo ait été réduite ; Raposa-Serra do Sol n’ait pas été homologuée ; la négociation politique pour réduire nos terres, dans tout le pays, soit appuyée par la création de commissions regroupant les intérêts anti-indigènes locaux et régionaux.

Le retard dans la démarcation des réserves alimente les conflits, comme cela est le cas sur la terre indigène Monte Pascoal du peuple Pataxo (État de Bahia), un symbole de la lutte indigène dans le pays. Il est lamentable, sous tous les aspects, de nier le droit à la santé et à l’éducation de peuples dont le processus de démarcation n’a pas encore commencé, comme cela se passe avec ceux qui résident dans le Nordeste. On cherche, dans l’intérêt d’entreprises minières, à créer des faits accomplis, comme l’exploitation du diamant dans les terres Cinta-Larga au Rôndonia, afin d’autoriser l’exploitation minière dans les terres indigènes alors que le nouveau statut de l’Indien n’est toujours pas approuvé.

Nous constatons qu’il y a de plus en plus fréquemment, dans les tribunaux, un détournement des lois au bénéfice de l’intérêt particulier des envahisseurs et des groupes économiques et politiques intéressés par les richesses existant dans nos territoires. De nombreuses décisions de justice ont été prononcées en faveur des envahisseurs avec pour conséquence l’expulsion des indigènes de leurs terres, comme cela arrive systématiquement avec le peuple Guarani-Kaiowa (État du Mato Grosso do Sul) et avec la construction de barrages sur la terre indigène Rio Branco au Rôndonia, ce qui compromet la survie de plusieurs peuples indigènes.

Au Congrès National, une forte articulation politique menée par les forces de l’agro-business, avec l’appui d’importants secteurs gouvernementaux, travaille actuellement pour restreindre nos droits. Il y a d’innombrables propositions d’amendements constitutionnels et de projets de lois qui visent à supprimer nos droits, particulièrement en ce qui concerne la question de la terre et l’accès au ressources naturelles. La plus récente est la proposition de la Commission spéciale du Sénat qui, à travers son rapporteur, Delcidio Amaral (du PT) (2), a présenté le projet de loi 188. Complètement inconstitutionnel, celui-ci a l’appui de l’articulateur politique du gouvernement (3), Aldo Rebelo, et propose, entre autres choses, d’ajourner les processus de démarcation des terres indigènes qui ne sont pas encore conclus, pour que leurs limites puissent être négociées en fonction des intérêts économiques et politiques représentés au Sénat Fédéral.

La conséquence immédiate de cette politique, menée au nom d’un développement d’exclusion et de déprédation et qui sert uniquement à maintenir les niveaux absurdes de consommation des élites, est la violence pratiquée contre nos peuples. En 2003 et 2004, plus de soixante Indiens ont été assassinés ; des maisons de communautés indigènes ont été brûlées par des planteurs de riz ; des femmes et des enfants ont été menacés de mort ; des personnes nous soutenant ont été séquestrées au Roraima ; des enfants xavante sont morts dans un campement précaire au bord de la route, empêchés qu’ils sont d’occuper leurs terres déjà démarquées.

En ce début d’année 2005, nous est parvenue l’information dramatique de l’assassinat de cinq Indiens djohum djapa dans la vallée du Javari (État d’Amazonas), commis par des exploitants de bois. De nombreuses terres indigènes continuent d’être envahies du Nord au Sud du pays. La discrimination est autant perceptible dans les discours politiques et les actions d’organes gouvernementaux qui ne respectent pas notre droit à la différence. Ceci peut être constaté quand on nie le droit territorial indigène dans de grandes zones frontalières, où l’on impose la création de vastes bases militaires ; quand on nie le droit à l’identité indigène à des peuples qui résistent ; quand les programmes pour une éducation et une santé spécifiques et différenciées ne figurent que dans les discours.

Tout cela montre que la politique indigéniste de ces deux dernières années n’a pas été modifiée et continue dans la voie de l’intégration, de la centralisation, de la répression, de la tutelle, et que le gouvernement n’est même pas disposé à mettre en œuvre les compromis exprimés par Lula dans sa lettre d’engagement vis à vis des peuples autochtones lors de la campagne électorale. Il déclarait qu’il allait implanter une nouvelle politique indigéniste, où il y aurait une participation ample et effective des peuples indigènes et de la société civile, construite à travers un processus participatif des Indiens et concrétisée par une conférence indigène qui devait avoir lieu la première année de son mandat.

Porto Alegre - Rio Grande do Sul - 28 janvier 2005


Notes

1. Lula a accédé au pouvoir en janvier 2003

2. Parti des Travailleurs, créé par Lula

3. Fait la liaison entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif


Présentation et traduction : Janine Vidal (CSIA-Nitassinan)


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