Après deux semaines d’intenses attaques du Congrès contre la politique socio-environnementale du gouvernement, le président Luiz Inácio Lula da Silva et la ministre de l’environnement et du changement climatique, Marina Silva, ont lancé ce lundi [5 juin] — Journée mondiale de l’environnement — l’instrument majeur censé permettre d’atteindre l’objectif de déforestation zéro en Amazonie d’ici à 2030.
La cinquième phase du PPCDAm — le plan d’action pour la prévention et le contrôle de la déforestation en Amazonie légale — a été rendue publique lors d’une cérémonie à laquelle ont assisté le vice-président Geraldo Alckmin (également ministre du développement, de l’industrie, du commerce et des services), Fernando Haddad (finances), Sonia Guajajara (peuples autochtones), ainsi que les gouverneurs Helder Barbalho (Pará) et Antonio Denarium (Roraima).
Considéré comme ayant joué un rôle fondamental dans la réduction de 83 % de la déforestation enregistrée dans la région entre 2004 et 2012 et abandonné sous le gouvernement Bolsonaro, ce plan est désormais de retour sous une nouvelle forme et avec l’ambition de mettre fin à cette situation au cours de la décennie.
La nouvelle version du plan cherche à reprendre et à renforcer les actions qui ont bien fonctionné dans le passé et à améliorer celles qui n’ont pas été couronnées de succès. Elle va également plus loin, proposant des stratégies qui visent à adapter les instruments existants au contexte actuel de la déforestation.
Le plan comporte plus de 130 objectifs à atteindre d’ici 2027, dont certains sont assortis d’indicateurs très spécifiques, comme la surveillance de 30 % de la zone illégalement détruite, identifiée par le système Prodes de l’Institut national de recherche spatiale (Inpe). On estime qu’aujourd’hui, seulement 6 % de cette zone fait l’objet d’une surveillance. L’idée est de faire cinq fois plus que ce qui a été fait jusqu’à présent.
Parmi les autres objectifs, on peut mentionner la mise sous embargo de 50 % de la zone de défrichement illégal [en 2022] dans les unités fédérales de conservation et l’augmentation de 10 % [par rapport à 2022] du nombre d’avis d’infractions environnementales jugées en première instance. La réalisation de ces mesures est prévue pour cette année. Pour l’année prochaine, il est prévu de développer un mécanisme permettant d’améliorer la traçabilité des produits agricoles et de l’élevage. Il est également prévu, d’ici à 2027, de suspendre, voire d’annuler 100 % des déclarations irrégulières réalisées dans le CAR (Cadastre environnemental rural) des propriétés empiétant sur les terres publiques fédérales.
Le problème de la régularisation des titres fonciers, considéré aujourd’hui comme l’un des vecteurs de la déforestation, doit également être abordé. Ainsi, le PPCDAm prévoit l’incorporation au patrimoine de l’Union de 100 % des terres non réclamées, la régularisation foncière de 50 000 occupants de terres publiques, l’utilisation qui sera faite des 29,5 millions d’hectares de forêts publiques fédérales dont la finalité n’a pas encore été définie et finalement, la création de 3 millions d’hectares d’unités de conservation.
Dans cet ensemble d’actions, le gouvernement porte une attention spéciale à l’alignement de la planification des grandes entreprises et des projets d’infrastructure sur les objectifs nationaux de réduction de la déforestation. L’objectif est ainsi de réduire dès la phase de planification de ces projets, et dans leurs zones d’influence, la déforestation et les émissions de gaz à effet de serre résultant des changements dans l’utilisation des terres.
L’idée du programme est d’agir sur quatre fronts principaux. Les exemples cités ci-dessus concernent les axes de surveillance de l’environnement et la réorganisation foncière et territoriale. Les deux autres concernent la promotion d’activités productives durables et la création d’instruments normatifs et économiques, orientés vers la réduction de la déforestation et la réalisation effective des actions des autres axes. Tout cela, avant la fin 2027 (période qui coïncide avec le Plan pluriannuel de planification budgétaire qui sera mis en œuvre par le gouvernement de 2024 à 2027).
L’objectif principal du PPCDAm est d’« établir des bases solides pour parvenir à une déforestation zéro d’ici 2030 », sur la base de 12 objectifs qui comprennent, entre autres, les points suivants : garantir la poursuite en justice des auteurs d’infractions et de crimes environnementaux liés à la déforestation et à la dégradation des forêts, améliorer la capacité de surveillance de la déforestation, des incendies et de la dégradation des chaînes de production, faire avancer la régularisation environnementale en améliorant le système national de cadastre environnemental rural, garantir l’affectation et la protection des terres publiques non attribuées et créer, améliorer et mettre en œuvre des instruments réglementaires et économiques pour lutter contre la déforestation.
Il existe désormais une plus grande préoccupation à donner une impulsion à la bioéconomie qui doit apporter des alternatives économiques de développement durable à la région tout en valorisant la forêt existante.
Cet axe d’action était déjà présent dans la première phase du PPCDAm mais c’est celui qui avait été le moins développé. Au cours de la première décennie du plan, de nombreux progrès ont été réalisés en matière de mécanismes de commandement et de contrôle. Ceci a permis de réduire la destruction, mais aucune piste de développement n’a été proposée, ce qui est considéré comme l’une des causes de l’avancée de la tronçonneuse [sur la forêt].
Aujourd’hui, il existe une série d’objectifs prenant en compte cette préoccupation. À titre d’exemple, on peut citer l’élaboration du plan national de bioéconomie, la création du « label Amazonie » pour certifier les produits de la bioéconomie et la mise en place de projets d’écotourisme. L’une des priorités est de promouvoir la gestion durable des forêts ainsi que la récupération et la restauration des zones déforestées ou dégradées. À cette fin, il est prévu d’augmenter la superficie des forêts publiques fédérales sous concession forestière de 5 millions d’hectares, incluant les zones de restauration forestière et les activités de sylviculture à partir d’espèces endémiques.
De la réussite des premières années du PPCDAm à son abandon
Créé en 2004, au cours du premier mandat de Lula, alors que Marina était, à cette époque aussi, à la tête du ministère de l’Environnement, le PPCDAm a rendu possible, pour la première fois, une baisse progressive et constante de la destruction de l’Amazonie. La déforestation annuelle est passée de 27 772 km2 en 2004 (deuxième record historique) à 4 571 km2 en 2012 (la réduction la plus forte depuis le début du suivi par le système Prodes, de l’Inpe).
Cependant, les années suivantes, la déforestation a commencé à repartir à la hausse, reprenant une trajectoire élevée au cours des quatre dernières années, sous le gouvernement Bolsonaro. Entre 2018 et 2022, la déforestation a augmenté de 54 %. En 2021, elle a atteint un pic de 13 000 km2, le niveau le plus élevé depuis 2006.
Selon les experts, l’un des mérites du plan original est de s’être appuyé sur un effort interministériel — et non sur le secteur environnemental du gouvernement. Cette configuration, qui manifestait la force politique de ses actions, s’est perdue au fil des années, en particulier à partir du second mandat de la présidente Dilma Rousseff. La fin de cette approche interministérielle a même été considérée comme l’une des raisons pour lesquelles, après 2013, la déforestation ait repris une trajectoire ascendante.
Aujourd’hui, cette démarche est de retour. La commission, qui a approuvé le nouveau plan, était composée de représentants de 19 ministères, ce qui renforce l’aspect transversal défendu par Marina et endossé par Lula. Le plan comprend même des objectifs spécifiques pour tous les organismes et ministères impliqués, y compris le Cabinet de la présidence, qui est responsable de la coordination politique du plan. Les ministères des Finances, de l’Agriculture, du Développement agraire, des Mines et de l’Énergie, de la Justice, de la Science et de la Technologie, pour n’en citer que quelques-uns, jouent un rôle fondamental dans cette intégration.
« La nouvelle phase reprend l’esprit initial du PPCDAm, d’actions allant au-delà de la seule logique des créations d’unités de conservation et de contrôle, elle introduit aussi plusieurs nouveautés », a déclaré à Agência Pública André Lima, secrétaire extraordinaire responsable du contrôle de la déforestation et de la planification environnementale territoriale, au ministère de l’Environnement (MMA).
« Nous nous concentrons sur l’utilisation des technologies pour faciliter l’application des contrôles, en donnant la priorité aux embargos à distance [3], afin d’accroître la portée de ce qui est fait aujourd’hui et d’augmenter considérablement les sanctions. Certains ministères sont plus disposés à s’impliquer dans ces actions. Le ministère des Finances, par exemple, est très intéressé. Le prochain plan Récolte (Safra - pour le financement de l’agriculture et de l’élevage) devrait comporter d’importantes nouveautés et rendre plus difficile le fait d’accorder un crédit à des personnes commettant des irrégularités. Nous allons pouvoir avancer dans ce qui n’a pas été réalisé dans les phases précédentes, l’agenda positif », explique le secrétaire d’État.
Pour atteindre les objectifs de la déforestation zéro, Lima, qui est responsable de la mise en place de ce programme, a souligné que l’ensemble de l’opération reposera sur les mesures suivantes : l’élimination de la déforestation illégale, la création d’incitations économiques permettant d’éviter la suppression illégale de la végétation et la promotion d’activités de restauration comme moyen de compenser les dégâts que l’on ne pourra pas éviter dans les zones qui seront inévitablement ouvertes.
La situation actuelle, rappelle-t-il, présente d’autres niveaux de difficulté par rapport à celle d’il y a près de 20 ans. Bien qu’à l’époque les taux de déforestation étaient beaucoup plus élevés qu’aujourd’hui, l’augmentation de la violence et les pressions politiques et économiques posent aujourd’hui de nouveaux défis.
Le document présente un diagnostic des problèmes à résoudre, tels que l’avancée de la déforestation vers l’intérieur des terres, l’invasion des terres publiques, le retour de la déforestation sur de vastes zones, la réduction de la présence effective de l’État dans les zones protégées et les assentamentos [4], la persistance de la déforestation illégale dans les chaînes de production et l’augmentation de la dégradation des forêts.
« La frontière de la déforestation a été repoussée. Il ne s’agit pas seulement d’un autre arc de déforestation. Le soja et l’élevage de bétail gagnent du terrain », explique Lima. En 2004, la déforestation se concentrait principalement dans le sud-est du Pará, sur l’axe de la route BR-163 dans les États du Mato Grosso et de Rondônia. Aujourd’hui, elle avance à l’intérieur de l’Amazonie, dans les États du Pará, de l’Acre et de l’Amazonas, tout particulièrement le long des routes fédérales BR-163, BR-230, BR-319 et BR-364.
« Ce qui mérite d’être relevé, en ce qui concerne l’altération de la dynamique d’occupation des zones de forêt vierge au cours de ces dernières années, c’est qu’elle est le résultat de la conjonction de la déforestation, de l’intensification des conflits forestiers et de la présence de plus en plus marquée du crime organisé associé au trafic de drogue. L’arrivée de ces deux nouveaux acteurs sur le territoire amazonien a fortement contribué à augmenter la violence », souligne ce document.
Le lancement du PPCDAm, coïncidant avec le premier anniversaire de l’assassinat du journaliste Dom Phillips et du militant pour la causse autochtone, Bruno Pereira, dans le Vale do Javari [ouest de l’État d’Amazonas], a été l’occasion de rappeler ce crime. Les veuves des deux hommes, Alessandra Sampaio et Beatriz de Almeida Matos, ainsi que Maria Luiza Araujo Pereira, fille de Bruno, étaient au premier rang, lors de la cérémonie.
*Ce reportage fait partie du document Emergência Climática qui enquête sur les violations sociales et environnementales résultant des activités émettrices de carbone — de l’élevage à la production d’énergie. L’intégralité du document est disponible sur le site web du projet.