Les usagers du système public de santé mentale occupent un bureau du ministère de la santé

 | Par Paloma Gomes

La mise à pied du Coordinateur général de la santé mentale par le ministre de la Santé, Marcelo Castro, dénote une régression des droits des usagers et de leur famille.

Source : Caros Amigos - 15/12/2015
Traduction pour Autres Brésils : Didier Bloch
(Relecture : Roger Guilloux)

Affiche du mouvement de lutte anti-asilaire

Des usagers et des travailleurs du système public de santé mentale, des militants du mouvement de lutte anti-asilaire et des familles de personnes soignées au sein du réseau de soin psychosocial, ont occupé ce matin (15 décembre 2015) la Coordination générale de santé mentale, alcool et autres drogues (CGMAD) du ministère de la santé. Cet acte symbolique d’occupation d’un espace aussi important – tant pour les personnes souffrant de troubles mentaux que pour la société dans son ensemble – vise à dénoncer les risques auxquels pourrait être exposée la réforme psychiatrique au Brésil.

Lundi dernier (14 décembre) le Journal officiel a publié la mise à pied du Coordinateur Général de Santé Mentale, Alcool et Autres drogues, Roberto Tykanori, remplacé par le psychiatre Valencius Wurch Duarte Filho. Cette initiative de Marcelo Castro, l’actuel ministre de la Santé, met en évidence une conception idéologique rétrograde par rapport aux conquêtes mises en œuvre par la loi nº 10.216 d’avril 2001.

Les manifestants ont l’intention d’occuper les lieux jusqu’à ce que le ministre revienne sur sa décision. Selon Alyne Alvarez, membre du Réseau national du mouvement de lutte anti-asilaire et Renilda, docteur en psychologie sociale (PUC São Paulo) « le ministre qui, au cours d’une de nos réunions, a affirmé être une personne ouverte au dialogue, désireuse de maintenir cette posture, a nommé Valencius sans aucune consultation préalable des parties prenantes. »

L’occupation de la Coordination de Santé Mentale nous rappelle avant tout que la politique développée ces dernières années a été construite avec les usagers, les familles et les travailleurs, sujets incontournables de la définition de politiques publiques humanisées, garantissant à la fois la santé et la liberté. Si cela n’avait pas été le cas, cette simple substitution du coordinateur n’aurait pas déclenché ces actions publiques en défense de la santé mentale. En effet, d’une part, l’histoire de Roberto Tykanori se caractérise par la lutte pour la désinstitutionalisation de personnes oubliées, victimes de violence dans les hôpitaux psychiatriques brésiliens. D’autre part, l’histoire de Valencius est au contraire celle de gens qui ont résisté et résistent toujours à l’ouverture des portes de ces hôpitaux, et qui défendent des pratiques médicales violentes comme l’électrochoc et la lobotomie.

Selon Alyne, « Valencius peut très bien affirmer qu’il est d’accord avec la loi, mais le problème c’est qu’il peut tout à la fois maintenir en fonctionnement les CAPS (Centres de Soin Psychosocial) et admettre – et même soutenir – l’existence des asiles psychiatriques. Nous, nous défendons le remplacement du modèle de soin asilaire par le modèle psychosocial. En s’abstenant de choisir, comme nous pensons qu’il va le faire, Valencius accepterait que les asiles psychiatriques continuent à fonctionner, ce qui va à l’encontre de la politique nationale. »

Le problème est posé. En ce moment, ceux qui sont entendus et sont en liberté occupent la Coordination de Santé Mentale et s’opposent à la régression annoncée.

Référence

Le Brésil est actuellement un pays de référence au niveau international, du fait de sa politique visant à dépasser la logique asilaire en substituant à l’hôpital psychiatrique un réseau communautaire et territorial fondé sur la garantie des soins en liberté et l’exercice de la citoyenneté. Ces avancées ont été mises en avant lors de l’évaluation réalisée en mars 2015, à l’occasion du séminaire organisé à Rio de Janeiro par la Gulbenkian Global Mental Health Platform, la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation Panaméricaine de Santé (OPAS).

Historique

Durant des siècles, l’assistance aux personnes souffrant de troubles mentaux est marquée par de graves violations des droits et par l’hégémonie de formes de traitement relevant du modèle asilaire. Au Brésil, au début des années 1980, un mouvement de réforme psychiatrique se fait jour. Formé par des travailleurs, des usagers et leur famille, et par la société civile, il a pour slogan « Pour une société sans asile psychiatrique ». Ce mouvement dénonce des violations de droits et s’organise politiquement pour dépasser le modèle centré sur l’hôpital psychiatrique, tout en défendant la constitution d’un réseau territorial et communautaire fondé sur le soin en liberté et la garantie du droit à la citoyenneté des usagers et des familles.

Ce mouvement s’est aligné sur celui de la Réforme Sanitaire, dans le cadre du processus de re-démocratisation du pays et de la défense de la santé en tant que droit universel et devoir de l’Etat – un droit garanti par la Constitution Fédérale de 1988 et réglementé en 1990 par l’institution du Système Unique de Santé (SUS). C’est à la même époque, qu’a débuté au Congrès national la discussion concernant le projet de loi nº 3.657/89, ayant donné lieu à l’actuelle loi fédérale n. 10.216/01 régulant la Politique nationale de santé mentale.

Ce même mouvement de réorientation de l’assistance psychiatrique au profit du soin territorial a eu lieu dans différents pays, parmi lesquels le Royaume Uni, l’Italie, la France et les Etats-Unis. En 1990, la Déclaration de Caracas a ratifié et déterminé la réorientation du modèle d’assistance des pays d’Amérique latine.

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