Les intellectuels sous pression

 | Par Guilherme Scalzilli

Source : A intelectualidade sob pressão - Observatório da Imprensa
Par Guilherme Scalzilli, le 20/06/2016
Traduction : Roger GUILLOUX
Relecture : Maia INZAURRALDE

Source : Blog de Guilherme Scalzilli

La tentative visant à se débarrasser du Ministère de la culture, les purges à l’intérieur de l’Entreprise Brasil de Comunicação [1] et les interventions du gouvernement provisoire dans les organismes scientifiques sont les signes d’un phénomène plus ample.

Que ce soit par le biais d’actions judiciaires ou d’articles dans les médias traditionnels, les attaques paralysantes et diffamatoires se sont multipliées contre des professeurs universitaires, des artistes et des journalistes considérés comme étant de gauche.

La tentative visant à se débarrasser du Ministère de la culture, les purges à l’intérieur de l’Entreprise Brasil de Comunicação et les interventions du gouvernement provisoire dans les organismes scientifiques sont les signes d’un phénomène plus ample. Que ce soit par le biais d’actions judiciaires ou d’articles dans les médias traditionnels, les attaques paralysantes et diffamatoires se sont multipliées contre des professeurs universitaires, des artistes et des journalistes considérés comme étant de gauche.

Le problème n’a rien à voir avec les privilèges fiscaux accordés à la Culture ni avec d’autres ordres du jour opportunistes. Des arguments grotesques du type « s’accrocher aux tétons de l’État » ne servent qu’à distiller un pseudo-libéralisme simpliste qui chatouille l’orgueil réactionnaire. A l’époque de la Guerre froide, on parlait de personnes « à la solde de Moscou ».

La phobie anti-intellectuelle est aussi vieille que le fascisme. Elle nait de l’aversion à la créativité et à l’esprit critique, valeurs de nature provocatrice et libertaire. L’art, l’humour et l’analyse offensent l’autoritarisme car ils agissent dans des sphères dans lesquelles la force coercitive, économique ou physique n’a pas une efficacité totale.

Et il existe le danger de la visibilité. Une personne célèbre qui dénonce un coup d’État devant la presse mondiale détruit des mois de propagande partisane du journalisme brésilien [2]. Aucune manipulation n’est capable de survivre à l’appel émotionnel d’une idole enfantée par ce même système de légitimation du support de manipulation.

Le venin contre l’antidote

Ceci explique l’effort pour neutraliser ces personnalités en recourant à des allégations concernant l’usage des ressources publiques ou portant sur les affinités politiques. La prétention à une neutralité impossible, rejetée dans tous les domaines de recherche, sert à désavouer justement les personnes qui combattent le mensonge de la neutralité politique du système judiciaire et de la presse. Inversion perfide qui compte sur le venin pour détruire son antidote.

L’esprit vindicatif et intolérant fournit un amalgame idéologique à diverses factions institutionnelles impliquées dans la destitution de Dilma Rousseff. Mais il serait naïf de ne voir là qu’un sous-produit spontané de l’antipétisme [3]historique. Le phénomène a pris une telle amplitude qu’il peut se transformer en instrument de coercition.

Les attaques contre les intellectuels visent à les empêcher de participer à la construction de récits historiques de la période actuelle que traverse le pays. En condamnant au silence les versions antagonistes, la droite prétend institutionnaliser la vision salvatrice de son histoire, ayant recours à un discours homogène des événements comme légat d’une fausse unanimité au sujet des disputes politiques.

Et c’est précisément parce que la mode obscurantiste est liée à un projet de pouvoir que les intellectuels ne peuvent tomber dans ce piège légitimant la dépolitisation. Plus les adeptes de la pensée unique seront agressifs et plus il sera stimulant de les combattre avec l’énergie de la résistance militante.

Guilherme Scalzilli est historien, écrivain. Il est titulaire d’un master en Diffusion scientifique et culturelle.

Voir en ligne : Observatório da imprensa

[1Empresa Brasil de Comunicação, EBC. Entreprise publique de communication créée en 2007. Elle regroupe une agence d’information, des chaînes de télévision et des radios.

[2L’auteur de l’article fait référence à la protestation contre la destitution de la Présidente Dilma Rousseff protagonisée par le cinéaste brésilien, Kleber Mendonça Filho lors du dernier festival de Cannes.

[3Antipetisme. Néologisme créé à partir du sigle du Parti des travailleurs, le PT.

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