Les gagnants du débat sont les éleveurs de faux profils

 | Par Leonardo Sakamoto

Par : Leonardo Sakamoto pour Blog do Sakamoto
Traduction : Du ALDON pour Autres Brésils
Relecture : Luc DUFFLES ALDON

Photo des candidats présents au débat

Dans le confort de sa bulle idéologique, on est sûr que son candidat a gagné le débat télévisé pour les présidentielles, le jeudi 9 août, sur TV Bandeirantes. Enfermé avec ceux qui pensent la même chose dans les chambres d’écho des réseaux sociaux ou sur les listes de WhatsApp et à l’écart de la différence en raison de l’ultra-polarisation des idées, il y a ceux qui vivent dans une réalité parallèle, où la performance de leur candidat l’amènera à monter de dix points lors de la prochaine enquête d’intention de vote.

À l’inverse, ils ont dû avoir l’impression que le principal adversaire, quel qu’il soit, avait perdu la face. Au moins, c’est ce qu’ont dit les mèmes, qui sont la nouvelle base de la transmission de la connaissance de la civilisation occidentale.

En pratique, un débat pour les présidentielles entre huit personnes c’est comme la bacchanale de la démocratie. Il est impossible d’approfondir sur un seul sujet et, par conséquent, même un candidat ayant une connaissance superficielle sur tous les sujets peut survivre pendant les quelques heures de durée du débat. En même temps, les règles permettent d’isoler certains candidats et finissent par ouvrir des espaces d’accords informels de complaisance au nom de la survie. C’est-à-dire, je vous pose une question, vous me posez une question et nous laissons l’importun seul.

Le débat, bien qu’utile pour mettre en avant des noms inconnus, n’a pas modifié la course électorale. Cela a cependant servi à prouver qu’un anxiolytique n’est pas seulement utilisé pour calmer les déposants devant une commission d’enquête parlementaire. Et cela a montré que, après le vote de mise en accusation, le nom de Dieu est devenu un joker dans la bouche des politiques à la télévision. « Tu n’invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu en vain ? » Ils ont révoqué le commandement.

Il y a des phrases et des situations qui ont franchi les frontières des bulles, bien sûr. La meilleure fut celle de Boulos à Meirelles : « Ici, dans ce débat, il y a 50 nuances de Temer » - ce qui a le potentiel de marquer l’une des choses les plus importantes de la vie : les t-shirts. Ou celle de Ciro, à propos des élucubrations de Cabo Daciolo : « La démocratie est belle, mais elle a un certain coût ». Benevenuto Daciolo, qui a secoué le web quand il a sorti une bible pour faire ses dernières remarques. Lui qui, au cours de son mandat comme député fédéral, a proposé de modifier l’article premier- paragraphe unique de la Constitution fédérale changeant "tous les pouvoirs émanent du peuple" en "tous les pouvoirs émanent de Dieu", confondant ainsi la tribune du parlement avec celle d’une église.

Mais s’il y a un gagnant dans ce débat, c’est le propriétaire de n’importe quelle entreprise « community management » qui loue ses fermes de faux profils et de robots à des candidats pour influencer l’opinion des électeurs sur les réseaux sociaux.

Nous avons eu un avant-goût du chaos qui nous attend dans les deux prochains mois. Dans les réseaux, des nuages de profils simples créés spécifiquement pour le combat politique (peu ou pas de suiveurs, noms générés par ordinateur, images de profil génériques, messages destinés à défendre ou attaquer quelqu’un) ont produit et reproduit des dizaines de milliers de tweets. Le but était de vous faire croire que si tout le monde parle d’un sujet, c’est parce que c’est vrai. Ce qui est un gros mensonge. Une telle vague de post a généré des situations pittoresques. Bolsonaro est apparu comme l’un des dix sujets les plus discutés sur Twitter en Russie, Daciolo figurait parmi les premiers du Pakistan, Ciro et Marina au Vietnam, par exemple.

Il serait bon de savoir que le monde participe activement aux élections brésiliennes, affichant des dizaines de milliers de tweets. Je serais inquiet si quelqu’un utilisait les robots de ces pays pour manipuler le débat public au Brésil. Twitter dit que c’est normal, que lorsqu’il n’y a pas assez de sujets tendances quelque part, la liste des problèmes du moment est remplie avec celle des autres. La vérité est que ce qui passe par l’écran du téléphone cellulaire a déjà changé la façon dont nous voyons et percevons les débats électoraux, leur donnant de nouvelles significations selon les stimuli que nous recevons. Quel en est l’impact sur les élections ? Dernièrement, je me dis que si cela ne tue pas la démocratie, c’est déjà très bien.

Post mis à jour à 23h57, le 10/08/2018, pour inclusion d’informations.

Voir en ligne : Quem ganhou o debate foram os donos de fazendas de perfis falsos e bots

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