Depuis le début, le gouvernement de Bolsonaro mène une « guerre culturelle » déclarée. Le cinéma brésilien – de la production à la distribution ; de la valorisation à la préservation de son patrimoine et de son histoire – est l’objet d’une politique de violence et d’annihilation. La Cinémathèque brésilienne, gérée depuis 2018 par une organisation privée liée à l’État, et déjà victime d’une forte précarisation, vient d’être prise d’assaut par le gouvernement fédéral. Il vise la répression, le contrôle et l’effacement de la mémoire et de l’histoire cinématographiques du Brésil, mais aussi l’emprise sur son futur.
Voir l’article de Libération « São Paulo : la Cinemateca brasileira en pause forcée »
Faire circuler le cinéma brésilien, malgré nos propres limites, faire vivre ces films qui crient, qui brûlent, qui imaginent, qui bouleversent nos visions du monde, est donc nécessaire à la fois dans les espaces officiels ainsi qu’indépendants, méconnus, sauvages. Cette année, la pandémie nous impose plus de défis, mais Brésil en Mouvements ne cesse pas de croire au pouvoir des festivals faits de rencontres, d’échanges, de luttes et de rêves communs.
Face au contexte pandémique qui exacerbe les crises et les tragédies brésiliennes, le festival met en avant les déchirures mais aussi les puissances d’un pays et de son cinéma. La 16e édition de BEM, à travers 12 films, dont 9 inédits en France, montre un cinéma fait par une génération qui refuse de se faire écraser par la réalité autoritaire, ultra-néolibérale, patriarcale et néocoloniale du pouvoir. C’est un cinéma portant le regard des périphéries, qui revendique les marges comme le seul espace possible pour penser l’avenir.
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Un grand merci à Fabrizio Rosa pour sa création ! Musique © « Ciranda » Heavy Baile
La sélection de films
Dans une connexion Minas-Paris, la 16e édition de BEM ouvre les écrans français au Festival du Film documentaire et ethnographique de Belo Horizonte : ForumDoc, qui a lieu depuis 1997 dans la capitale de Minas Gerais. ForumDoc est certainement un festival qui promeut des « images pour repousser la fin du monde » [1] , idée que, de ce côté de l’Atlantique, Brésil en Mouvements fait résonner. En partenariat avec ForumDoc, le festival présente en ouverture Zawxiperkwer Ka’a – Guardiões da Floresta (de Jocy et Milson Guajajara, avec Vídeo nas Aldeias). À travers une perspective singulière, située au cœur des conflits, le film dévoile le quotidien invisible de l’invasion et de la destruction des territoires autochtones.
Zawxiperkwer Ka’a sera précédé de Apiyemiyekî ?, documentaire expérimental d’Ana Vaz retraçant l’histoire des violences contre les peuples autochtones pendant la dictature militaire. Cette séance dévoile la farce qu’est l’« Histoire du Brésil » à partir de l’expérience des peuples autochtones, tout en mettant en avant l’urgence de leurs luttes.
Le film Sete Anos em Maio, d’Affonso Uchôa, est une descente aux enfers retraçant une histoire singulière pour explorer la violence génocidaire contre la population noire des favelas. À travers ses images puissantes, Uchôa reconfigure la possibilité de donner voix aux victimes.
Exposant les racines profondes du Brésil, Raízes (Simone Nascimento & Wellington Amorim) et Galinhas no Porto (Caio Zatti Luis Henrique Leal) montrent que le racisme et la violence d’État traversent les vies et les géographies du Brésil. Atordoado, eu permaneço atento [Stupéfait, je reste attentif] (Lucas H. Rossi dos Santos et Henrique Amud) réalise un court-circuit de la mémoire et de l’histoire de la dictature militaire. Ces films montrent aussi comment les ruptures historiques s’inscrivent sur les vies privées et se transmettent entre les générations.
Une séance sera consacrée au jeune cinéma lesbien du Brésil. Avec humour, amour, tendresse, perspicacité, joie et la force folle de ces femmes, les films Quebramar (Cris Lyra), Rebu – A Egolombra de uma Sapatão Quase Arrependida (Mayara Santana), À Beira do Planeta Mainha Soprou a Gente (Bruna Barros et Bruna Castro), Carne (Camila Kater) et Minha História é Outra (Mariana Campos) mettent en image le nouveau monde.
Le festival sera clôturé par le sensible Um Filme de Verão de Jo Serfaty, faisant résonner en France les rêves d’une jeunesse périphérique au Brésil.
De quoi sera fait l’avenir ?
Vive le cinéma brésilien. Vive la Cinemateca Brasileira.
- PROGRAMME EN PDF : https://www.autresbresils.net/IMG/pdf/prog_bem20_exe.pdf
Liste de films par séance
VENDREDI 2 OCTOBRE
20h // SÉANCE D’OUVERTURE //
Séance en partenariat avec le festival ForumDoc
Apiyemiyekî ? (Ana Vaz, 2019, 28’)
Zawxiperkwer Ka’a – Guardiões da Floresta (Jocy et Milson Guajajara/ Vídeo nas Aldeias, 2020, 52’)
RENCONTRE *
Avec Ana Vaz, réalisatrice de Apiyemiyekî ?
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SAMEDI 3 OCTOBRE
17h // RACINES / RACISME //
Galinhas no Porto (Caio Zatti et Luis Henrique Leal, 2018, 20’)
Raízes (Simone Nascimento et Wellington Amorim, 2020, 72’)
DÉBAT
L’abolition tardive de l’esclavage au Brésil s’est accompagnée d’une tentative d’effacement de ce passé peu orgueilleux. À l’inverse, l’illusion d’une société métissée et sans préjugés raciaux s’est créée. Comment rétablir une vérité historique et retracer le passé de la population noire au Brésil ? Pourtant majoritaire, elle est confrontée à la rareté des sources documentées sur son ascendance.
Intervenant·e·s :
- Luis Henrique Leal, réalisateur de Galinhas no Porto
- Aderivaldo Santana, historien de la traite négrière au Brésil (Université de Bordeaux)
- Paula Anacaona (éditions Anacaona)
Modération :
Eros Sana, co-fondateur de Bastamag et militant des quartiers
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20h // VIOLENCES D’ETAT //
Atordoado, Eu Permaneço Atento (Lucas H. Rossi dos Santos et Henrique Amud, 2019, 15’)
Sete Anos em Maio (Affonso Uchôa, 2019, 42’)
DÉBAT
Les récents scandales mettant en lumière les abus de personnes détentrices de l’autorité ont particulièrement secoué l’actualité mondiale récente. Ils révèlent un phénomène systémique persistant. Que ce soit lors de la dictature militaire (1964-1985) ou à l’heure actuelle, ces pratiques sont ancrées dans le quotidien des brésilien•ne•s et lourdes de conséquences pour les victimes.
Intervenante :
- Jussara Freire, Sociologue, Instituto de Estudos Comparados em Administração Institucional de Conflitos INCT-InEAC (Universidade Federal Fluminense) / Centre d’Etude des Mouvements Sociaux CEMS/EHESS
Modération :
Glauber Sezerino, sociologue et co-président d’Autres Brésils
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DIMANCHE 4 OCTOBRE
15h // IDENTITES LESBIENNES //
Quebramar (Cris Lyra, 2019, 27’)
À Beira do Planeta Mainha Soprou a Gente (Bruna Barros et Bruna Castro, 2020, 13’)
Rebu – A Egolombra de uma Sapatão Quase Arrependida (Mayara Santana, 2019, 21’)
Minha História é Outra (Mariana Campos, 2019, 22’)
Carne (Camila Kater, 2019, 12’)
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17h GRAND DÉBAT // BRÉSIL, PAYS EN CRISES (Entrée libre)
Politique, environnementale ou sanitaire, les crises s’enchaînent au Brésil. Preuves des ingérences du gouvernement actuel. Laissent-elles entrevoir des perspectives très sombres pour l’avenir ?
Intervenant·e·s :
- Douglas Estevam, coordinateur du Mouvement des sans-terre brésilien (MST)
- Eloy Terena, avocat et conseiller juridique de l’Articulation des peuples autochtones du Brésil (Apib)/ à confirmer
- Jussara Freire, Sociologue, Instituto de Estudos Comparados em Administração Institucional de Conflitos INCT-InEAC (Universidade Federal Fluminense) / Centre d’Etude des Mouvements Sociaux CEMS/EHESS
Modération :
Erika Campelo, co-présidente d’Autres Brésils
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19h // SÉANCE DE CLÔTURE - JEUNESSE DES FAVELAS //
Remise du prix du public suivie de :
Um Filme de Verão (Jo Serfaty, 2019, 94’)
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* Sous réserve de l’évolution des mesures sanitaires contre la pandémie du coronavirus en France et en Europe
— - Information pratiques
Du 2 au 4 octobre
Cinéma 7 Parnassiens
98 Boulevard du Montparnasse
75014 Paris