L’identification du président aux « plus pauvres » et les actions menées en leur faveur ont été les deux arguments les plus martelés par la campagne du Parti des Travailleurs (PT). À l’heure de la décision, les électeurs qui n’avaient pas voté pour Lula au premier tour, ont apporté leur soutien à sa candidature.
<img822|left> Le portier José Carlos Silva, 50 ans, a voté pour Luiz Inácio Lula da Silva à toutes les présidentielles jusqu’au 1er octobre 2006. « Indigné » et « très triste » suite à la série de scandales mettant en cause le gouvernement et le PT, il a alors décidé de changer. Au premier tour, il a opté pour Heloísa Helena [la candidate du P-SOL, Parti Socialisme et Liberté] en qui il reconnaissait une « indignation » proche de la sienne. Quatre semaines plus tard, cependant, il s’est réconcilié avec son ancien favori. « On ne peut pas voter pour [Geraldo] Alckmin [le candidat du PSDB, parti de la Social Démocracie Brésilienne], un de ces riches qui ne vivent pas comme les pauvres, ne côtoient pas les pauvres, ne nous côtoient pas. Lula nous comprend. On doit voter pour celui qui nous comprend » explique le portier.
Mais les scandales et l’indignation ressentie auparavant ? « Lula sait où il y a eu de la corruption et il ne laissera pas le fait se reproduire » dit-il.
José Carlos peut être considéré comme un symbole de ces électeurs qui ont permis la réélection du président le dimanche 29 octobre. Des électeurs sympathisants du PT, qui ont choisi Heloísa ou Cristovam Buarque [le candidat du PDT, Parti Démocrtique Travailliste] au premier tour car ils étaient déçus, mais qui ont apporté leur voix au candidat du PT au second tour, de manière massive, comme l’indique la diminution du pourcentage d’Alckmin entre les deux votes.
Des électeurs qui, bien que choqués par les scandales, ont trouvé des raisons pour surmonter leur frustration et suspendre le boycott du candidat du PT. Des électeurs qui ont envisagé la confrontation finale entre Lula et Alckmin comme un combat entre les « pauvres » et les « riches » dont l’enjeu résidait dans l’amélioration des conditions de vie qui aurait eu lieu sous la présidence de l’ex-métallurgiste.
L’identification de la candidature Lula avec les « plus pauvres » et les actions réalisées en leur faveur ont été deux des aspects les plus martelés par la campagne du PT. Ils marquent jusqu’aux propos du président réélu : « Le Brésil a senti qu’il allait mieux et, contre cela, il n’y a pas d’adversaire » a affirmé Lula dans le discours qu’il a prononcé après la victoire. « Les pauvres ont préféré notre gouvernement ».
Le report des voix de Heloísa et Cristovam sur Lula, au second tour, suggère que la stratégie du campagne du PT a été efficace. L’emphase mise sur le discours à destination des plus modestes a produit un ennemi qui, avec ou sans raison, s’est trouvé incarné par la figure de l’adversaire politique.
« Alckmin est un candidat très compromis avec les intérêts des élites du pays. Il n’a jamais vraiment pensé à résoudre les problèmes de la population » dit Alexandra Saraiva, 28 ans, étudiante en Histoire. Rendue furieuse par les scandales - « j’avais une image romantique du PT » - elle avait voté pour Cristovam au premier tour.
La même chose est arrivée à Luciana Pereira, une journaliste de 24 ans. Habituée à voter pour le PT, elle a abandonné Lula en faveur du candidat du PDT à cause du manque d’éthique du gouvernement. Pourtant, elle a aidé à renouveler le mandat de Lula. « Je n’ai pas voté pour moi. Je suis de la classe moyenne et pour moi, cela ne change rien un gouvernement ou un autre. J’ai voté pour celui qui agit pour la majorité. Et Lula fait plus pour les pauvres que Alckmin » affirme-t-elle.
La sensation que la situation du pays s’est améliorée pendant la gestion de Lula a produit une situation inédite pour un ingénieur de 53 ans qui travaille actuellement pour le compte de l’État fédéral et a demandé que son nom reste secret. Le dimanche 29, il a voté pour Lula pour la première fois de sa vie, après 7 opportunités - les deux tours de 1989 et 2002, les élections de 1994 et 1998 et le premier tour de cette année.
« Je veux donner quatre ans de plus à Lula, parce que le pays va mieux et que le PSDB a déjà eu sa chance [de gouverner pendant 8 ans]. En plus, j’ai toujours trouvé les liens entre le PSDB et les banques suspects » dit l’ingénieur qui a voté pour Cristovam au premier tour.
Le sentiment que le pays est allé de l’avant ces derniers 46 mois existe même chez ceux qui ont rejeté Lula une fois de plus, et qui, le dimanche 29, ont choisi de voter pour Alckmin même s’ils n’avaient jamais voter pour le toucan auparavant. Tel est le cas de l’infirmier Jorge Leandro de Souto Monteiro, 34 ans, qui n’avale pas les déviances éthiques du gouvernement et a voté pour Heloísa Helena. « Même si j’ai été indigné par les scandales, la stabilité de l’économie est une des grandes victoires de ce gouvernement » dit-il.
Prochain gouvernement
La stabilité économique du pays est reconnue par des gens qui se sont tournés vers Lula à la dernière minute et pour lesquels le sujet restera essentiel pendant le prochain gouvernement. « J’espère que cette stabilité se maintiendra, qu’il ne changera pas la législation sociale, qu’il améliorera le système d’impôts, parce que la classe moyenne paye beaucoup », dit Alexandra Saraiva.
Toujours dans le domaine de l’économie, une autre situation construite par l’actuel gouvernement est au centre des attentions de ceux qui ont réélu le président. Pour le portier José Carlos Silva, il n’y a rien de plus important aujourd’hui que l’augmentation du salaire minimum. « J’attends plus d’emploi et que le salaire minimum continue à augmenter. C’est bien pour moi et pour ma famille car tout le monde à la maison gagne le salaire minimum » affirme-t-il.
Le portier a des raisons d’espérer si on en juge par le discours prononcé par Lula après la victoire. Le président a assuré que le salaire minimum allait continuer à augmenter car le gouvernement entend stimuler l’économie en augmentant les revenus des travailleurs.
Les retrouvailles avec Lula sur la ligne d’arrivée ne signifient pas que la déception se soit envolée. En cela, la résolution de la crise éthique constitue un des principaux défis des années à venir. « Le plus grand défi du président est de retrouver la crédibilité qu’il avait quand il a été élu pour la première fois » affirme Luciana. « Et aussi d’augmenter la croissance du pays. Car comme ça, ça ne va pas ! ».
* Toucan : nom donné aux adhérents du Parti de la Social Démocratie Brésilienne (PSDB), parti de l’ancien président Fernando Henrique Cardoso
Par André Barrocal
Texte source : Agência Carta Maior - 30/10/2006
Traduction : Anaïs Fléchet pour Autres Brésils