Le Brésil a connu un changement important avec l’élection à la présidence de la République d’un ouvrier, qui succédait à ce poste à l’un des plus grands sociologues brésiliens, Cardoso. Curieusement, l’ouvrier poursuit la politique de droite menée par son prédécesseur, ajoutant à celle-ci la « question sociale ».
Dans son programme, Lula promettait qu’il « ne dormirait pas » tant que tous les brésiliens n’auraient pas « au moins trois repas par jours ». Ainsi, il lança le programme « Faim Zéro », conçu par des intellectuels de gauche pour combattre avec quelques petites mesures l’indigence de 35 millions de personnes, selon les recensements d’universitaires. Cependant, comme nous le voyons depuis le début du mandat de Lula, ces idées rencontrent certaines difficultés d’application. Cet article propose d’examiner quelques points, théoriques et empiriques, qui entretiennent l’équivoque dans la mise en place de ces programmes sociaux qui composent le projet « Faim Zéro » en Amazonie.
Pourquoi se focaliser sur une aire spécifique ? Parce qu’une étude des budgets familiaux, « Pesquisa de Orçamentos Familiares » (POF), menée par l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE), a décrit les motifs de dépenses (alimentaires et non alimentaires) et ses formes d’obtention (monétaires et non monétaires) dans les familles des aires rurales de la région Nord (les 7 états amazoniens du Brésil). Réalisée entre juin 2002 et juin 2003, cette étude [1] a collecté des informations sur 48 000 familles.
Elles ont permis au gouvernement de donner un nouveau sens au débat sur l’extrême pauvreté. Selon la POF, la région Nord rassemble environ 12 % du total des pauvres du pays. La région Nordeste détient la plus grande concentration de pauvres du pays (48 %), fait connu depuis longtemps. Mais la richesse des informations recueillies par l’IBGE sur la région Nord est d’une importance fondamentale pour présenter une réalité ignorée de la plupart des brésiliens. Il existe en effet dans l’imaginaire social brésilien l’idée que l’Amazonie n’est plus « nossa » (brésilienne) : le pays n’aurait jamais exploité la faune et la flore de l’Amazonie. Les nord-américains et les français, qui envoient des centaines de chercheurs, s’en seraient rendus maîtres. Ce n’est effectivement pas par hasard que l’un des plus importants projets de surveillance de la région, le SIVAM (système de vigilance de l’Amazonie) est dirigé par une entreprise états-unienne. Les universités et entreprises brésiliennes investissent peu dans la région à cause de son isolement. Le manque de routes, d’installations sanitaires, de services publics, démotive les chercheurs.
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