Les nouveaux alliés du gouverneur se sont emparés de la commission. L’un d’entre eux, issu du Parti Social Libéral, est favorable à la destitution du Président Bolsonaro. [1]
La Commission Parlementaire d’Investigation (CPI) des informations frauduleuses termine l’année bien tristement pour qui avait imaginé qu’elle allait faire souffrir Jair Bolsonaro et alimenter les actions de cassation du Tribunal Supérieur Électoral (TSE) à son encontre. Après trois mois de travail, elle a produit plus d’écume et de verbiage que de révélations. La seule personne qui peut s’en réjouir, c’est le gouverneur tucano [2], João Doria Jr.
La CPI est née de la concordance d’intérêts entre l’opposition et le président du Parlement, Rodrigo Maia (Démocrates - RJ) mais, au fil des jours, elle est devenue le QG nouveaux alliés de Doria. Des cinq dépositions qui ont déjà été faites à la commission, trois émanaient d’ex-bolsonaristes qui ont soit rejoint un nouveau parti politique, le Parti Social Démocrate brésilien (PSDB), soit « courtisent » Doria, pré-candidat à président du Brésil pour les élections de 2022.
Dans le premier groupe, celui des néo-tucanos, on retrouve le député Alexandre Frota (état de São Paulo) qui a fait sa déposition le 30 octobre et Paulo Marinho, suppléant du sénateur Flávio Bolsonaro qui s’est présenté à la commission le 10 décembre. Tous les deux faisaient partie du Parti Social Libéral (PSL), l’ancien parti bolsonariste, jusqu’à ce qu’ils décident d’abandonner la barque de l’ex-capitaine. Marinho est maintenant président du PSDB de Rio de Janeiro.
Joice Hasselmann, députée de São Paulo, est toujours membre du PSL, mais elle fait partie de l’aile qui a rompu avec Bolsonaro, rupture qui a conduit le Président à créer un autre parti. En novembre Doria a proposé à Joice de candidater au poste de première adjointe au maire de São Paulo, Bruno Covas (PSDB), lors des élections municipales qui auront lieu en 2020. Cette députée qui avait été la leader du gouvernement Bolsonaro au Congrès est allée faire une déposition à la CPI le 04 décembre dernier.
Une semaine plus tard, elle est devenue la représentante du PSL à la Chambre des députés, conséquence de la suspension appliquée par la direction de ce parti à Eduardo Bolsonaro, fils du Président du Brésil et a écarté quatre membres de son parti de la CPI. Elle a retiré des fidèles bolsonaristes (Eduardo, Bia Kicis, Carolina de Toni et Filipe Barros) et les a remplacé par des membres fâchés avec l’ex-capitaine (Delegado Waldir, Julian Lemos, Nereu Crispim et Professora Dayane).
Joyce Hasselmann en pleine action le 04 décembre : elle a été pressentie par Doria pour devenir l’adjointe au maire de São Paulo, Bruno Covas
Ce changement dépend toujours de la demande d’appel contre une décision judiciaire qui a annulé la suspension d’Eduardo Bolsonaro et de 13 autres députés. Si cette décision est maintenue, la CPI comptera avec un membre du PSL favorable à de la destitution du président Bolsonaro, Nereu Crispim, président du PSL du Rio Grande do Sul.
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Le 02 décembre dernier, le journal gaúcho Zero Hora a publié l’enregistrement d’une conversation téléphonique de Crispim avec une femme du nom de Rose. La conversation portait sur les investigations que la Police fédérale a réalisée en octobre dernier dans la maison du président du PSL, Luciano Bivar, à la recherche de preuves d’irrégularités lors de l’élection de 2018.
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« C’est une mesure de représailles de Bolsonaro » disait Crispim. « Je connais bien Bivar et s’il s’est produit là quelque chose d’inacceptable, celui qui doit perdre son mandat, c’est Bolsonaro et non pas Bivar. » Un peu plus tôt dans la conversation, le député avait déjà précisé : « Je vais te dire une chose que tu gardes pour toi : Bolsonaro va se payer une destitution ; prends bien note de ce que je te dis ».
La CPI pouvait mettre en péril le mandat de l’ex-capitaine, en raison de l’un de ses quatre axes officiels d’investigation figurant dans la proposition qui a conduit à la création de cette commission : l’utilisation de profils frauduleux visant à influencer les résultats des élections de 2018.
Après avoir entendu Marinho, Joice, le général et ex-ministre Carlos Alberto dos Santos Cruz ainsi qu’un journaliste considéré comme pro-gouvernement, Allan dos Santos ; la CPI est maintenant en mesure de décrire le fonctionnement des milices virtuelles bolsonaristes. Il existe un cerveau politique (la famille Bolsonaro), des opérateurs d’attaques virtuelles (des assesseurs du Président et des parlementaires), des sites et des robots qui disséminent les contenus. « Ces milicies virtuelles forment une organisation criminelle » a indiqué à la CPI la députée Natália Benevides (PT-RN).
Mis à part la description du fonctionnement, la CPI ne dispose pas d’éléments concrets contre de potentiels accusés ni sur le financement de ces milices virtuelles. Les procédures de cassation du mandat du président du Brésil au Tribunal Supérieur Électoral (TSE) ne traitent pas seulement d’informations frauduleuses électorales mais également d’hommes d’affaires qui auraient payé pour disséminer ces informations.
La CPI a demandé à avoir accès aux enquêtes du TSE et du Tribunal Suprême Fédéral (STF) concernant les informations frauduleuses et les milices virtuelles mais, ou bien les matériaux recueillis ne présentent en fait rien qui puisse attirer l’attention, ou bien l’analyse de ces documents réalisée par la commission a été trop rapide et superficielle. À ce jour, ces matériaux n’ont mené à aucune décision.
La CPI a également demandé l’aide d’un commissaire de la Police fédérale, laquelle a mis à sa disposition un policier expérimenté, Carlos Eduardo Sobral, ex-président de l’ADPF, l’association nationale de commissaires de police. Mais il s’avère que jusqu’à maintenant, Sobral a été peu sollicité.
Dans les coulisses de la commission, certains disent que celle-ci souffre d’un problème politique. La commission semblerait manquer d’objectifs clairs. Les membres de la commission, dont la rapporteuse Lídice da Mata (PSD -BA), n’articulent pas leurs travaux. Se laissant simplement guider par les informations transmises par les médias.
Il nous reste à espérer que les membres de la CPI entreprennent une thérapie de groupe avant février, quand les commissions reprendront…