« Le poison est servi » ou comment le Brésil facilite la consommation de pesticides

 | Par Raquel Júnia, Silvio Tendler

Le documentaire de Silvio Tendler « le poison est servi » a été lancé le 25 juin à Rio de Janeiro. En 60 minutes à peine, ce film montre comment le pays facilite la consommation de pesticides et comment des mouvements sociaux ainsi que des organes officiels du gouvernement tels l’Anvisa (Agence Nationale de la Vigilance Sanitaire), la Fiocruz (Fondation Oswaldo Cruz) et L’Inca (Institut national de lutte contre le cancer) essaient de différentes manières de donner l’alarme.

Par Raquel Júnia, pour EPSJV/Fiocruz, Caros Amigos - 28/07/2011

Traduction : Vanessa Desjardin pour Autres Brésils


Pour ce documentaire des ouvriers agricoles, des chercheurs du secteur de la santé ont été interviewés, diverses données et informations inédites ont été réunies et dénoncent les cas de pollutions dues à l’utilisation des pesticides, dont le décès d’un ouvrier, et comment il est possible d’établir un autre modèle de production, sans l’utilisation de poisons, basé sur l’agroécologie. Lors de cette première projection qui s’est jouée à guichet fermé en présence de plus de 700 personnes, Silvio Tendler a demandé que le film circule dans tous le pays. Et puisque aucune copie n’en sera vendue, il autorise la reproduction du documentaire, bientôt disponible sur internet, par quiconque afin que son signal d’alarme atteigne les 4 coins du pays. Le voici en interview pour EPSJV/Fiocruz.

Interview de Silvio Tendler : « Nous pouvons faire une agriculture sans pesticides »

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Ce film a été construit en dialogue permanent avec les mouvements sociaux. Cette expérience est différente de celle des autres films ?

Du point de vue de la production, oui c’est le premier travail réalisé conjointement avec les mouvements sociaux mais pas du point de vue de sa distribution. Mes films ont toujours été liés aux mouvements sociaux, j’ai filmé l’inauguration de l’Ecole Nationale Florestan Fernandes [Enff/MST], et j’y ai projeté mes films. Je parcours ce pays en présentant les films aux mouvements sociaux donc j’ai toujours été lié avec eux. C’est la première fois que nous faisons un travail en commun, ce qui pour moi est un honneur. Je crois même que c’est le résultat naturel du processus. Après avoir fait tant de choses ensemble, c’est normal que l’on pense aussi à faire un film ensemble. Dans le cas de ce film sur les pesticides, je crois qu’il s’agit d’un mariage naturel entre « la faim et le désir de manger ». Il y a deux ans j’étais en Uruguay et je discutais avec [l’écrivain] Eduardo Galeano et c’est là qu’il m’a dit que le Brésil était le pays qui utilisait le plus de pesticides. Il me dit cela avec une certaine tristesse car il s’agissait du Brésil et surtout à cause des événements politiques que nous avons vécu. De là je suis retourné au Brésil avec l’idée de faire quelque chose sur les pesticides. J’ai pensé faire des vidéos à poster sur Youtube, j’en ai parlé à [João Pedro] Stedile [coordinateur du MST] qui m’a encouragé et nous en avons reparlé régulièrement. Un jour il m’a dit : « écoutes, il commence à y avoir un mouvement très fort contre les pesticides, je pense que tu pourrais ajouter cela à ton idée de film ». De ce mariage et né « Le poison est servi ».

Les attentes que vous aviez avant d’aller filmer et interviewer sur le terrain se sont-elles confirmées pendant la réalisation ?

Le documentaire dépasse toujours les attentes. La réalité est toujours plus forte que la fiction. C’est pour cela que je suis réalisateur de documentaires précisément parce que la réalité est plus forte. En premier lieu nous avons pu constater que le poison contenu dans les pesticides n’est pas une théorie mais une réalité très dure et très difficile, plus dramatique que ce que j’imaginais. Deuxièmement, le travail et la lutte des personnes qui réagissent et se battent est aussi très difficile donc en ce sens, c’est un film plus complet que ce que j’imaginais et beaucoup plus fort. Je suis très heureux de faire ce film.

Combien de temps a duré le tournage ?

Environ six mois. Nous avons commencé à la fin de l’année dernière. Nous l’avons fait avec très peu de moyens. C’est un film très peu onéreux par rapport au résultat obtenu. Nous avons tourné à Porto Alegre, au Ceará, à Espírito Santo, fait participé beaucoup de personnes, nous avons tout fait avec beaucoup d’amour, avec la plus grande qualité. Nous avons trois grands acteurs pour la narration, Julia Lemmertz, Caco Ciocler et Dira Paes, mais également un grand directeur de théâtre, Amir Haddad, qui est une idole pour tous ces jeunes. Le résultat est un produit avec des supers finitions, le tout avec très peu de sous. Bien moins cher que cette campagne diffusée actuellement pour défendre les pesticides [la campagne « je suis pro-pesticides »]. La différence c’est que nous l’avons fait avec passion et amour et pas avec de l’argent.


Devant cette forte propagande de l’industrie qui défend le modèle de production utilisant les pesticides, qu’attendez-vous de la diffusion de ce film ?

J’espère l’enthousiasme de la jeunesse qu’est le militantisme. En fait, c’est un film qui combat de manière efficace la piraterie parce qu’en réalité les copies seront données et non vendues, donc, personne ne va l’acheter. Le film se véhicule grâce à la vignette « copiez et distribuez » et j’espère que cette façon de travailler marchera efficacement à la manière par exemple d’un blog sur le net où les gens s’informent. Ce film est d’une certaine manière un blog sous forme de DVD qui sera distribué, il va circuler, les gens vont le regarder et de là naîtra la prise de conscience que les pesticides sont réellement quelque chose de nocif pour tout le monde. Le message est que nous pouvons construire une agriculture sans pesticides. A partir du moment où la société s’organise et se mobilise, nous pouvons commencer à envisager une vie sans pesticides, penser à un autre mode de vie qu’on voudrait faire. Et ce changement par rapport aux pesticides peut dorénavant fonctionner par rapport à ce que nous attendons de la vie.


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