Le coup d’État avance avec plus de violence dans les mondes rural et urbain

 | Par Ruben Siqueira

de la Coordination nationale de la CPT. Dans ce texte, paru dans la revue Pastoral da terra (n° 232, janvier-mars 2018), il dresse un état de lieux des offensives conduites par la classe dominante de retour au pouvoir.

Nous vivons une période extraordinaire de violations et de violences. Pas seulement au Brésil. Mais qu’est-ce que l’« extra » par rapport à l’« ordinaire » ? Le pays vit actuellement une succession interminable de coups d’État ourdis par une classe dominante réactionnaire et globalisée, contre la fragile démocratie institutionnelle, politique et sociale du pays – le plus récent étant l’intervention militaire à Rio de Janeiro sous le faux prétexte de combattre la violence du « crime organisé » [1]. Cette allégation n’est rien de plus qu’un « rideau de fumée », une tentative pour relever la popularité du président qui n’a jamais été aussi basse, pour intimider les habitants des favelas et faire reculer la gauche et la candidature d’une véritable opposition aux élections présidentielles d’octobre. Elle est simple, cette grande complexité : après avoir accompli son rôle d’instrument d’intervention politico-judiciaire sur la conjoncture du pays, l’opération Lava Jato [« Lavage express »] est devenue contraire aux intérêts des auteurs corrompus du coup d’État. Elle a été remplacée par l’intervention militaire. Que va-t-il se passer maintenant ?

Cette situation n’est pas totalement nouvelle, elle constitue pour beaucoup une réédition du passé. Sans aucun engagement avec la nation, la petite élite de toujours n’a aucun scrupule à manipuler les institutions et l’opinion publique pour reprendre et amplifier ses pleins pouvoirs, comme en diverses phases de notre histoire. Les conséquences sont toujours les mêmes : l’antagonisme, qui caractérise notre société en rien cordiale, s’aggrave, ainsi que les sacrifices de la population devenue plus vulnérable. Soumis au néo-colonialisme, et vendu au plus offrant, le pays se répète en changeant pour rester le même, exacerbé dans ses tensionss et recomposé sous le voile de l’hypocrisie d’une « modernisation conservatrice ».

À la question ordinaire qu’on se pose sur cette période extraordinaire, nous cherchons des réponses à partir du niveau où nous nous situons dans la conjoncture et la structure, nous qui travaillons à la Commission pastorale de la terre (CPT) et documentons son action depuis 42 ans aux côtés des communautés et des groupes d’agriculteurs pauvres et qui, par leur choix, souffrent le plus de toutes sortes de conflits, autour de la terre et du territoire, de l’eau et du travail, biens dont ils vivent et qu’ils protègent, en plus de nous alimenter.

Les conflits dans le monde rural augmentaient déjà sous les gouvernements antérieurs « de gauche », sous l’effet de leurs décisions conjoncturelles nationales et internationales, en plus de raisons structurelles. Et ils ont pu se produire avec encore plus de force à partir de l’assaut lancé par la garde rapprochée de Michel Temer pour conquérir le pouvoir de la République. Depuis la destitution de la présidente Dilma, se sont déjà produits 102 assassinats de paysans à cause de conflits agraires documentés par la CPT, et presque une dizaine de plus sont sous enquête pour en connaître les causes. De 2017 à maintenant, 65 assassinats de paysans ont été confirmés. C’est le chiffre le plus important des 14 dernières années. On a vu aussi le retour de massacres (4, faisant 28 morts). Les assassinats se produisent en priorité dans la région amazonienne, et les victimes sont d’abord les peuples et communautés traditionnelles (surtout les habitants des quilombos [2] et les Indiens), et les paysans occupant des terres riches en ressources naturelles.

Voir en ligne : Alterinfos

[1Voir DIAL 3445 - « BRÉSIL - État d’urgence à Rio de Janeiro : l’armée dans les rues » – note DIAL.

[2Villages et territoires légalisés, occupés par des familles de descendants d’esclaves africains qui avaient pris la fuite – NdT.

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