De notre correspondante à Rio de Janeiro.
A floresta de Jonathas, de Sérgio Andrade
« L’an dernier, sur 73 000 billets vendus au Complexo do Alemao – 150 000 habitants-, 91% n’étaient jamais allés au cinéma » commente Sergio Sà Leitao, directeur de Rio Filme, l’entreprise publique d’investissement audiovisuel de la ville de Rio qui investit, produit et distribue depuis 4 ans, des films et des séries TV « made in Rio ». Le marché intérieur est potentiellement fabuleux : ces 10 dernières années, 40 millions de Brésiliens, l’équivalent d’une Espagne, ont pris l’ascenseur et changé de classe sociale. De quoi faire du Brésil un pays de classe moyenne avec une population, en grande majorité, urbaine.
Le Festival do Rio va à la rencontre de cette "Nova Classe Media" avec des tarifs populaires et des films grand public. Pour les séduire, 74 films brésiliens entre longs et courts sont programmés. Pour la première fois, La forêt de Jonathas un film pur jus Amazonie, produit, réalisé et joué par des acteurs de l’Etat d’Amazonas (Manaus) est en sélection et fera la clôture du Festival. Il raconte l’odyssée de deux jeunes caboclos et d’une Ukrainienne entre les grands arbres. Un film contemplatif « Il n’y aura pas les clichés propres aux Cariocas ou aux Européens » promet le service de presse en riant ! La production a bénéficié d’un financement du Ministère brésilien de la Culture pour les films à petits budgets.
Un Festival pour les Brésiliens ? Pas seulement. Si le Festival do Rio est la grande vitrine du cinéma national, c’est aussi la principale porte d’entrée des productions étrangères sur le marché sud-américain avec plus de 400 films internationaux. Résultat du passage de flambeau des Jeux Olympiques, la Grande- Bretagne est l’invitée d’honneur ainsi que le Portugal qui inaugure une année d’échanges culturels avec le Brésil. Au final, plus de films venus de Toronto et Venise que de Cannes en 2012... « la pire Sélection de l’histoire de Cannes » soupire un journaliste brésilien « mais beaucoup de la Quinzaine des Réalisateurs » modère Ilda Santiago, directrice du Festival.
Leos Carax est invité avec Holy Motors. Dans le Panorama mondial, on note Journal de France (Raymond Depardon), Bestiaire (Denis Côté), Dans la maison (François Ozon) et dans les documentaires L’âme en sang (Olivier Morel) ou Les Moissons du Futur (Marie-Monique Robin) . « Du côté des télés, Arte reste le partenaire privilégié ! » Comme pour la télévision hertzienne, une nouvelle loi (Lei 12485) fixera bientôt à la hausse, des quotas de productions nationales sur les télévisions câblées brésiliennes.
« En 2010, raconte Walquiria Barbosa, directrice du Rio Market, 74 films brésiliens ont été diffusés sur le câble. Il en faudra 1400 en 2013 ». Un énorme appel d’air pour les producteurs nationaux et une opportunité pour les co-producteurs étrangers prêts à jouer la carte du « made in Brasil » voire du « made in Rio ».
Rio de Janeiro est en effet le plus important investisseur du secteur audiovisuel après le Gouvernement Fédéral basé à Brasilia. Entre 2009 et 2012, Rio où naquit le géant TV Globo, a produit et lancé sur le marché 250 projets pour un total de 35 millions d’euros. Le retour sur investissement est de 85% ! A l’heure de l’Ave Maria, tous les Brésiliens regardent pourtant Avenida Brasil, la novela qui met en vedette les nouveaux héros du Brésil, ces Emergents du Grand Rio. L’ouverture du Festival do Rio remontera la bobine en arrière en racontant leurs origines rurales dans le lointain Nordeste, avec un film musical sur le chanteur Luiz Gonzaga, roi du Baiao, et son inséparable accordéon !