Le gouvernement brésilien ne va pas renouveler l’accord avec le Fonds monétaire international (FMI) qui s’achève fin mars. Dans le communiqué officiel du 28 mars, le Ministre de l’intérieur, Antonio Palocci, a divulgué la décision qui met fin au programme d’ajustement économique orienté par l’institution multilatérale et initié en 2002 par le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso. L’accord avec le FMI garantit au gouvernement un fond de prêt de 42,1 milliards de dollars, desquels ont été tirés 26,4 milliards de dollars.
Le mot d’ordre " FMI dehors !" a été répété continuellement par les membres d’organisations sociales et de partis de gauche depuis les années 50, quand le Brésil a négocié le premier accord avec l’institution. En 1959, le président Juscelino Kubitschek a rompu avec le Fond, dénonçant le fait que l’institution empêchait le développement du pays. Depuis la fin de la dictature militaire (1964-1984), l’institution est devenue l’invité d’honneur de tous les gouvernants pour la définition de la politique économique. Sa recette pour le Brésil (ainsi que pour tous les pays endettés) était (et est) de donner toutes les garanties aux banquiers qui recevaient ce qui leur était du. En d’autres termes, la position du FMI a toujours été de favoriser la création du superavit primaire*, combiné avec des politiques fiscales, monétaires et salariales restrictives. Pour divers analystes économiques, les accords avec l’institution représentent la subordination du gouvernement brésilien aux créanciers internationaux. En effet, les politiques restrictives ont toujours eu comme objectif le paiement discipliné de la dette externe.
En crise
Dans ce sens, la décision de ne pas renouveler l’accord avec le Fond pourrait être fêtée. Mais la fête, si elle se produit, sera de courte durée. Le communiqué de Palocci explique clairement qu’il n’y aura aucun changement drastique dans les axes de la politique économique. Ainsi, il confirme le mode opératoire du FMI par sa propre équipe économique. Le Ministre de l’Intérieur a affirmé que, même en ne renouvelant pas l’accord, le gouvernement va maintenir l’engagement fiscal négocié avec le FMI. Pour cela, il va fixer des objectifs trimestriels de superavit primaire pour l’ensemble du secteur public (y compris les États et les villes) et maintenir la contraction de dépenses. Il a réitéré que, cette année et la suivante, le superavit sera équivalent à 4,25% du Produit Intérieur Brut (PIB). Le Ministre a affirmé : "Nous allons toujours faire un effort fiscal pour inscrire nos comptes dans la durabilité, pour maintenir la dette dans la trajectoire décroissante et pour que la croissance soit soutenue et à long terme".
La déclaration de Palocci occulte le paysage déséquilibré de l’économie. « La croissance brésilienne, minime comparée à celles d’autres pays, ne résulte pas d’une politique économique gouvernementale ajustée mais d’une conjoncture internationale favorable. On ne peut pas parler de durabilité, donc, en pratique, l’économie est en crise » argumente Reinaldo Gonçalves, enseignant d’économie à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ). Au Brésil, les intérêts réels (la part des taux qui dépasse la variation des prix en général, y compris les salaires) atteignent un taux de 13.1%. Le pays a les taux d’intérêts les plus élevés du monde, suivis par la Turquie, dont le taux est de 6.7%. Pour Gonçalves, le maintien des intérêts aussi élevés et l’étranglement croissant empêchent le développement du pays. En 2005, selon une enquête de l’Institut Brésilien de Géographie et Statistique (IBGE), le nombre de chômeurs a augmenté.
Politique du Même
En accord avec Leda Paulani, de l’Université de São Paulo (USP), l’annonce de la non-continuation de l’accord avec le Fond ne représente aucun changement en pratique, donc la politique économique va continuer de même. "La tutelle du FMI sur le pays existe, avec ou sans la présence de l’institution", analyse Leda, considérant que l’équipe économique continue à suivre - presque automatiquement - les prescriptions du FMI. Le même jour du communiqué de Palocci, le directeur du Fond, Rodrigo de Rato, a assuré son aide à la décision du gouvernement brésilien et déclaré qu’il maintiendra des contacts avec le pays, via la "surveillance et la gestion post-programme" du redressement économique du Brésil. Il a garanti à Palocci que si le gouvernement en a besoin, l’institution enverra une aide financière.
Sous tutelle
Gonçalves ironise sur la déclaration du président Luiz Inácio Lula Da Silva, selon laquelle "le Brésil a le droit de marcher avec ses propres jambes" c’est-à-dire de ne pas dépendre du FMI. "Le gouvernement n’est pas indépendant parce qu’il est sous observation des créanciers internationaux et du FMI lui-même. En outre, il ne pratique pas une politique économique indépendante. Le gouvernement fait uniquement des politiques conformes au Fond" dit-il. Selon l’économiste, le problème n’est pas l’institution, qui "n’est rien d’autre qu’un appareil bureaucratique". Selon lui, la crise économique et sociale brésilienne est de la responsabilité du gouvernement. "Il est temps de passer du « FMI, dehors ! » au « gouvernants incompétents et irresponsables, dehors ! ». Il est temps de faire un débat public et démocratique sur la politique économique du pays", conclut-il.
* superavit primaire : excèdent budgétaire avant paiement de la dette
Par João Alexandre Peschanski et Tatiana Merlino
Source : Brasil de Fato - Édition n° 109 du 31/3 au 6/4/2005
Traduction : Bettina Balmer pour Autres Brésils