Leneide Duarte-Plon et Clarisse Meireles, Tito de Alencar. Un dominicain brésilien martyr de la dictature. Préface de Vladimir Safatle. Avant-propos de Xavier Plassat. Trad. du portugais par Leneide Duarte-Plon et Clarisse Meireles. Karthala, coll. « Signes des Temps », 308 p., 29 €
Ce que racontent Leneide Duarte-Plon – auteure d’un autre ouvrage mémorable, sur la torture comme arme de guerre, de l’Algérie au Brésil (non traduit en français) – et Clarisse Meireles, c’est la tragique histoire de ce jeune dominicain brésilien, Tito de Alencar, qui paya de sa vie son engagement contre la dictature brésilienne (1964-1985). Militant de la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC), entré dans l’ordre dominicain en 1966, Tito partageait avec ses frères du couvent de Perdizes, à São Paulo, une même admiration pour Che Guevara et Camilo Torres, et le désir d’associer le Christ et Marx dans le combat pour la libération du peuple brésilien.
Cette radicalisation de la jeunesse chrétienne est bien antérieure au concile Vatican II : dès 1962, des militants de la JEC, lecteurs d’Emmanuel Mounier et du père Lebret, vont fonder un mouvement socialiste humaniste, l’Action populaire. Tito était proche de ce courant, qui était hégémonique dans le mouvement étudiant, et il contribua à l’organisation clandestine, en 1968, du congrès de l’Union nationale des étudiants dans le village d’Ibiuna. Comme tous les délégués, il sera arrêté par la police à cette occasion, mais bientôt libéré.
Suite au durcissement de la dictature militaire en 1968 et à l’impossibilité de toute protestation légale, l’aile la plus radicale de l’opposition à la dictature prendra les armes. La principale organisation de lutte armée contre le régime sera l’Action de libération nationale (ALN), fondée par un dirigeant communiste dissident, Carlos Marighella. Un groupe de jeunes dominicains – Frei Betto, Yvo Lesbaupin, et d’autres – va s’engager aux côtés de l’ALN, sans prendre les armes mais en apportant un soutien logistique ; sans être de ceux qui collaborent directement avec Marighella et ses camarades, Tito de Alencar est solidaire de leur engagement. Comme eux, il croit que l’Évangile contient une critique radicale de la société capitaliste ; et, comme eux, il croit à la nécessité d’une révolution. Comme il l’écrira plus tard, « la révolution c’est la lutte pour un monde nouveau, une forme de messianisme terrestre, dans lequel il y a une possibilité de rencontre entre chrétiens et marxistes ».
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