La Justice brésilienne autorise le don du sang pour les LGBT+

 | Par Câe Vasconcelos, Ponte Jornalismo

Pour l’avocat Paulo Iotti, qui a participé à la mobilisation ayant contribué à vaincre l’interdiction du don, le Tribunal Fédéral Supérieur se révèle l’alternative à un Congrès « homophobe et transphobe ».

Par 7 votes contre 4, le Tribunal Fédéral Suprême a annulé deux ordonnances qui empêchaient les personnes LGBT+, principalement les hommes gays et bisexuels et les femmes trans et travestis, de donner leur sang. Le vote s’est clôturé dans la nuit de vendredi dernier (08.05). La majorité des juges du TSF ont considéré qu’il s’agissait d’une restriction inconstitutionnelle et discriminatoire.

Jusqu’alors, la résolution n° 34 de l’Anvisa (Agence de Vigilance Sanitaire) datant de 2014 et l’ordonnance n°158 du ministère de la Santé, de 2016, prévoyaient que les homosexuels et les transsexuels ne pouvaient pas donner leur sang, même en cas de faible stock dans les banques de sang.

Selon l’Anvisa et le ministère de la Santé, l’orientation sexuelle n’était pas un critère utilisé pour déterminer qui pouvait ou non donner son sang. Les deux organes affirment que les directives n’étaient pas discriminatoires, mais auraient été basées sur des « preuves techno-scientifiques » de l’ordre de l’intérêt collectif, et garantissaient la qualité et la sécurité de la transfusion.

Le critère sanitaire prévoyait que les services de collecte de sang interrogent les personnes souhaitant donner leur sang sur leurs pratiques sexuelles. L’idée était de diminuer les risques de contracter des infections, de nombreuses maladies sexuellement transmissibles pouvant en effet être transmises par le sang. Pour l’Anvisa, « le nombre de maladies sexuellement transmissibles par voie sanguine augmente toujours plus parmi la population d’HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) ».

C’est pourquoi l’Anvisa estimait que cette catégorie devait être considérée comme temporairement inapte au don du sang, en prenant en compte les rapports jusqu’à douze mois avant le don.

Le débat judiciaire a débuté en 2016, lorsque le PSB (Parti Socialiste Brésilien) a proposé l’ADI (Action Directe d’Inconstitutionnalité) 5543. Un an plus tard, en octobre 2017, alors que l’action était mise au vote, celui-ci a été interrompu par le Juge Gilmar Mendes, qui a demandé plus de temps pour examiner la proposition.

Le 30 avril dernier, face aux faibles stocks de sang dus à la pandémie de Covid-19, le bureau du Défenseur des droits au niveau fédéral (DPU - Defensoria Publica da União) a exigé de la souplesse dans le verdict.

Avant la demande d’examen de Gilmar Mendes, le juge Edson Fachin, rapporteur du recours, avait déjà voté l’inconstitutionnalité de la restriction. Pour Fachin, « l’orientation sexuelle ne contamine personne, mais les préjugés, si  ».

A l’époque, les juges Luís Roberto Barroso, Rosa Weber et Luiz Fux avaient suivi le vote du rapporteur. A la reprise du vote, lors d’une séance plénière virtuelle en raison de la pandémie, Gilmar Mendes, Cármen Lúcia et Dias Toffoli leur ont emboité le pas en votant contre le recours des juges Alexandre de Morães, Marco Aurélio, Ricardo Lewandowski et Celso de Mello.

Alexandre de Morães a été le premier à voter contre l’ADI 5543, en expliquant être favorable au don de sang des hommes gays et bisexuels à partir du moment où ceux-ci présenteraient un test de sérologie. Les trois autres juges ont suivi cet argument. Ricardo Lewandowski et Celso de Mello ont dit que le TSF devrait adopter une posture « indépendante, avec les indications des autorités sanitaires basées sur des données techniques et scientifiques ».

L’avocat spécialiste de la Constitution, Paulo Iotti, également directeur et président du Groupe des Avocats pour la Diversité Sexuelle et de Genre, GADvS), a été l’un des représentants du mouvement LGBT+ dans la procédure de l’ADI 5543. En tant qu’homme gay, affirme Iotti, il s’agit d’une interdiction « très douloureuse ».

« Bien qu’ils le nient à mort, ils nous traitent comme un groupe à risque. Beaucoup de personnes ont menti pour donner leur sang. Mais pas moi : si l’Etat jugeait que mon sang ne valait rien, alors il n’allait pas l’avoir, quels que soient les niveaux des stocks », raconte-il.

« Ils interdisaient à tous les hommes ayant des rapports sexuels avec un autre homme, de même qu’aux femmes transsexuelles et travestis, qui, par transphobie, étaient considérées comme des hommes, de donner leur sang, indépendamment de nos pratiques sexuelles concrètes, indépendamment des pratiques à risque ou non », continue-t-il.

Iotti a participé à deux autres conquêtes de la population LGBT+ au TSF : la rectification du nom pour les personnes trans en cas d’intervention chirurgicale, en 2018, et la criminalisation de la LGBTphobie, l’année dernière. Pour lui, le pouvoir judiciaire est le dernier espoir.

« Le Congrès National, qui représente probablement la société, devient toujours plus conservateur, réactionnaire et insensible aux droits des minorités et des groupes vulnérables. Dans cette situation, le TSF finit par être le dernier espoir de la population LGBT+ », explique-t-il

L’avocat rappelle que, malgré tout, le mouvement LGBT+ n’a jamais renoncé à lutter au sein du Congrès. « Bien au contraire, on essaie, depuis l’élaboration de la Constitution, d’approuver des projets de lois et d’amendements constitutionnels qui garantissent ces droits. Mais le Congrès fait preuve d’homophobie et de transphobie institutionnalisées », indique-t-il.

Pour le mouvement LGBT+, affirme Iotti, le don de sang doit maintenir les règles suivies par la population hétérosexuelle (personne ayant une relation avec une personne du sexe opposé) et cisgenre (personne dont le genre correspond à celui attribué à la naissance) : ne pas avoir de pratiques sexuelles à risque.

« En supposant que tout homme ayant une relation sexuelle avec un autre homme ou avec une femme trans se trouve dans une situation à risque, vous créez l’identité qui déforme le concept. Vous n’êtes pas en train de penser à la pratique en tant que telle, mais au groupe social qui s’identifie ainsi », soutient-il.

Voir en ligne : Ao liberar doação de sangue, STF se confirma como ‘última esperança LGBT+’

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