L’assassinat d’un leader Pataxó et un attentat dans l’État du Paraná révèlent une vague de violence envers les Indigènes

 | Par Leonardo Fuhrmann

De Olho Nos Ruralistas, 8 novembre 2018, 09:53
Traduction : Anne-Laure BONVALOT pour Autres Brésils
Relecture : Marie-Hélène BERNADET

Un leader Pataxó a été assassiné et un Indigène Ava-Guarani a été victime d’un attentat à la sortie d’une réunion au siège de la Funai (Image : De Olho Nos Ruralistas / Reproduction)

Dans la nuit du 6 novembre dernier, le leader indigène Pataxó Reinaldo Silva, âgé de 40 ans, a été tué par balle dans le village de Catarina Caramuru Paraguassú, à Pau Brasil (État de Bahia). Ancien conseiller municipal, il s’était représenté, sans succès, en 2016. D’après le journal Folha do Cacau, la police ne détient encore aucune information quant au mobile du crime, mais privilégie la thèse selon laquelle le meurtre serait en lien avec la bataille pour le territoire qui sévit dans la région.

Le 6 novembre également, un Indigène Ava-Guarani, Donecildo Agueiro, âgé de 21 ans et originaire du village Tekoha Tatury, a été victime d’un attentat alors qu’il sortait d’une réunion de la Coordination Technique Régionale de la Fondation Nationale de l’Indien (Funai) au sujet de la délimitation des territoires indigènes dans la région de Guaíra (État du Paraná). Il a été admis à l’hôpital régional de Toledo. Aujourd’hui, Donecildo ne sent plus ses jambes.
Depuis l’élection de Jair Bolsonaro (Parti Social Libéral) le 28 octobre dernier, les attaques envers les communautés indigènes se multiplient à travers tout le pays. Quelques heures à peine après la fermeture des bureaux de vote, une école et un dispensaire ont été incendiés dans la communauté Pankaruru Bem Querer de Baixo, à Jatobá, dans le sertão de l’État de Pernambuco.

Le même jour, dans l’État du Mato Grosso do Sul, trois autres attaques ont été enregistrées. À Dourados, quinze Indigènes ont été blessés par des balles en caoutchouc lors d’une fusillade qui a éclaté dans un campement proche d’un village Bororo. Dans le même État, deux autres cas de menaces ont été rapportés par le Conseil Indigéniste Missionnaire (Cimi). Près de quarante camionnettes ont défilé sur un territoire récemment récupéré par des Indigènes à Caarapó, alors qu’à Miranda, dans le Pantanal du Mato-Grosso do Sul, des fazendeiros ont lancé des feux d’artifice et tiré des coups de feu sur un camp indigène.

L’intensification des conflits et la violation des droits humains qui touchent les peuples indigènes du Mato Grosso do Sul ont motivé la visite de la délégation de la Commission Interaméricaine des Droits Humains (CIDH) dans la région sud de l’État. La commissaire Antonia Urrejola a visité le 7 novembre le territoire indigène Guyraroká, qui appartient aux Guarani Kaiowá, dont la délimitation a été annulée en 2014 par le Tribunal Fédéral Suprême (STF).
Les cas de violence et les enjeux politiques et économiques omniprésents dans ces conflits seront d’ailleurs le sujet d’une série journalistique intitulée De Olho no Mato Grosso do Sul [Zoom sur le Mato Grosso do Sul], produite par De Olho nos Ruralistas avec le soutien du Fonds Brésil pour les Droits Humains.
Des attaques sont survenues dans des territoires indigènes en attente de délimitation

Dans un entretien, Bolsonaro a promis d’en finir avec le processus de délimitation des territoires indigènes. (Image : Reproduction / Facebook)

Indifférent à cette recrudescence de violence, Jair Bolsonaro poursuit sa croisade contre la délimitation de nouveaux territoires indigènes. Le 5 novembre, lors d’un entretien pour l’émission « Brasil Urgente » de la chaîne TV Bandeirantes, il s’en est à nouveau pris au processus de délimitation :
« « Je l’ai dit : je ferai ce qui est en mon pouvoir pour en finir avec la délimitation des territoires indigènes ». En 2017, en visite dans le Mato Grosso, Bolsonaro avait déjà affirmé que s’il était élu, « on ne cèderait plus aux Indigènes le moindre centimètre carré de terre ». »

Les deux épisodes survenus le 6 novembre dernier ont eu lieu sur des territoires en attente de délimitation. Le village où Reinaldo Silva Pataxó a été assassiné est le cœur d’un conflit de longue date impliquant la justice bahianaise. En 2012, le Tribunal Fédéral Suprême avait annulé les titres de propriété de fazendas localisées sur le Territoire Indigène Caramuru-Paraguassú, qui s’étend sur 54 000 hectares et abritait à l’époque environ 3 200 Indigènes. Cette annulation était le résultat d’une action en justice entreprise par la Funai. Quelques jours plus tard, d’après la revue Veja, le village a été la cible d’une fusillade perpétrée par un groupe de pistoleros.

Les Indiens Avá Guarani s’empressent de délimiter leurs territoires avant la prise de fonction de Bolsonaro. (Image : Reproduction / Cimi)

Dans le Paraná, la situation n’est pas tellement meilleure. En 2017, un manifeste a été lancé en soutien aux Guaranis de l’Ouest de l’État du Paraná contre le discours de haine dont sont victimes les communautés. D’après le Conseil Indigéniste Missionnaire (Cimi), l’État du Paraná compte, outre quatorze territoires indigènes en attente d’identification, un territoire déclaré et quatre territoires identifiés, vingt territoires traditionnels en situation d’oubli total.
Le chef indien du village Tekoha Y’Hovy – voisin de celui de Tekoha Tatury, où habite Donecildo Agueiro – a affirmé au Cimi, que le contexte de violence que rencontrent les Indigènes à Guaíra est critique, et s’est aggravé depuis 2012. Il a également affirmé qu’un groupe de fazendeiros encourage la violence à l’encontre des Indigènes.

« « – Nous sommes constamment l’objet de menaces, de racisme, de violences à l’arme à feu, entre autres. Les cas sont extrêmement fréquents, allant même jusqu’à l’enlèvement d’Indigènes et leur déplacement forcé au Paraguay. La situation s’était un peu calmée en 2017, grâce au travail du Ministère Public Fédéral (MPF) dans la région. Aujourd’hui, après la diffusion du Rapport Circonstancié d’Identification et de Délimitation des Territoires Indigènes, émis par la Funai, les agressions reprennent de plus belle.

Le rapport de la Funai, daté du 15 octobre 2018, délimite un périmètre de 24 000 hectares, entre les communes d’Altônia, de Guaíra et de Terra Roxa, en vue de la création du Territoire Indigène Tekoha Guasu Guavirá. Le processus de délimitation doit être finalisé cette année, mais il pourrait bien être bloqué par le gouvernement de Jair Bolsonaro. »

Voir en ligne : De Olho nos ruralistas

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