« Intervalle Clandestin »

 | Par Evaldo Mocarzel

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« Intervalle Clandestin » ("Intervalo Clandestino"), un film d’Eryk Rocha

Texte de Evaldo Mocarzel

<img843|left> Le documentaire brésilien est devenu un espace de résistance au sein duquel les réalisateurs se sont penchés en profondeur sur divers thèmes émergents de la vie nationale qui sont presque toujours négligés ou délibérément déformés par les grands média.

Au début d’"Intervalle Clandestin", d’Eryk Rocha, sur un fond totalement sombre, une personne interviewée par le réalisateur commente qu’un documentaire qui ne passera pas à la télévision est prédestiné à une « clandestinité » qui frôle l’anonymat ou l’échec le plus absolu. Cette introduction déconcertante suggère déjà au spectateur où il va être mené : précisément vers cet « intervalle clandestin » qui ne sera jamais véhiculé par les grands média.

Le documentaire d’Eryk Rocha est une espèce d’entracte subversif contre le journal télévisé tendencieux des chaînes de télévision, dans lequel les personnes interrogées ne sont que de simples exemples illustrant les narrations en voix off de reporters qui semblent méconnaître la force des images, ne les employant que pour réitérer, de la forme la plus redondante possible, les textes pressés qu’ils élaborent entre une conférence de rédaction et une autre au cours de leurs déplacements dans les villes.

Si le pouvoir des images finit par se transformer en un simple ornement des reportages télévisés, que dire des interviewés, principalement des personnages dits « populaires », souriantes pièces décoratives d’innombrables sujets de société sur la « citoyenneté » ?

Pire : comme dirait le théoricien Bill Nichols, l’un des plus grands spécialistes du langage documentaire comme représentation de la « réalité », les reportages télévisés sont ce qu’il appelle un « documentaire d’exposition », marqué par la « voix-off » du narrateur (ici, le reporter), une voix hautaine et autoritaire qui, au fond, veut se confondre avec la voix de la « vérité », avec la voix de Dieu. Il existe toute une manipulation du langage dans les reportages télévisés qui essaient de défendre leurs thèses concernant un monde avec plus de « citoyenneté » et finissent par mettre hors-jeu le point de vue de l’"autre", mieux encore, celui des principaux acteurs du thème en question.

A contre-courant de tout cela, « Intervalle Clandestin » cherche à mettre sur le grand écran l’image de tant d’êtres déshérités par les grands médias, déchus de leur droit d’émettre une opinion, de douter, d’hésiter, d’exécrer, d’être perplexe et de ne pas se conformer face à la tumultueuse scène politique brésilienne. Dans cet intervalle documentaire subversif que constitue le film d’Eryk Rocha, une fresque d’insatisfactions de la population se dessine peu à peu avec ses dissonances, rendez-vous manqués, voix asynchrones ; une polyphonie de voix émanant de la mémoire et, principalement, des attentes de tant de citoyens brésiliens clandestins. Le montage d’Ava Rocha tisse les images, entrelaçant les témoignages, mêlant et amenant à la lumière l’imaginaire à multiples visages de notre pays.

Le Brésil est le grand personnage d’"Intervalle Clandestin". Un pays qui résiste encore et veut continuer à résister, malgré toute cette manipulation d’informations désaccordées. Malgré tant de rêves de transformation sociale si précocement avortés. Le film allume des étincelles d’anticonformisme et d’indignation, mais aussi de courage et d’espoir, qui semblent nous transporter vers le centre névralgique d’un pays qui pense, déchante, croit, se révolte, mais qui a besoin de sortir de la clandestinité pour pouvoir s’étendre, avec toute sa polyphonie dissonante, à travers les moyens de communication de masse. Les premiers pas sont déjà donnés dans ce nécessaire espace marginal que constitue le documentaire brésilien.

Par Evaldo Mocarzel, cinéaste


Source : Site Caros Amigos
- novembre 2006

Traduction : Caroline Sordia pour Autres Brésils


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