Foot, samba et favelas

 | Par Benmalo

Les rythmes de samba et des batucadas font vibrer la plage de Copacabana, la plus célèbre de Rio de Janeiro. Temporairement, la devise nationale n’est plus « ordre et progrès », mais : « samba et football ». Caméras et objectifs du monde entier sont braqués sur le Brésil en fête. Il suffirait que les angles de prises de vue s’élargissent un peu, que les yeux s’élèvent légèrement, pour que la réalité sociale brésilienne nous revienne en pleine figure tel un tir de Ronaldo.

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Ici, les inégalités sont flagrantes, omniprésentes, et pourtant si banales. Sur les collines qui dominent Copacabana, on aperçoit quelques unes des 700 favelas de Rio. De loin, elles ressemblent à de gros villages de pêcheurs : un enchevêtrement de baraques sur pilotis, en équilibre précaire à flanc de montagnes, mais avec une vue imprenable sur l’Atlantique. Un tiers des habitants de Rio habite dans une favela. Soit trois millions de personnes.

La favela Santa Marta compte environ 12 000 âmes. De minuscules ruelles et sentiers traversent cette casbah sud-américaine. Les allées sont souvent trop étroites pour que deux personnes puissent se croiser. Ses habitants vivent en permanence sous le regard figé du Christ rédempteur, l’immense statue de Corcovado, haut-lieu touristique de Rio (avec le pain de sucre). Plus on grimpe, plus les gens sont pauvres. Au sommet survivent les nouveaux venus qui n’ont pas encore eu le temps ni l’argent pour construire leur baraque.

Adieu l’image romantique du village dense et coloré : une cascade d’ordures suit le cours du ruisseau qui descend vers la ville. La puanteur qui s’en dégage rappelle qu’ici aucun service public - ni propreté, ni santé, ni école - n’est assuré. Le reste est piraté : électricité, eau, télévision.
Le système D règne en maître et la communauté s’est organisée avec l’aide d’associations. Une école a ouvert ses portes. Une salle des fêtes accueille des concerts de forró (musique du Nordeste). Le Comité pour la démocratisation de l’informatique, présent dans une centaine de favelas (www.cdi.org.br), offre un accès à l’Internet.

« La plus belle ambition révolutionnaire est de libérer les pauvres de leur aliénation », affiche Andrea, sur son tee-shirt (la citation est de Che Guevara). Andrea est une sorte d’animateur social. Il fait partie du Movimento favelania (conjonction des termes favela et cidadania, citoyenneté en portugais), actif dans une cinquantaine de favelas. Objectif : « Former et éduquer les habitants des communautés pour qu’ils soient capables de prendre leurs affaires en main ». Bref, une sorte d’association d’éveil à l’action politique. Vaste travail en perspective, car aux prochaines élections présidentielles, les habitants des favelas vendront leurs votes au plus offrant. Et à ce jeu, la droite brésilienne est bien meilleure que la gauche.

La finale de la Coupe du monde a temporairement rejeté dans l’ombre l’actualité qui, depuis plusieurs semaines, tournait autour des favelas. Un journaliste de TV Globo enquêtant dans une favela est porté disparu depuis le 2 juin. Les incidents entre police et mafias sont de plus en plus nombreux. Le 24 juin, la mairie de Rio a été mitraillée. Pour nombre de Cariocas, les favelas ne sont qu’un repaire de trafiquants de drogue. S’ils ne représentent qu’une minorité, ceux-ci ont un pouvoir considérable. Ils sont répartis en trois mafias qui se disputent le contrôle des communautés : le Commando rouge, le troisième Tommando et les Amis des amis. Cette menace permet à la municipalité de légitimer un état de siège permanent. C’est peut-être pour oublier cette triste réalité que les Cariocas sont si prompts à faire la fête. Une cinquième étoile pour la seleção, ça c’est important.

Par Benmalo - Rio de Janeiro, 2 juillet 2002

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