Flatté par l’OIT, le Brésil pêche dans le combat au travail esclave (2)

L’autre facette du problème

Comparées aux actions d’autres pays, celles du gouvernement brésilien sont en effet exemplaires. Pourtant, sur place, les exigences sont importantes vus les engagements pris par le gouvernement Lula. Ce mercredi, des heures après la présentation du rapport de l’OIT, le Fórum de lutte contre le travail esclave, dans le Mato Grosso, a divulgué un communiqué à la presse, à l’occasion d’une réunion ordinaire de la Contrae, critiquant lourdement le gouvernement fédéral.

Le texte rappelle la situation d’abandon dans laquelle se trouve cet Etat en ce qui concerne le contrôle du travail esclave. D’après des données du MTE, le Mato Grosso et le Parà sont classés premiers au hit-parade du travail esclave. Pour le coton, près 10 000 hommes sont parfois employés dans l’Etat pour le travail forcé. Même chose pendant la période de recherche de racines pour la plantation de soja ou celle précédant les brûlis.

Le Fórum du Mato Grosso affirme que la timidité des actions du Groupe Mobile et l’attente importante lors du traitement des plaintes présentées font que 30% seulement des situations dénoncées sont contrôlées. Il critique également le fait que les deux équipes permanentes du Groupe Mobile prévues pour le Mato Grosso par le Plan National ne soient pas encore créées.

« Par manque d’un vrai engagement politique de la part du gouvernement fédéral, les mesures essentielles pour l’éradication du travail esclave (comme l’approbation de la PEC de la confiscation des terres des esclavagistes, en attente depuis plus de 10 ans au Congrès ; la définition de la compétence fédérale pour juger les crimes de travail esclave ; l’effectivité de sanctions économiques attaquant « à la racine » l’arrogance des « esclavagistes modernes », en bloquant leur accès aux financements publics et privés ; et le réajustement des conditions financières garantissant au Groupe Mobile un travail correct et sûr), ne sont pas encore effectives » dit le communiqué.

L’indéfinition quant à la compétence criminelle pour juger des crimes concernant le travail esclave est l’un des défis cités par l’OIT. Actuellement, cette discussion est traitée par les tribunaux fédéraux, les tribunaux des Etats et les instances liés au droit du travail. La situation des salaires des policiers fédéraux et des contrôleurs fiscaux du travail, quant à elle, est dénoncée depuis des mois. Lors du lancement du rapport de l’OIT à Brasília, le ministre des Droits de l’Homme, Nilmário Miranda, a affirmé : « En tant que système, le travail esclave devrait disparaître dans un ou deux ans au Brésil », soulignant l’importance de l’approbation de la PEC de la confiscation des terres. Cependant, il laisse le vote aux députés, comme si le gouvernement n’avait aucune responsabilité dans l’articulation politique qui mène à l’approbation des projets au Congrès.

Coucher avec l’ennemi

Toujours pendant la réunion de la Contrae, Rodolfo Tavares, représentant de la Confédération Nationale de l’Agriculture et de l’Elevage (CNA), a attaqué la « liste sale » du travail esclave. Le représentant de la CNA, qui, bien que membre permanent de la commission, est rarement présent aux réunions, a affirmé que la liste des noms des employeurs qui ont utilisé le travail esclave est un rite de jugement sommaire, car les propriétaires terriens faisant partie de cette liste n’ont pas forcément eu de procès en Justice. « Nous n’acceptons pas un tribunal d’exception, car c’est interdit par la Constitution de notre pays ».

Instrument découlant du processus de contrôle du travail esclave, cette « liste sale » est actualisée tous les semestres. Trois listes ont déjà été diffusés, ce qui fait un total de 165 noms. Selon les règles du Ministère du Travail et de l’Emploi, l’inclusion du nom de l’infracteur sur la liste est mise en place dès la fin du processus administratif créé par les responsables du contrôle. Par ailleurs, l’exclusion d’un nom de cette liste dépend du contrôle de l’infracteur sur une période de deux ans. Si, durant cette période, on ne constate pas de récidive, et si toutes les amendes ont été payées, le nom est retiré.

Tavares a aussi défendu des changements dans le droit du travail afin de diminuer la pression sur les propriétaires ruraux. « Il est impossible, dans une plantation de pommes de terres, de haricots, de nouvelles plantations, d’appliquer la législation travailliste » a-t-il affirmé. « Les lois travaillistes sont incompatibles avec la nature du travail rural. »

Une grande partie des membres de la Conatrae présents a réfuté les affirmations de Tavares. Le MTE, représenté par Marcelo Campos, a refusé le terme « tribunal d’exception » en rappelant que le contrôle du travail est une obligation prévue par la loi et que tout auteur d’infraction possède un ample droit de défense. Le propre Nilmário Miranda a rappelé que, selon des statistiques du Groupe Mobile, une infime minorité seulement des employeurs ruraux font usage du travail esclave. Ils seraient ainsi l’exception à la règle et, en tant que tels, devaient être combattus.

Par Bia Barbosa - Agência Carta Maior - 12/05/2005

Avec des renseignements de l’ONG Repórter Brasil

Traduction : Vanusa Santos Cana Brasil et Georges da Costa pour Autres Brésils

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