En 1924, dans les rues de Douarnenez gronde la révolte des sardinières. La même année au Brésil, de massives grèves populaires tentent de déstabiliser le régime colonial. Depuis les premiers jours, le festival de Douarnenez a cette intuition salutaire, par le cinéma et cet « effet miroir », d’incarner une communauté de destin des peuples minorisés. Avec la volonté sans relâche, en s’appuyant sur les singularités de la culture bretonne, d’articuler reconnaissance de nos différences et vœu d’égalité. Cette année encore, d’une rive à l’autre, comme un écho au « réveil des peuples » de 1978, tonnera la « révolte des vivant·e·s ».
Carte blanche à « Autres Brésils »
La carte blanche à l’association Autres Brésils présente quatre séances de films contemporains programmés au sein du festival Brésil en Mouvements (BEM). Les films mettent en avant des perspectives ancrées dans des luttes sociales – notamment celles des mouvements afro-brésilien, autochtone et paysan. Cette sélection propose d’aborder le documentaire comme terri- toire d’élaboration de l’histoire brésilienne – ou plutôt des histoires brésiliennes, conçues comme un montage de temporalités impures, où le passé, le présent et le futur s’ouvrent à leurs possibles Dans ce territoire mouvant, les films construisent de nouveaux rapports à la réalité Que ce soit à travers la création de nouveaux dispositifs cinématographiques ou l’actualisation de la tradition documentaire brésilienne, les films établissent de jeux cinématographiques propres, construisant ainsi leur profonde puissance politique
Dans ce contexte, le documentaire n’est plus le régime adjacent à la fiction, mais le terrain où le cinéma expérimente et construit le réel (la vérité du cinéma) et agit sur le monde Cette puissance advient aussi des relations établies entre filmeur·euses et filmé·es – des liens politiques, artistiques et affectives entre ces sujets. C’est le cas par exemple de A Transformação de Canuto, qui interroge la co-création elle-même. Le film, entre écriture commune, historique et légendaire, met en circulation des récits d’une communauté Mbyá-Guarani entre le Brésil et l’Argentine Mato Seco em Chamas est également issu d’un processus decréation partagé. À la périphériede Brasília, contre les récits violents officiels, le dispositif de fabulation du film révèle le pouvoir créatif et le combat journalier des habitant·es de la Ceilândia. Le film Sete Anos em Maio, crée aussi un dispositif complexe, entre reconstitution, témoignage et performance, où le protagoniste s’approprie le récit de son passé violent. Le film est présenté à la lumière de deux courts-métrages Ensemble, ils interrogent la permanence des fantômes coloniaux au sein de la société brésilienne contemporaine dans sa configuration hiérarchisée, raciste et violente. Enfin, A Mãe de Todas as Lutas, témoigne d’un cinéma féministe allié de la lutte pour la Terre-mère Comme le rappelle le titre, la lutte pour la terre est « la mère » de toutes les luttes, et cette lutte pour la terre est majoritairement une lutte des femmes.
Le programme montre, ainsi, des gestes cinématographiques de révolte, de transformation, d’affect, de farce, de débrouille, d’engagement et, comme le dirait Adirley Queirós, de foi dans le cinéma
Toute l’équipe d’Autres Brésils est très heureuse de ce partenariat !