« Faites tomber toutes ces réserves » ! Les exigences des ruralistes, à huis clos.

 | Par Ciro Barros

Par : Ciro BARROS, pour Pública, Agência de Jornalismo InvestigativoRetour ligne automatique
Traduction : Roger GUILLOUX pour Autres Brésils
Relecture : Martine MAURY

Lors d’une rencontre à huis clos au Ministère de l’agriculture, des ruralistes [1] du Pará exigent du gouvernement Bolsonaro – lequel a reçu leur appui lors de la campagne électorale – des mesures contre la politique de la protection à l’environnement et même des mesures illégales telles que la fin des contrôles et des Unités de Conservation (UCs). [2]

Crédit : Agência Câmara. L’ex-vice gouverneur du Roraima, Paulo César Quartiero.

Un reporter du site Pública était présent à la réunion avec le Secrétaire d’État du Ministère de l’agriculture, Nabhan Garcia.
L’Ibama [3] n’a pas réagi aux critiques et a même fait des promesses pour faire plaisir aux producteurs ruraux.
Le massacre de Pau d’Arco a été justifié par le député Éder Mauro (PSD-PA) [4]

Quiconque serait entré, par hasard dans l’auditorium Olacyr de Moraes du Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de l’approvisionnement alimentaire (Mapa), au début de l’après-midi du 10 avril dernier, aurait eu quelque difficulté à se rendre compte qu’il s’agissait d’une rencontre entre de grands exploitants agricoles du Pará et les autorités des ministères de l’agriculture et de l’environnement du gouvernement Jair Bolsonaro. Au lieu de voix marquées par le grésillement typique de l’accent du Pará, on remarquait les « r » fortement accentués des gens du sud, accent que l’on retrouve chez les propriétaires de latifundia sur les terres d’Amazonie. Réunis à Brasília, ces producteurs ruraux sont venus pour présenter la facture de leur appui durant la campagne présidentielle.

Le reporteur de Pública a assisté aux quatre heures qu’a duré cette rencontre organisée par la Fédération de l’agriculture et de l’élevage du Pará (Faepa) et financée par le gouvernement représenté par le titulaire du Secrétariat spécial aux questions foncières (Seaf), Luiz Antônio Nabhan Garcia. Ex-président de l’Union démocratique ruraliste (UDR) [5] , Nabhan Garcia a eu droit lors de cette réunion, au titre de « vice-ministre » bien que cette fonction n’existe pas. C’est lui qui avait enregistré les vidéos diffusées sur whatsapp, invitant les producteurs à participer à cette réunion. L’invitation a eu un grand succès : la salle était archipleine et certains producteurs sont restés à l’extérieur, se démenant pour pouvoir accompagner la discussion.

La titulaire du Mapa, la ministre Teresa Cristina, a tenu à reconnaître l’importance, lors de la campagne présidentielle, de l’appui spontané de l’agrobusiness, grand protagoniste de l’économie brésilienne au cours des dernières années. "Vous pouvez avoir la certitude que le gouvernement du président Bolsonaro a une grande estime et un intérêt tout spécial pour les producteurs ruraux. Ils furent les premiers à lui apporter leur soutien et leur confiance. Peut-être était-ce parce qu’ils avaient tant souffert, qu’ils avaient voulu mettre un terme à cette situation et qu’ils ont pensé que le président Jair Bolsonaro était la personne qui pourrait réaliser ce changement d’orientation dans notre pays", dit-elle. « Le Pará a été l’un des premiers États à lui apporter son vote de confiance. » Rappelons que la ministre se référait aux producteurs ruraux et non à la population qui a voté majoritairement pour le candidat du PT, Fernando Haddad.

Face à un parterre d’autorités telles que la ministre, le « vice-ministre », Nabhan Garcia, le président de l’Institut national de colonisation et de la réforme agraire (Incra), général Jesus Corrêa, le président de l’Ibama, Eduardo Fortunato et le secrétaire de direction au Secrétariat du gouvernement, Mauro Biancamano, la principale exigence présentée par ces grands producteurs a été la flexibilisation radicale (le terme le plus approprié aurait peut-être été le démantèlement) de la fiscalisation environnementale en vigueur sur les terres du Pará.

L’Ibama et l’Institut Chico Mendes de conservation de la biodiversidade (ICMBio) organismes officiellement responsables de la surveillance environnementale ont été la cible de fortes critiques et d’un flot d’injures. Dès que quelqu’un prononçait leur nom, un brouhaha montait de l’assistance. Et progressivement, des mots d’ordre étaient lancés et les applaudissements nourris démontraient l’appui de l’assistance qui s’est mise à crier au milieu des personnes présentes. Lors des manifestations anonymes qui se sont produites au cours des discours des autorités, ces organismes ont été accusés de pratiquer « un terrorisme d’État ». Certains ont dit que le gouvernement devrait « supprimer » ces organismes ; ils ont manifesté leur désaccord vis-à-vis de l’obligation de l’État à les maintenir et les ont appelés de « cancers ». Des producteurs ont parlé de « se débarrasser de ces saloperies d’Unités de conservation », termes similaires à ceux qu’ils ont utilisés pour se référer à d’autres espaces protégés par le gouvernement fédéral, tels que les terres indigènes et à l’occupation des terres autorisée par la réforme agraire.

Lors des discours prononcés dans l’auditorium par les producteurs ruraux et les autorités non liées au gouvernement fédéral, la tonalité n’a pas été très différente. Pour me restreindre à un seul exemple, la représentante de l’Association des producteurs des Campos do Araguaia [6] (Aprocampo), Genny Silva a traité l’Ibama lors d’une manifestation publique « d’institut brésilien d’attaque à main armée ». Le radicalisme des revendications était tel qu’il a conduit les représentants du gouvernement Bolsonaro à l’attitude inhabituelle d’inciter les personnes présentes à la pondération, à la prudence et au respect des institutions. Si le discrédit manifesté par Bolsonaro vis-à-vis des organismes traitant de l’environnement - comme lorsque il a dit que la fête de l’ICMBio et de l’Ibama « allait terminer » - a fait froid au dos des écologistes, pour les ruralistes du Pará, c’est insuffisant. Ils veulent la nouvelle ère bolsonarienne tout de suite et ils ne veulent plus avoir affaire aux contrôleurs de l’Ibama dans leurs propriétés.

"On ne peut pas souhaiter réformer des institutions inutiles" affirme l’ex-gouverneur de Roraima.

"Le Brésil se trouve dans une situation d’hémorragie généralisée et le gouvernement vient avec un sparadrap pour arrêter l’hémorragie. Il ne va pas y arriver ! Nous ne pouvons pas souhaiter réformer des institutions inutiles qui ne servent plus à autre chose qu’à gaspiller l’argent public et perpétuer la corruption", a affirmé Paulo Cesar Quartiero du DEM [7] , qui occupait le poste de vice-gouverneur dans l’État de Roraima jusqu’en janvier dernier. "Vous voulez que je les nomme ? Ibama, ICMBio, combien d’autres encore ? Est-ce que je citerais l’Incra également ? Bien sûr. Qui encore ?, demande-t-il à l’assistance. Certains producteurs mentionnent la Fondation nationale de l’Indien (Funai). "La Funai, c’est un sujet à part car elle n’obéit pas au gouvernement brésilien, elle obéit aux monarchies européennes", dit-il, provoquant des rires et se référant au fait que la Funai avait signé des accords pour le développement de projets avec l’aide du Fundo Amazônia dont le donateur principal est la Norvège.

Quartiero, en fait, est un vieil adversaire de la cause indigène à Roraima comme il l’a lui-même admis lors d’une interview accordée au journal Globo. Il a été producteur de riz sur les Terres indigènes (TI) Raposa Serra do Sol, officiellement délimitée en 2005. L’une de ses exploitations a fait l’objet d’une désappropriation suite au processus de démarcation de cette TI. En 2008 alors qu’il était maire de Pacaraima (État de Roraima), il a été arrêté par la Police fédérale (PF) et accusé de tentative d’homicide, de formation de gang et de possession d’explosifs. Selon le ministère public fédéral, il a affirmé que ces crimes se sont produits après qu’il eut coordonné des attaques contre la communauté Renascer [8] . Neuf indigènes ont été blessés lors de cette attaque, dont huit par balle selon les informations fournies à l’époque par la PF. Le procès est toujours en cours à la justice fédérale. Aujourd’hui, Quartiero est suppléant à la direction de la Fédération de l’agriculture et de l’élevage du Pará (Faepa) car il a une exploitation agricole dans l’île de Marajó, au Pará.

La suggestion de Quartiero que cela ne servirait à rien de réformer les entités chargées de l’environnement et qu’il faudrait y mettre fin, a suscité une réaction immédiate du maître de maison, Nabhan Garcia. Quand il a repris la parole, il a souligné le fait que ce n’est pas le gouvernement Bolsonaro qui avait « créé » la TI Raposa Serra do sol et il a rappelé quelles seraient les conséquences légales de la disparition de ces entités. "On ne met pas fin à la Funai aussi facilement que vous le dites. Excusez-moi, mais il n’y a pas de place pour la pyrotechnie. S’il y a parmi vous quelqu’un ayant une formation en droit, il comprendra ce que je dis. Ce n’est pas de cette manière que l’on met fin à la Funai, à l’Ibama, à l’Incra. Ce n’est pas comme ça. Ce que vous proposez c’est de la pyrotechnie", a réagi Nabhan Garcia.

Malgré l’impossibilité juridique d’extinction de ces organismes, le secrétaire des Affaires foncières a rappelé que le gouvernement fédéral fait pression sur ceux-ci, essayant de favoriser les intérêts des ruralistes. "La question de la Funai : celle-ci est responsable de l’identification, de la délimitation, de la démarcation et de l’octroi des terres, etc. [Le gouvernement] lui a retiré ces prérogatives. On ne peut pas supprimer la Funai, mais il est possible de retirer ce qu’il y avait de nocif dans ce qu’elle faisait et c’est ce que le gouvernement a fait dès le 1er janvier, férié national, le jour de sa prise de fonctions. Il existe une Mesure Provisoire (MP) [9] qui retire à la Funai toutes ces attributions. Elles passent par nos services, y compris les clauses concernant les quilombos, la Fondation Palmares [10] Aujourd’hui, tout cela relève du Ministère de l’agriculture, du Secrétariat aux questions foncières dont l’organe exécutif est l’Incra, le nouvel Incra qui accueille favorablement ces changements", expliquait Nabhan Garcia lors de la présentation des changements concernant la politique indigéniste. "Je trouve étrange que la loi soit contre nous, qu’elle ne nous soit pas favorable" murmura Quartiero, toujours légèrement contrarié.

L’Ibama fait le dos rond face aux critiques et promet des changements pour contenter les producteurs ruraux.

Quand le président de l’Ibama, Eduardo Fortunato Bim a pris la parole, sous les murmures de l’assistance, il a voulu être bref. Il a commencé par présenter ses excuses pour l’absence de son chef, le ministre de l’environnement, Ricardo Salles. "Tous les départements du ministère, y compris l’Ibama ont beaucoup d’estime pour les producteurs ruraux. Nous sommes en train de changer la mentalité qui existait dans le passé, de persécution envers ceux qui produisent dans ce pays.", a indiqué Bim. "Dans notre nouvel Ibama, nous recherchons un dialogue très ouvert avec tous les acteurs concernés afin d’arriver à une entente. Et en arrivant à s’entendre, d’éviter les points de friction qui existent encore. Changer la culture d’un organisme prend du temps mais nous luttons pour que ces changements se produisent", dit-il. Le président de l’Ibama a rapidement quitté de la salle, prétextant qu’il avait une audience au Ministère public. C’est le titulaire de la Direction de la protection à l’environnement, Olivaldi Azevedo, commandant de la Police militaire, nommé à ce poste par le ministre Salles, qui a dû faire face à la pression des producteurs.

L’après-midi, le commandant a été la cible de l’un des discours les plus enflammés et applaudis, prononcé par Nelci Rodrigues, présidente de l’association des producteurs ruraux Vale do Garça. Nelsi a commencé par s’excuser de ne pas faire dans la nuance et est entrée directement dans le vif du sujet. Son association se situe dans la région proche de la BR 163 qui traverse onze communes de l’État du Pará où, en 2006, le gouvernement fédéral a créé une mosaïque de zones protégées en vue de la création d’un projet de développement durable pour la région qui réduirait l’impact de l’asphaltage non encore réalisé de la nouvelle route.

Les Unités de conservation (UC) dont un grand nombre recevaient un appui du propre gouvernement, ont été créées sur de petites et grandes propriétés rurales existantes et, jusqu’à maintenant, la régularisation foncière n’a pas été réalisée de manière satisfaisante. Avec son accent du sud, Nelsi raconte qu’elle est arrivée en Amazonie alors qu’elle n’était qu’une enfant accompagnée de son père qui avait été incité par la propagande des gouvernements militaires dont la devise était "intégrer pour ne pas abandonner". Et elle ajouta : "La BR [11] 163 vit une situation de guerre. Le Brésil devrait avoir une meilleure mémoire des choses. Je me souviens parfaitement que mon père disait que le militarisme n’était mauvais que pour les bons à rien. Ils disaient : ’Allez donc au Pará et soyez sûr que votre vie va s’améliorer’. Et vous savez ce qui s’est passé ? C’est devenu pire", dit-elle.

"Cela fait plus de 30 ans que je vis au Pará, j’ai cinq enfants, je les ai élevés, aujourd’hui ils ont terminé leurs études, tout cela grâce à une propriété rurale. En 2006, on a créé une mosaïque d’Unités de conservation qui a atteint mon Pará. Alors là, je vous le dis, les chiites de l’Ibama, le cancer du ICMBio du pays ont pris la maison d’une mère de famille et ont dit la chose suivante : ’Vous devez quitter cette maison car celle-ci va devenir la maison des singes [12]. Un général avait construit la BR 163 et le mot d’ordre était clair ’Venez intégrer pour ne pas abandonner’. Maintenant s’ils n’ont pas donné de titre de propriété, s’ils n’ont rien fait, ce n’est pas notre faute. Ils nous ont envahis. La règle du jeu change et on n’est pas informé. Et on nous traite de voleurs de terres. Si un de ces chiites effrontés répète ce type de barratin … Je ne suis pas très grande mais avec le courage que Dieu m’a donné … " osa-t-elle dire sous un tonnerre d’applaudissements.

Bon nombre de producteurs ont parlé des incitations apportées à ce qu’on a appelé la colonisation des régions éloignées, du Pará par les gouvernements militaires et ont manifesté leur déception vis-à-vis des questions environnementales que le retour à la démocratie avait apportées. La législation en matière d’environnement de cette époque permettait aux propriétaires et aux occupants non régularisés de déforester 50% de la superficie des propriétés. Le code forestier approuvé en 2012 a déterminé que la superficie passible d’être déboisée au bénéfice de l’agriculture ne dépasse pas 20% dans l’écorégion amazonienne. Quelques producteurs ont même demandé que l’on revienne aux paramètres de déboisement de l’époque de la dictature. Une fois de plus, Nabhan Garcia a dû intervenir pour calmer les esprits et rappeler que le gouvernement ne pouvait pas modifier le code d’un simple coup de stylo, tout en laissant entrevoir la possibilité d’intervenir auprès du Congrès pour qu’il modifie les lois sur l’environnement.

A la fin de sa prise de parole, Nelci Rodrigues a exprimé une manière de penser commune aux producteurs ruraux : ce sont les nouvelles lois sur l’environnement qui ont poussé ceux-ci à entrer dans l’illégalité. Elle a déploré le fait que le Secrétariat à l’environnement et au développement durable (Semas), organe du gouvernement d’État du Pará n’ait pas validé le Cadastre environnemental rural (CAR) des propriétés situées dans les Unités de conservation, validation que la loi interdit. "Il y a 300 mille bovins dans les Unités de conservation et nous ne pouvons pas les vendre parce que nous n’avons pas le CAR. Je ne peux pas vendre car l’abattoir aurait une amende. Ils nous obligent à entrer dans l’illégalité. Ils nous obligent à retirer notre bétail et à l’emmener dans une propriété louée qui est légalisée afin de pouvoir vendre" dit Nelci. "Faites tomber toutes ces restrictions que la maudite Marina Silva a introduit" a-t-elle exigé, se référant à l’ex-ministre de l’environnement qui dirigeait ce ministère lors de la création des UCs.

Quand il s’est présenté pour prendre la parole, le commandant Olivaldi ne pouvait cacher une certaine nervosité. Avant de prendre la parole, une personne de l’assistance a dit qu’elle voulait que l’on mette fin à l’ICMBio. Quand le commandant a indiqué qu’il était le nouveau directeur de la protection environnementale de l’Ibama, un autre commentaire venant de l’assistance a fusé : "Ne prononce pas ce nom [Ibama]. On va changer le nom". Olivaldi a essayé de faire de l’humour pour détendre l’ambiance. "Je me sens un peu victime d’une lapidation. Je le serai à nouveau en raison de ce qui a été mis en place là, avant nous, à l’origine de la tension entre ceux qui produisent et l’organisme de contrôle environnemental" a-t-il dit en initiant son discours. L’assistance n’a pas relâché la pression. "Va travailler en ville et ne t’occupes pas des propriétés agricoles. Il n’y a pas de problème d’environnement, dans nos propriétés. Vous pouvez donc nous laisser tranquilles. Vous n’êtes pas les bienvenus" a fait savoir un agriculteur. « Ne faites plus rien durant 60 jours. Contentez-vous de fermer », a dit un autre.

Olivaldi a demandé le retour au calme. Quand il a pu reprendre la parole, il a su faire plaisir aux ruralistes. "Nous allons réunir tout le monde afin de suspendre les interdits sur les terres qui peuvent être libérées. C’est une promesse du gouvernement Bolsonaro et du ministre Ricardo Salles. Nous sommes en train de revoir ces interdits", a-t-il affirmé. "Nous essaierons d’annuler un maximum de décisions préjudiciables. Il ne s’agit pas d’une promesse en l’air. Cela, nous allons le faire. Mais je vous demande un peu de patience. N’oubliez-pas qu’en ce qui concerne une bonne partie de ce qui a été dit ici [dans vos revendications], il est nécessaire de changer cette saloperie de loi. Je suis un fonctionnaire public. Je vais en prison … Quelqu’un a créé cette grande quantité d’Unités de conservation ; était-ce une bonne chose ou non, je ne veux pas entrer dans cette discussion". "Abrogez là !" a lancé quelqu’un. "Mais ce n’est pas moi qui abroge. Cette décision a fait l’objet d’une loi. Ayez un peu de patience, nous allons changer ce qui mérite de l’être. Tout le monde ici est suffisamment intelligent pour comprendre ce que ’Ah ne faites rien maintenant’ voulait dire. Si je suis ce conseil, je vais en prison. Il y a le Ministère public, les juges, le système judiciaire, une quantité de choses qui nous contrôlent", fit remarquer Olivaldi. Sans attendre, il a quitté l’auditoire.

Un sénateur compare l’action des autorités chargées de l’écologie à l’État islamique.

Le discours d’attaque contre les organismes de contrôle environnemental a également pris de l’ampleur parmi les parlementaires présents à cette réunion. Lorsqu’ils ont pris la parole, le député fédéral commissaire [13] Éder Mauro (PSD), coordinateur du groupe d’élus du Pará à la Chambre des députés et le sénateur Zequinha Marinho (PSC) ont soutenu les critiques des agriculteurs contre l’Ibama et l’ICMBio.

« C’est pire que l’État islamique » a dit le sénateur Zequinha Marinho, au sujet du contrôle écologique dans la région de la BR 163 au Pará.

"Nous assistons aux pires décisions arbitraires qu’un gouvernement puisse prendre contre ses citoyens. Citoyens qui produisent, qui paient leurs impôts", ajoute Marinho se référant aux poursuites et aux opérations réalisées par les autorités socio-environnementales. "Si vous aviez le temps d’entendre quelqu’un de la région de la BR 163… C’est incroyable, c’est pire que l’État islamique en Syrie. On ne voudrait pas continuer à être traités comme ennemis de ce pays. Il est absolument fondamental de pacifier la question de l’environnement. Le producteur a besoin de plus de liberté pour produire. Le producteur du Pará est considéré comme un marginal. Nous sommes envahis par le gouvernement fédéral, là au Pará, un gouvernement qui ne veut pas dialoguer, qui ne veut pas converser. Il veut brûler nos machines, il veut emprisonner le citoyen, tout faire sauter, tout détruire ", raconte Marinho.

Lors de la réunion, le député Éder Mauro a soutenu les auteurs du massacre de Pau d’Arco [14] et critiqué le contrôle écologique.

Le député Éder Mauro s’est lancé dans une accusation plus directe. "L’Ibama, dans l’État du Pará … Cette semaine encore, j’ai laissé des documents à la Casa civil [15] qui montraient que l’Ibama, aujourd’hui encore, est dirigé par une femme du PT qui persécute nos producteurs, les hommes qui produisent dans l’État du Pará. Ça va changer, mes amis. Croyez-moi. Le groupe d’élus du Pará va être aux côtés du ministre Onyx qui va demander le remplacement de tous ceux qui sont dans l’État du Pará. De la Sudam [Superintendance du développement de l’Amazonie] jusqu’aux postes les plus humbles, quel que soit l’organisme. Nous voulons aller de l’avant et je fais confiance au Président Bolsonaro et aux hommes qu’il a placés à Brasilia. Le Pará a besoin de se développer ! Vous n’allez pas sortir d’ici sans l’espoir que l’État va changer !" dit-il. Mauro n’a pas dit clairement si la femme du PT dont il a parlé était la directrice de l’Ibama de l’État du Pará, Clívia Bezerra Araújo. Les exploitants agricoles qui étaient dans l’assistance, consultés par ce site d’information ont confirmé qu’il s’agissait bien d’elle. Mauro est sorti avant la fin de la réunion mais il a trouvé le temps de défendre les responsables du deuxième massacre le plus grave en milieu rural au cours des 20 dernières années, le massacre de Pau d’Arco qui s’est soldé par la mort de dix travailleurs. "À cette occasion, quand la police est arrivée à Pau d’Arco pour protéger le propriétaire, pour retirer les envahisseurs, elle a tué tous ceux qui lui opposaient une résistance et pour cela les policiers ont été assimilés à des bandits", dit-il.

Notre chef, Bolsonaro

"Tout ce que l’on vient de dire ici, existait lors des gouvernements précédents. Maintenant nous avons un gouvernement qui est présent, qui a commencé il y a pratiquement 90 jours. Nous sommes sous le commandement de la plus haute autorité, celle de la personne qui a été élue par la majorité du peuple brésilien. Elle s’appelle Jair Messias Bolsonaro. Il est notre chef", dit Nabhan Garcia. Presqu’à chaque occasion, lui, le grand amphitryon de la rencontre avec le Mapa, a essayé de calmer les esprits et de promettre cette nouvelle ère bolsonariste. "J’ai connu le Bolsonaro député en 1994. Il a toujours été en premier lieu, un allié. A chaque fois que le secteur productif a eu besoin d’aide, cet homme qui n’a pas un arpent de terre, ce n’était pas sa profession, a toujours été à nos côtés" assure Nabhan Garcia. La majorité de l’audience a paru lui faire confiance mais on sentait une certaine impatience dans l’air. Nabhan Garcia est revenu à la charge : "Vous ne pouvez pas espérer que le gouvernement qui a assumé le pouvoir il y a 90 jours, répare toutes les erreurs de ces 34 années en 90 ou 100 jours. Nous avons ici quelques cancers qui ne peuvent pas continuer à faire ce qu’ils font. Il a besoin de l’appui de la population pour faire ces changements. Personne ne légifère ni ne gouverne seul" a-t-il dit sur un ton exalté. Ce marqueur de 34 années nous renvoie à la fin de la dictature.

Traité comme « vice-ministre », Nabhan Garcia a demandé un vote de confiance en faveur du gouvernement.

Le lendemain de la réunion entre Nabhan Garcia et les producteurs agricoles du Pará, le Président a signé un décret transformant les amendes contre l’environnement en espaces de récupération. Le 14 avril, le Président a personnellement suspendu une opération de l’Ibama, en cours de réalisation, dans l’État de Rondônia. Cette opération visait à combattre l’extraction illégale de bois. "Hier, le ministre de l’environnement, Ricardo Salles est venu me donner cette information [sur l’opération]. Il a déjà demandé l’ouverture d’une procédure administrative pour savoir qui en était le responsable Il ne faut rien bruler, ni machines, ni tracteurs ou quoi que ce soit ; ce n’est pas la bonne manière de procéder, ce n’est pas notre manière de voir les choses", a affirmé le président dans une vidéo qui a circulé dans les réseaux sociaux. Après la menace d’une investigation de la part du ministre Ricardo Salles contre les agents de l’ICMBio, le président de cet organisme, Adalberto Eberhard a donné sa démission le 16 avril. Il allait être remplacé deux jours plus tard par le colonel de la police militaire de l’environnement de l’État de São Paulo, Homero de Giorge Cerqueira. Le lendemain le personnel de cet organisme a diffusé une lettre accusant le ministre Salles de détruire la politique fédérale de l’environnement. Dans une émission en direct, le 17 avril, Bolsonaro a menacé de démettre la direction de la Funai et a critiqué la législation environnementale actuelle.

Au niveau de l’environnement tout au moins, la nouvelle ère a fait de grands pas en avant par rapport à ce qui a été dit lors de la réunion du Mapa !

Voir en ligne : Agência Pública

[1Ruralistas : expression utilisée pour parler des grands propriétaires terriens et exploitants agricoles.

[2Unités de conservation. Ce sont des espaces naturels protégés qui possèdent des caractéristiques typiques de la faune et la flore locales.

[3bama : Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles.

[4PSB-PA : PSB : parti politique du Président Jair Bolsonaro, PA : état du Pará.

[5UDR : parti d’extrême droite, créé pour défendre les intérêts de l’agrobusiness.

[6Campos do Araguia : programme de mise en place d’une agriculture et d’une forme d’élevage bovins qui seraient plus soucieuses des questions environnementales. Ce programme est mis en place par les grands producteurs ruraux.

[7DEM : parti politique de droite qui apporte son soutien au Président Bolsonaro.

[8Communidade Renascer : expression qui renvoie à divers institutions chrétiennes dont certaines sont impliquées dans des projets de défense des indigènes et de leurs territoires.

[9Medida Provisória (MP) Mesure Provisoire : décision à effet immédiat que le Président peut prendre sans l’accord du pouvoir législatif lequel sera appelé à la discuter ultérieurement.

[10Fondation Palmares. Première institution s’occupant de la préservation et de la promotion des valeurs culturelles, historiques, sociales et économiques résultant de l’influence noire dans la formation du Brésil.

[11BR : route sous juridiction fédérale

[12Singe : terme que cette personne utilise pour se référer aux indigènes.

[13Certains élus, pasteurs et anciens membres de la police et de forces armées tiennent à garder le titre renvoyant à leur fonction antérieure. Certains se rendent même au parlement dans leur ancien uniforme. C’est le cas du député « capitão Augusto »

[14Massacre de Pau d’Arco. Le 24 mai 2017, la police est intervenue dans une exploitation du Pará et a assassiné 10 paysans sans terre qui occupaient cette propriété.

[15Ministre chef de la Casa civil.

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