Le ministre Paulo Guedes a promis de faire un effort pour « mener rondement » l’adoption des projets au Congrès, c’est-à-dire d’en faire voter un nombre aussi grand que possible au premier semestre de l’année. L’année dernière, le pourcentage de projets gouvernementaux approuvés par le Congrès a été l’un des plus bas de ces dernières années. Ces projets devraient faire froid dans le dos des travailleurs. Des mots innocents tels que « réformes » ne doivent pas tromper les travailleurs. En règle générale, ce sont des expressions plus lisses qui annoncent la liquidation des droits ou la destruction de structures publiques qui, bonnes ou mauvaises, sont importantes pour la population.
Selon le gouvernement, « l’acceptation de l’agenda » par le Congrès, permettrait au pays de reprendre sa croissance. Nous entendons ce refrain de « reprise de la croissance » au moins depuis le coup d’État de 2016 [2]. Mais ce que les putschistes ont produit, en fait, ce fut la plus grande série historique de récessions jamais vue au Brésil.
En substance, le programme économique du gouvernement Bolsonaro ne diffère pas des propositions de la droite traditionnelle, appelée néolibérale. La situation économique mondiale actuelle ne permet pas un large accord avec la population, comme ce qui a été fait dans certains pays dans la période d’après-guerre [39-45], qui a conduit à un État de bien-être social dans certaines régions du monde. Elle ne permet même pas les réformes réalisées au cours de la période récente au Brésil, entre 2003 et 2013, lesquelles ont permis des améliorations importantes dans les domaines du droit du travail, des revenus, du salaire minimum et de l’emploi.
Dans ce contexte, la sécurité sociale, la santé publique, l’éducation publique, tout cela est dans le viseur de la bourgeoisie qui attend le moment propice pour s’en débarrasser. Cet agenda de destruction des droits rassemble à la fois l’extrême droite (représentée par Bolsonaro) et la droite libérale traditionnelle, qui a organisé le coup d’État de 2016 et a placé Bolsonaro à la Présidence. Cet agenda rassemble les deux segments de la droite.
Les mesures de démantèlement sont présentées de manière graduelle, car, si elles l’étaient en une seule fois, cela provoquerait beaucoup de réactions populaires. Mais la stratégie de Paulo Guedes et Bolsonaro, et maintenant des nouveaux présidents de la Chambre et du Sénat est de mettre fin au plus grand nombre possible de dépenses publiques bénéficiant à la population. S’ils le pouvaient, s’ils n’avaient pas besoin de passer par le vote, ils y mettraient fin sans tarder. Rodrigo Maia, qui vient de quitter la présidence [de la Chambre], n’a absolument aucune critique à faire par rapport au programme économique de Guedes / Bolsonaro. Si les contre-réformes n’ont pas progressé au rythme souhaité par le gouvernement Bolsonaro et le monde de la finance, c’est pour d’autres raisons, probablement liées aux divergences électorales entre Bolsonaro et Maia, causées par la proximité des élections de l’année prochaine [3]. La destruction des droits du travail et sociaux est au programme de la bourgeoisie du monde entier.
L’élection d’alliés du gouvernement à la présidence du législatif a ouvert une fenêtre d’opportunités qui pourrait être la dernière de ce mandat de Bolsonaro. Il sera plus facile de faire avancer les projets, notamment ceux visant le démantèlement de que ce qui reste des droits sociaux au Brésil. Le fait de ne pas vouloir présenter ces programmes au cours d’une année électorale montre déjà qu’ils sont contre la population. Si les mesures étaient favorables à la majorité, le gouvernement mettrait un point d’honneur à les faire approuver à une date plus proche de la tenue des élections.
Le gouvernement Bolsonaro a inclus dans l’agenda prioritaire, présenté le 3 février aux présidents nouvellement élus de la Chambre des députés et du Sénat fédéral, Arthur Lira (PP-AL) et Rodrigo Pacheco (DEM-MG), les projets suivants :
● Privatisation d’Eletrobrás ;
● Réforme administrative et fiscale ;
● Loi sur le gaz [4] ;
● Autonomie de la Banque centrale ;
● Transformation de la pédophilie en crime "odieux [5]" ;
● Réglementation de l’enregistrement, de la possession et de la vente des armes à feu ;
● École à la maison (homeschooling) ;
● Exploitation minière sur les terres indigènes.
Dans le domaine économique, on retrouve six des priorités énumérées par le gouvernement. Il s’agit de Propositions d’Amendement de la Constitution (PEC), ce qui signifie qu’elles doivent être approuvées par les 3/5èmes des membres des deux chambres, en deux sessions. Apparemment, le gouvernement dispose de ces votes. A la Chambre des députés, les 3/5èmes des voix correspondent à 342 voix, soit 40 de moins que celles obtenues par Arthur Lira, lors du vote pour la présidence de la Chambre des députés. Parmi les PEC répertoriées par le Planalto [6] figurent celles des Fonds, la PEC Emergencial [7] et celle du Pacte Fédératif.
La PEC des Fonds permet au gouvernement d’utiliser l’argent disponible dans les fonds infra-constitutionnels à d’autres fins et supprime les fonds publics, tels que le Fonds de soutien aux travailleurs (FAT). Apparemment, l’intention de cette mesure est de rassembler les ressources pour transférer des revenus sans dépasser le plafond des dépenses (Amendement constitutionnel 95), afin de servir à la réélection de Bolsonaro en 2022. La PEC Emergencial permet de réduire les salaires et autres dépenses publiques en cas d’urgence. A cela s’ajoute le fait qu’elle permet de prendre d’autres mesures exceptionnelles sans consulter le Congrès national. La PEC du Pacte fédératif, quant à elle, interdit l’aide de l’Union aux entités fédérales, élargissant leurs responsabilités financières. En d’autres termes, elle a tendance à aggraver la situation des États et des municipalités, forçant, entre autres choses, les licenciements, l’externalisation, les réductions des salaires et autres méfaits.
Une autre proposition d’amendement de la Constitution est la PEC 32/2020, de la Réforme administrative. Dans le cas de cette contre-réforme, parmi les changements envisagés, on trouve la fin de la stabilité de la plupart des carrières dans la fonction publique. La volonté est de détruire le secteur public tel que nous le connaissons aujourd’hui. L’équipe gouvernementale de Bolsonaro considère les salaires décents et la stabilité du secteur public comme un luxe. Plus encore dans un pays sous-développé comme le Brésil, où la moitié de la main-d’œuvre évolue dans le secteur informel. Ils ne le disent pas en toutes lettres mais ce qu’ils veulent véritablement c’est « ubériser » l’ensemble du marché du travail.
Pour la réforme fiscale, ils disposent de deux PEC : (45/2019 et 110/2019). Les PEC de la réforme fiscale ne s’attaquent pas à ce qui est essentiel au Brésil, le problème de la fiscalité régressive (aujourd’hui, par exemple, ceux qui gagnent moins paient, proportionnellement, plus d’impôts). Les propositions sont bien plus une simplification fiscale qu’une réforme de facto. Mais que pouvons-nous attendre d’autre de Paulo Guedes et d’un gouvernement qui pense que le problème du Brésil est l’excès de droits ?
L’un des projets aux conséquences les plus graves a été approuvé par la Chambre le 10 février, la loi complémentaire qui prévoit l’autonomie de la Banque centrale (BC) – la PLP 19/2019, rédigée par le sénateur Plinio Vale (PSDB / AM). Le projet, qui suit son cours vers la ratification présidentielle, entend transformer la Banque centrale du Brésil (BC) en un organe suprême, autonome par rapport à la structure administrative du pays et déconnecté de tout ministère. On l’appelle la « Banque centrale indépendante », une mesure qui raccourcit le chemin du Brésil vers un statut de colonie, au service du système financier international.