En plus d’être noir, il est homo

 | Par Higor Faria

Source : Outras palavras,16/01/2014

[Higor Faria publie régulièrement des chroniques sur le racisme, en langue portugaise, ici]

Traduction pour Autres Brésils : Yacine Bouzidi (Relecture : Sifa Longomba)

Le samedi 11 janvier, Kaíque, 16 ans, a été retrouvé mort, édenté, avec une barre de fer dans la jambe, et marqué d’autres signes de torture. La police a classé l’affaire comme un suicide. Pas besoin d’être un spécialiste pour comprendre qu’il s’agit d’un assassinat, et vraisemblablement d’un crime de haine.

L’affaire Kaíque révèle les préjugés, l’invisibilité et la vulnérabilité dont sont victimes les hommes noirs homosexuels au Brésil.

Kaíque était noir, gay et appartenait sans doute à une classe sociale des plus modestes. Dans notre société [brésilienne] où la norme est d’être blanc et hétéro, Kaíque faisait partie de trois minorités, accumulant ainsi trois types de préjugés, visant sa couleur de peau, sa sexualité et sa classe sociale. Un fardeau dont il était peut-être un peu « soulagé » dans les milieux homosexuels où il n’avait à subir « que » le racisme, et dans la communauté noire où il n’était victime « que » d’homophobie.

Dans ces circonstances, trouver un lieu où il serait bien accueilli et pleinement en sécurité n’a pas dû être chose facile, si tant est qu’il l’ait jamais trouvé. Comme tant d’autres dans notre pays, il faisait partie d’un groupe triplement stigmatisé, rendu invisible et vulnérable. Ce n’est pas la première fois que l’on évoque l’histoire de Kaíque, mais personne ne semble s’en soucier. Pas même l’État. Après tout, la vie d’un Noir vaut moins que celle d’un Blanc : 70 % des victimes d’homicide sont noires. Et la vie d’un homosexuel ne vaut guère plus : les meurtres de personnes homosexuelles ont triplé entre 2007 et 2012. Quant à la vie d’un pauvre, c’est grosso modo le même tarif. Pour une personne noire, gay et pauvre, ce qui ne vaut presque rien est encore divisé par trois. Pas le moindre signe d’empathie, encore moins d’indignation nationale.

La règle est simple : ce qui n’a pas de valeur est laissé de côté, rendu invisible. Délaissé, même par les statistiques : il n’existe aucune indication relative à l’orientation sexuelle des victimes de meurtres classés comme crimes racistes, ni aucune sur la couleur de peau des victimes de crimes homophobes. Rien qui permette le recoupement des données, pourtant le sujet est sérieux ! Ces chiffres n’existant pas, on ne sait pas et on ne peut pas savoir où les personnes noires et homosexuelles sont le plus souvent victimes d’assassinat. On ferme les yeux sur les préjugés qui minent notre société, on camoufle l’ampleur du problème social, et on ne fait rien pour le résoudre.

Voilà le résultat, cette fois classé comme un suicide. Comme le disait une de mes amies « dire que c’est un suicide revient à dire qu’il l’a bien cherché ». Beaucoup de gens pensent qu’en étant noir et gay, il l’avait bien cherché. Mais non, Kaíque et beaucoup d’autres n’ont pas cherché à naître dans une société qui stigmatise le Noir, le gay, le pauvre. À la source de tout cela, il y a l’indifférence : celle de l’État, la mienne, la vôtre et celle de vos proches. L’État n’a pas criminalisé l’homophobie, n’applique pas les lois anti-discrimination efficacement et n’intègre pas la lutte contre les préjugés dans les programmes d’éducation. Ni moi, ni vous, ni vos proches ne faisons pression sur l’État, sur les législateurs et les institutions. Quand un opprimé dénonce une oppression, nous restons silencieux ou nous nions les faits. Directement ou indirectement, nous sommes tous les bourreaux des jeunes noirs gays assassinés dans ce pays.

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