Elections Brésil 2022 : l’attention internationale avant, durant et après les élections au Brésil un édito de Carlos Wagner

 | Par Carlos Wagner

Je me souviens que durant les premiers scrutins directs et libres au Brésil, un doute planait parmi les journalistes et dans les rédactions, à savoir si le candidat qui remporterait l’élection assumerait réellement le pouvoir.

Traduction : Sylvain BRUNEL pour Autres Brésils
Relecture : Roger Guilloux

Les souvenirs des horreurs qui étaient arrivées durant la période de la dictature militaire (de 1964 à 1985) étaient encore vifs. Peu à peu, au cours des années suivantes, cette peur s’est estompée et les élections ont été de nouveau présentées par les médias comme un évènement normal de la vie du pays. L’idée qu’un élu ne puisse exercer son mandat à cause de l’intervention de militaires était désormais absente des salles de rédaction, ainsi que des tables des bistros où les vieux collègues passaient leur temps à vider des bouteilles.

En 2019, quand Jair Bolsonaro Parti libéral (PL) a été investi président de la République, et qu’il a repris le flambeau de la nostalgie des valeurs de 1964, il est apparu comme un dinosaure revenu à la vie, tout droit sorti du film Jurassic Park (1993) du réalisateur Steven Spielberg. Les jeunes journalistes qui travaillent aujourd’hui dans les rédactions ont dû rapidement réviser leurs cours d’histoire pour comprendre de quoi Bolsanaro parlait. Puisque même les reporters plus âgés, de la génération à laquelle j’appartiens, n’en croyaient pas leurs yeux. Telle a été l’explication que j’ai donnée à mes collègues étrangers qui m’interrogeaient sur la situation de la presse au Brésil.

J’ai écrit et dit, que d’une manière générale, les jeunes journalistes font un bon travail en ce qui concerne la couverture médiatique électorale qui se profile au Brésil. En d’autres temps, des collègues américains ou européens auraient qualifié d’exotique ce qui se passe ici. Aujourd’hui cela n’a pas été le cas parce que les États-Unis ont connu l’expérience de l’administration de l’ex-président républicain Donald Trump (2017-2021), l’homme qui a ressuscité et actualisé la machine de propagande politique utilisée par les nazis dans les années 30 – de nombreux sites sur Internet en font foi. Et les Européens cohabitent avec une renaissance forte du nazisme et du fascisme et assistent en ligne, aux atrocités commises par les troupes russes en Ukraine.

Ce qui est en train d’arriver, et que pour d’obscures raisons dont nous n’avons pas encore percé l’origine, c’est l’attaque de groupes organisés contre les avancées technologiques de la vaccination, des mouvements sociaux, du respect de la vie privée des individus et d’autres encore.

L’intérêt des journalistes étrangers pour les élections brésiliennes est dû au fait que le pays est une pièce importante de l’échiquier mondial. Non seulement parce qu’il est l’un des principaux producteurs de biens alimentaires ni parce qu’il s’agit d’un pays continent. Mais parce que se cristallise autour du président Bolsonaro un groupe qui lutte contre les avancées sociales, un groupe composé de généraux, de militaires de différents grades et de chefs d’entreprises qui forment un base solide d’appui populaire et une machine de propagande politique bien huilée. Ce groupe a rendu tout-à-fait crédible la candidature du président à sa réélection.

J’ai dit à mes collègues étrangers que je crois que la liberté de la presse et la Justice électorale vont être en capacité de maintenir le déroulement des élections dans le cadre de la loi. J’affirme cela pour deux raisons : la première est que nous avons appris durant les années du mandat de Bolsonaro qu’il avance dans ses menaces contre les institutions mais jusqu’à une certaine limite et puis qu’il fait marche arrière. Cela été le cas, lors de sa tentative de coup d’État le jour de l’indépendance nationale. – de nombreux sites sur Internet en font foi. Et la seconde raison est que Bolsonaro ne sera plus en train de parler tout seul comme aujourd’hui. Il sera engagé dans une bataille électorale et ses adversaires seront attentifs à ce qui se passe.

En particulier son principal adversaire, l’ex-président Luiz Inácio Lula da Silva (Parti des travailleurs - São Paulo). En lisant ce que nous avons publié, il saute aux yeux qu’en cas de déroute, les bolsonaristes tenteront de répéter ce que les partisans de Trump ont fait aux États-Unis, lorsqu’ils ont envahi le Capitole, le congrès américain. J’ai cru à cette possibilité. Aujourd’hui, j’ai quelques doutes parce que le soutien de la population au processus électoral brésilien est très fort. Donc, s’ils essayent de faire une chose semblable, ils courent le risque d’être isolés. Mais c’est aussi parce que la situation économique du pays est l’une des pires de ses dernières années. Les prix des combustibles tels que l’essence, le diésel, le gaz de ville sont à la hausse. Et l’inflation et le chômage atteignent des records. La situation est la suivante, le jour le plus important de l’histoire du Brésil pourrait bien être le lendemain du second tour des élections, si elles ont lieu bien sûr. Cela pourrait être un jour très compliqué, aussi important que les manifestations de 2013 quand des milliers de personnes sont sorties dans la rue pour protester contre tout. Mais cela peut être aussi un jour normal dans la vie du Brésil. Personne ne peut le prédire. C’est ce que j’ai répondu à des collègues du Paraguay.
Cela ne va pas être une tâche facile pour les présentateurs des journaux télévisés qui vont couvrir l’événement, avant, pendant et après les élections. Il y a beaucoup d’embûches qui attendent le journaliste, de nombreuses peaux de banane qui pourront se glisser sous leurs pas. Sans oublier le fait que les rédactions sont déstructurées, avec peu de journalistes, beaucoup de pigistes et des salaires les plus bas que la profession ait connus.

Les collègues venus des quatre coins du monde seront attentifs à ce que nous publierons. L’adrénaline qui court dans les veines du journaliste dans de pareilles situations le maintient en alerte, concentré sur son sujet. Pourquoi ai-je la certitude que les jeunes se sortiront bien du traitement de cette information ? Parce que c’est leur travail. Ils ont été formés pour ça. Je dis toujours dans mes cours aux étudiants en journalisme et aux rédactions du Brésil profond : « Personne n’a jamais dit que c’était facile d’être journaliste ».

Carlos Wagner est journaliste. Il a travaillé comme journaliste d’investigation à Zero Hora (Rio Grande do Sul, Brasil) de 1983 à 2014. Il a reçu 38 prix de Journalisme, et parmi ceux-ci, sept Prix Régionaux Esso.

Voir en ligne : Interessam ao mundo as notícias do antes, do durante e do depois das eleições no Brasil

Couverture : Une urne elecronique au Brésil
(c) Nelson Jr./ ASICS/TSE

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