Dix ans après les faits, l’impunité est totale : les soldats de la police militaire ont été acquités, et les deux seuls commandants ayant été jugés, et pourtant condamnés par deux fois respectivement à 228 et 154 ans de prison, ont été libéré fin 2005, dans l’attente de leur jugement en appel. Quant aux responsables politiques du massacre, ils n’ont toujours pas été inquiétés.
Scandalisés par cette froide barbarie, les paysannes et paysans de la Via Campesina, réunis ce jour-là au Mexique pour leur Conférence internationale, décidèrent de faire de cette date la Journée internationale des luttes paysannes.
Dix ans après le Massacre d’Eldorado dos Carajás, personne n’est derrière les barreaux. Comment le MST évalue-t-il ce qui a été fait par le gouvernement et la Justice dans cette affaire ?
Le Massacre d’Eldorado dos Carajás est symbolique sous de nombreux d’aspects. Il démontre la cruauté du latifundio [1] quand celui-ci contrôle l’Etat. Bien que nous ayons fait toutes les démarches nécessaires au niveau de la Justice, et mené toutes les luttes possibles pour que justice soit faite, dix années ont passé et les coupables n’ont toujours pas été punis. Depuis les responsables politiques, au niveau fédéral et de l’état du Pará, jusqu’aux hommes de main du massacre, les commandants de la Police militaire. C’est la raison pour laquelle nous espérons que la commémoration de ces 10 ans sera une raison supplémentaire pour que la société brésilienne fasse pression sur le pouvoir judiciaire et sur le gouvernement pour que, enfin, la justice soit faite, puisqu’il est impossible de faire revenir à la vie nos camarades.
Les mutilés et les familles des survivants dénoncent l’indifférence du gouvernement. Qu’a fait le MST à ce sujet ?
Le Mouvement des sans terre, grâce à nos avocats, cherche toutes les solutions juridiques possibles. Les mutilés et les familles des survivants ont reçu une petite aide mensuelle, mais à nouveau, ce qui est symbolique dans cette affaire, c’est que ce n’est pas seulement eux. Tous les pauvres de l’état du Pará reçoivent le même traitement. Dans cette région, quand il s’agit d’appui pour la santé et pour l’éducation, l’Etat est quasiment absent, parce que le pouvoir du latifundio est souverain à imposer sa marque et à traiter les pauvres comme s’il s’agissait de déchets sociaux. Et c’est contre cela que nous devons élever nos voix. Pas uniquement exiger la justice pour ces familles, qui souffrent des séquelles jusqu’à aujourd’hui. Mais aussi et surtout dénoncer l’absence de politiques publiques pour venir en aide aux pauvres de cette région, qui ne reçoivent, comme vous l’avez vu, aucune aide.
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