La prochaine séance du Séminaire d’Anthropologie Américaniste se tiendra le vendredi 24 février 2017 de 11h à 13h en salle 5 au 105 bd Raspail, Paris 75006.
Elise Capredon, docteure en anthropologie (CRBC-MONDES AMÉRICAINS) donnera une conférence intitulée :
Églises chrétiennes amérindiennes : le cas des Baniwa de l’Amazonie brésilienne
Au Brésil, la conversion des amérindiens au christianisme a longtemps été envisagée sous l’angle de l’acculturation ou de l’imposition d’une idéologie extérieure. À partir des années 1990 plusieurs anthropologues ont pris le contrepied de cette approche en s’intéressant à la façon dont les Indiens comprenaient et s’appropriaient – ou parfois rejetaient – le message des missionnaires. Des études ethno-historiques de Viveiros de Castro (1992) et de Pompa (2001) aux contributions de Pollock (1993) et de Vilaça (1996, 2002, 2008, 2016), en passant par les travaux réunis dans des ouvrages collectifs par Wright (1999a, 2004), Montero (2006), ou encore Wright et Vilaça (2009), une série de publications sur le rapport des peuples indigènes brésiliens à la foi chrétienne a ainsi vu le jour au cours des dernières décennies. Bien qu’elles fournissent des éclairages variés sur ces rapports, la plupart d’entre elles mettent néanmoins l’accent sur le caractère éphémère ou « inconstant » des adhésions chrétiennes amérindiennes.
Or de nombreux groupes indigènes se revendiquent aujourd’hui chrétiens depuis plusieurs générations. En Amazonie, c’est notamment le cas des Baniwa, un peuple de langue arawak dont les membres se sont majoritairement convertis à l’évangélisme – un mouvement d’origine protestante – sous l’influence d’une missionnaire étasunienne au milieu du XXe siècle. Contrairement à d’autres groupes, qui se sont rapidement désintéressées du christianisme après leur engouement initial pour les enseignements des missionnaires, les Baniwa ont en effet continué à cultiver des valeurs et des usages chrétiens au cours des dernières décennies. Non seulement ils se sont approprié le message de l’évangéliste américaine, mais ils ont aussi fondé leurs propres Églises, au sein lesquelles ils célèbrent des cultes et des cérémonies en langue native. Certains d’entre eux s’efforcent en outre de promouvoir l’union des « croyants » indiens à travers la création de vastes réseaux interethniques d’Églises indigènes.
En retraçant la genèse et la consolidation de ce mouvement évangélique amérindien, je tâcherai ainsi de déconstruire l’idée selon laquelle les christianismes indigènes amazoniens se caractérisent par leur « radicale instabilité » (Gow, 2006) et de restituer la complexité des formes d’engagement religieux des populations autochtones d’Amazonie. En esquissant des comparaisons avec d’autres cas d’Églises indigènes indépendantes, j’interrogerai également la portée de ce mouvement : constitue-t-il une exception ou s’inscrit-il dans une tendance plus vaste d’essor des Églises chrétiennes amérindiennes à l’échelle de l’Amérique du Sud ?