Dénigrer et répandre le pessimisme pour vaincre l’adversaire

 | Par Marilza de Melo Foucher

Source : Brasil 247 - 18/08/2014

Traduction pour Autres Brésils : Jean SAINT-DIZIER (Relecture :Céline FERREIRA)

Au regard du contexte international et de la situation globale de l’économie, le développement brésilien n’est certainement pas le pire. C’est la raison pour laquelle il est difficile de comprendre le comportement des experts économistes brésiliens en général.

La situation économique au Brésil n’est, bien sûr, pas des plus brillantes en cette année électorale, cependant, l’analyse d’une seule et unique donnée économique, par exemple la baisse du taux de croissance du PIB, ne reflète en aucune façon la réalité globale d’un pays. Le PIB est un indicateur économique controversé, il mesure le revenu, mais pas sa distribution, la hausse de la croissance, mais pas la baisse et ne prend pas en compte des facteurs tels que la cohésion sociale et l’environnement.

Un pays peu tout à fait croître économiquement et conserver le même niveau d’inégalités dans la distribution des richesses et l’accès au bien commun. Le développement d’un pays doit concilier l’intégration sociale avec la stabilité économique et la protection de son environnement. Nous devons envisager l’économie sous un angle macroéconomique pour un développement inclusif. Une économie doit être en harmonie avec la société et avec le monde dans lequel nous vivons. Une politique économique doit favoriser la croissance de manière durable, plus écologique, capable de créer des emplois, de réduire la pauvreté et de mieux distribuer ses richesses. En ce sens, le Brésil a bien progressé par rapport à beaucoup d’autres pays, puisque malgré un contexte mondial difficile, il a continué à créer des emplois et à soutenir une meilleure inclusion sociale. Tout au long de la période Lula-Dilma, jusqu’à mai 2014, le Brésil a généré 20,4 Millions de nouveaux emplois. Une donnée représentative : depuis 2003, les revenus des travailleurs ont augmenté de 70 % au-dessus de l’inflation.

Le programme Bolsa Família, si critiqué par les chroniqueurs économiques ainsi que par l’opposition, est pourtant un programme cité en exemple d’efficacité de politique publique dans le combat contre la pauvreté. "C’est un standard de la protection sociale", comme l’a soutenu Jorge Chedieki, chef de bureau du PNUD [1] à Brasília.
Dans le rapport annuel sur le Développement Humain de 2014 (PNUD), qui s’appuie sur les données de l’IDH [2] de 2013, le Brésil figure à nouveau dans le groupe des pays à ‘fort’ développement humain, la deuxième des quatre catégories définies par le PNUD. Bien entendu, il manque encore des services publics de meilleure qualité et les inégalités régionales et sociales demeurent. Mais l’on ne peut nier que des efforts ont été consentis en ce sens. Il suffit pour cela d’analyser l’évolution des programmes sociaux instaurés pendant la dernière décennie. En 2002, Le budget octroyé à l’Éducation était de 18 Milliards de R$ [3] et il atteint aujourd’hui 112 Milliards [4].

Si l’on prend aussi en compte la crise économique sans équivalent précédent qui dure depuis 2008, le Brésil s’en est bien mieux sorti que, par exemple, certains pays européens qui ont opté pour l’austérité
. Les gouvernements de Lula et Dilma ont choisi un autre chemin. Tandis que la crise économique internationale a fait regresser les politiques sociales de divers pays, comme on peut le constater au sein de l’Union Européenne, le Brésil a préservé sa capacité d’investissements sauvant ainsi les emplois de millions de brésiliens. Le gouvernement brésilien est parvenu à garder le rythme des améliorations pour les classes les plus pauvres de la population et, en même temps, à préserver une certaine stabilité macro-économique. La hausse du niveau d’investissement et des dépenses publiques ainsi que l’accroissement du crédit en pleine crise furent déterminants dans la lutte contre la crise mondiale.

La politique actuellement suivie par les gouvernements les plus conservateurs en Europe est basée sur la prise de mesures drastiques ayant pour but de faire baisser les dépenses publiques en réduisant les dépenses sociales, et en déréglementant le monde du travail, limitant alors les droits des travailleurs. Sans même parler des mesures fiscales régressives qui ne favorisent que le grand Capital. Ces mesures ont amené les nations européennes à battre des records en ce qui concerne le chômage des jeunes. La jeunesse européenne est aujourd’hui candidate à une pauvreté durable. Le pouvoir d’achat des européens ne cesse de baisser. De plus, cette politique d’austérité n’a pas obtenu les résultats espérés et n’a apporté qu’une faible croissance économique. Aujourd’hui cette politique met en péril le modèle social européen que tant de pays enviaient.

Les gouvernements européens avaient pourtant réussi jusqu’à présent à concilier le développement économique et la question sociale. Aujourd’hui dans l’Union Européenne, la morosité et le pessimisme sont de règle, beaucoup de pays, tels que la Hollande, le Portugal, l’Estonie, Chypre, la Finlande et la Grèce sont entrés en récession. La France, et sa probable balance négative rejoindra aussi le groupe des pays en récession. Le taux de chômage dans la zone Euro est de 12% en 2014 et sera de 11,7% en 2015. La zone Euro traverse une phase de baisse de croissance de sa productivité, l’impact du chômage de longue durée se fait sentir, le futur n’est pas du tout assuré pour les jeunes, car le marché du travail est aujourd’hui incapable d’absorber la masse des chômeurs (...).

Les cicatrices sociales de la crise sont loin d’être résorbées. Même si l’Allemagne est présentée sous un certain dynamisme économique, le taux de chômage y est tout de même de presque 7%. Le Professeur émérite Joseph Stiglitz, prix Nobel d’Économie et ex-directeur- économiste de la Banque Mondiale, a déclaré qu’il aimerait que la chancelière Angela Merkel parvienne à comprendre que l’austérité fragilise l’économie. Elle favorise le chômage, réduit les salaires et creuse les inégalités. "Il n’existe aucun exemple d’une grande puissance économique où l’austérité a permis la reprise de la croissance." Un autre économiste, le français Guillaume Duval, du magazine “Alternatives économiques”, attire l’attention sur la hausse de la précarité du travail en Allemagne spécialement en ce qui concerne l’emploi des jeunes, et soutient que les besoins de l’industrie allemande en la matière, sont pérennes mais qu’elle profite de la crise économique qui ravage les pays du sud de l’Europe pour employer une main d’oeuvre bon marché avec les jeunes migrants. Les employés licenciés du sud et les jeunes sans travail sont bienvenus dans l’Allemagne d’Angela Merkel. Selon l’Eurostat, le bureau des statistiques de l’UE, la zone €uro a vu son Produit Intérieur Brut (PIB) stagner au deuxième trimestre, après avoir augmenté d’à peine 0,2% au trimestre précédent.

Comparée à l’état de l’économie mondiale, la situation du développement brésilien n’est pas des pires. C’est pour cette raison, que de manière générale, il est difficile de saisir le comportement des chroniqueurs brésiliens, proche des groupes économiques et des politiciens de la droite conservatrice. Ils cherchent à dépeindre de façon dramatique la situation de l’économie brésilienne sans analyser le contrecoup de la crise du capitalisme financier qui a ravagé les pays dits développés.

Pourquoi les politiques mises en place par l’Union Européenne n’ont-elles pas donné de résultats ? Pourquoi ne pas comparer les données en fonction de la réalité rencontrée par le gouvernement brésilien ?

Pendant sept ans (2008-2014) ces spécialistes en économie, chroniqueurs néolibéraux, ont cherché à répandre un climat de panique dans le but de porter préjudice à l’environnement économique du Brésil. C’est pour cela que depuis un certain temps, ils ont décidé de mettre en place une stratégie de communication pour monter une campagne internationale visant à détériorer l’image positive du Brésil, tout en essayant de provoquer au plan intérieur, un pessimisme général au sein de la nation. La question est : qui est le perdant dans cette histoire, si ce n’est le Brésil lui-même ? Il est clair que leur but est d’installer un climat de déprime dans l’économie pour éloigner les investisseurs, espérant ainsi faire échouer la politique du gouvernement, pour, au final, le renverser. Ils se conduisent de manière irresponsable dans le but de nuire à l’intérêt national, tout cela à cause de la haine viscérale qu’ils ressentent pour le Parti des Travailleurs. Il ne fait aucun doute que la classe moyenne supérieure et riche à laquelle ils appartiennent, est celle qui a le plus profité du succès des politiques économiques mises en place par les gouvernements Lula et Dilma.

Ils savent très bien et ont l’entière conscience que le pessimisme et la méfiance sont les meilleurs moyens de favoriser un climat collectif d’impuissance et de découragement. Quand le pessimisme s’installe, les effets de la crise économique sont démultipliés et ont une influence directe sur les facteurs de croissance. Telle est l’arme qu’ils utilisent : répandre le pessimisme pour gagner le pouvoir exécutif aux prochaines élections. Il est bon de rappeler qu’ils détiennent déjà les clés du quatrième pouvoir au Brésil.

Le Président Lula a parfaitement compris que la population brésilienne avait une vision pessimiste du futur, il a su injecter de l’optimisme et affronter la crise économique. Lula parlait beaucoup d’auto-estime et il est parvenu à remonter le moral des pessimistes et gagner de la confiance pour faire face à la crise mondiale. Luis Lula da Silva est un optimiste de nature, tout comme la Présidente Dilma, à une différence près : la Présidente Dilma est moins expansive. Dans les faits, l’optimisme est une qualité qui permet d’appréhender le monde de manière positive, ce facteur psychologique ne doit pas être négligé dans le contexte entrepreunarial et économique. Lorsqu’il défendait le rôle de l’État dans l’économie, le grand économiste Keynes parlait des mécanismes psychologiques nécessaires pour éviter la peur du futur et favoriser la prise de risques. D’où l’importance de la présence de l’État garantissant un climat de confiance dans la relation de l’investissement public et privé.

C’est ainsi que les gouvernements successifs du PT, tant haï par l’élite brésilienne et ses alliés, ont réussi à éviter que la catastrophe engendrée par la crise financière ne dévaste le Brésil. Depuis 2008 le monde entier vit dans un climat de tension économique et sociale. Les gouvernements Lula et Dilma ont bien géré la crise financière et ont agi sans précipitation. Ils ont modifié le fonctionnement de la diplomatie brésilienne et sont parvenus à élaborer une stratégie internationale de participation et non de soumission aux règles multilatérales établies par la gouvernance mondiale. Ils ont conçu une corrélation de forces favorables au Brésil, avec une bonne tactique et beaucoup d’efforts, ils ont purgé une grande partie de la dette publique et privée, laissée par Fernando Henrique Cardoso [5]. Ils ont bâti une crédibilité internationale et ont augmenté les réserves monétaires, rendant ainsi possible une gouvernance capable de favoriser l’inclusion sociale. Le pire est derrière nous et le Brésil est désormais capable, aujourd’hui, de réunir les conditions qui garantissent une politique intérieure plus compatible avec les attentes de son peuple. La présidente Dilma est la mieux préparée à poursuivre ce processus de construction d’un Brésil plus juste.

L’arme des brésiliens est de conserver l’optimisme, de garder confiance dans le futur du Brésil, et de ne pas se laisser gagner par le virus du pessimisme. En tentant de propager le virus du pessimisme, les adversaires d’un “Brésil Pour Tous” ne cherchent qu’à conquérir le pouvoir au détriment des Brésiliens et au seul bénéfice d’un courant idéologique responsable de la crise mondiale actuelle.

Notes de la traduction :

[1] PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
[2] IDH : Indice de Développement Humain
[3] Quelques 6 milliards d’Euros
[4] Presque 36 milliards d’Euros
[5] Le dernier président (1995-2003), du PSDB, précédant l’ére du PT.

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