Ce message de Frei Betto* qui,
malgré tout ce qu’ont pu dire, écrire et montrer les media du Brésil et du
monde entier sur le thème : « Lula n’a pas tenu ses promesses électorales »,
explique bien pourquoi Lula a été réélu par le peuple brésilien avec plus de
60% des suffrages. Il dit
pourquoi il votera pour Lula, en comparant ce que ce dernier a réalisé lors de son
premier mandat de quatre ans avec ce que Cardoso, le président auquel il a
succédé, avait fait dans les huit ans de ses deux présidences. Une
comparaison des réalisations concrètes.
<img828|left> Ce qui est en jeu dans l’élection du 29 octobre, c’est l’avenir du
Brésil. Il ne s’agit pas de donner son vote au candidat le plus sympathique
ou à celui qui a été le meilleur lors des débats. L’affaire est beaucoup
plus sérieuse : il s’agit en fait de préserver et de fortifier la
souveraineté brésilienne et en même temps d’assurer un développement
durable.
Je ne veux plus jamais voir notre ministre des Relations Extérieures
se déchausser à la douane des Etats-Unis, comme a dû le faire Celso Lafer,
le chancelier du gouvernement de Cardoso. Celui du gouvernement de Lula,
Celso Amorim ne s’est jamais soumis à une semblable humiliation. Un pays qui
se respecte ne se plie pas aux exigences de l’Empire. Le gouvernement de
Lula a très bien fait de repousser la proposition « made in Bush » de l’ALCA
[ou ZLEA, Zone de libre échange des Amériques] qui aurait fait de l’Amérique
latine une colonie des Etats-Unis.
Il faut comparer les réalisations des huit ans du gouvernement du
président Cardoso avec celle du gouvernement du PT (Parti des
Travailleurs) de Lula. Dans le premier cas, la Police fédérale comptait 5 000 agents ; ils sont aujourd’hui 11 000. Cette différence explique
les fréquentes opérations contre le crime organisé, les recéleurs et même
contre les militants politiques liés au PT lui-même dont toute la presse a
parlé. Dans les huit années du gouvernement Cardoso, la Police Fédérale a
arrêté 54 personnes ; sous le gouvernement de Lula, ce sont 2971 personnes
qui ont été arrêtées.
L’actuel gouvernement a créé 7 millions de nouveaux emplois fixes ;
celui d’avant, à peine 700 mille. Le niveau de chômage dans les villes
brésiliennes était de 11,7% ; il est aujourd’hui de 8,3%. Les exportations
durant les huit années de Cardoso ont atteint 64,4 milliards de dollars US ;
pendant les quatre ans du gouvernement de Lula, elles ont été de 118,3 milliards
de dollars. En 2002, la balance commerciale avait un solde négatif de 8,4
millions ; aujourd’hui, le solde positif est de 103,3 milliards. En 2002, le
« risque pays », calculé par les investisseurs internationaux, atteignait
2400 points ; il est aujourd’hui de 204 points. C’est le plus bas niveau de
toute l’histoire du Brésil.
Il y a quelques dizaines d’années, l’inflation galopante détériorait
le pays et en particulier les revenus des travailleurs. Sous le gouvernement
de Cardoso, la moyenne annuelle de l’inflation était encore de 12,53% ;
aujourd’hui, elle est seulement de 2,8%. Ceci explique pourquoi les articles
de première nécessité sont meilleur marché aujourd’hui et c’est la raison de
la stabilité économique actuelle et de l’accroissement des revenus de la
population la plus pauvre. Sur 100 personnes qui étaient dans la misère, 19
sont passé dans la catégorie au-dessus, celle de la basse classe moyenne.
La dette avec le FMI sous le régime de Cardoso était de 14,7 milliards
de dollars US ; aujourd’hui, elle a été réduite à zéro. Enfin, on n’a plus
de missions du FMI qui viennent mettre leur nez dans nos comptes et nous
imposer leurs règles pour nous dire ce que nous devons faire ou ne pas
faire.
Le gouvernement de Cardoso a investi 17 milliards de dollars US dans
le développement ; celui de Lula, 23 milliards. La Banque Nationale pour le
Développement des petites et moyennes entreprises avait investi à peine 4
millions de dollars contre 6,5 milliards avec le gouvernement actuel. Les
prêts pour l’achat d’une maison se sont élevés à 800 millions de dollars
sous le gouvernement antérieur et avec l’actuel ils ont été de 2,4
milliards. Le PIB a crû de 2,3% durant toute la gestion de Cardoso et il a
augmenté de 2,6% par an pendant la période de Lula. Les intérêts pour les
prêts sous le gouvernement antérieur étaient de 25% par an ; ils sont à
présent de 14,25%. Le montant des crédits pour l’agriculture familiale ont
augmenté de 2,4% durant les huit années de Cardoso et de 6,1% pendant les quatre
ans de Lula. Le gouvernement actuel a investi 3,7 milliards de dollars pour
la récolte de canne à sucre 2005-2006 et 4,5 milliards dans celle de
2006-2007 ; celui de Cardoso n’investissait que 1,2 milliards chaque année.
Le salaire minimum a augmenté de 20,6% dans la gestion antérieure ; il
augmente à présent de 25,3% avec un profit réel de 25,7% en
trois ans. Avec le salaire minimum on pouvait acheter seulement 1,3 paniers
de base, maintenant, on peut en acheter 2,2. Le gouvernement d’avant donnait
en moyenne 11 dollars par mois aux familles les plus pauvres ; le
gouvernement actuel du PT, grâce à la "Bourse Familiale", assure 30 dollars
mensuels en moyenne à plus de 11 millions de famille, favorisant ainsi 40
millions de personnes.
Aujourd’hui, le programme de Santé de la Famille touche 70 millions de
familles ; durant le gouvernement antérieur, elles étaient moins de 55
millions. Dans les régions semi-arides on a construit depuis quatre ans 152 mille
citernes pour capter l’eau de pluie, alors que dans la période antérieure
aucun investissement n’avait été fait dans ce secteur si important. Le
Programme pour la Jeunesse attribue 45 dollars Us par mois à 93 mille
étudiants de 18 à 24 ans ; dans la période précédente, il n’existait aucun
programme semblable.
Depuis la découverte du Brésil par Pedro Alavares Cabral, cela fait cinq siècles,
et jusqu’en 2002, les gouvernements brésiliens ont protégé 40 millions
d’hectares, alors qu’entre 2003 et 2006, ce sont plus de 19,6 millions
d’hectares de nos bois et de nos forêts qui ont été protégés.
La mortalité infantile dans les populations indiennes était de 55,7
pour mille, elle est aujourd’hui de 21,6 pour mille. Pour l’alimentation
scolaire, pour les repas de midi, le gouvernement de Cardoso a dépensé 400
millions de dollars, le gouvernement actuel 450 millions de dollars. Le
Brésil attirait quelques 4 millions de touristes par an pendant la période
de Cardoso ; ils sont aujourd’hui près de 5 millions.
Le gouvernement de Lula a distribué près de 7 millions de livres
scolaires aux élèves du primaire et du collège ; le gouvernement de Cardoso,
aucun. Le Programme « Lumière pour tous » d’électrification rurale bénéficie
actuellement à 3 millions de personnes alors que sous le gouvernement de
Cardoso il ne touchait que 2 700 personnes. De plus, le pays subissait
de nombreuses coupures de courant par manque de politique énergétique. Le
gouvernement précédent a privatisé des entreprises publiques pour une valeur
de près de 45 milliards de dollars ; le gouvernement du Parti des
Travailleurs n’a jamais aliéné la moindre parcelle du patrimoine public.
Tous ces chiffres et ces renseignements sont tirés des statistiques
officielles des ministères, des journaux et surtout de l’enquête effectuée
par le Département des Sciences Politiques de l’Université de Sao Paulo
concernant les politiques publiques du Brésil.
Par Frei Betto
* Carlos Alberto Libânio Christo ou Frei Betto est dominicain. Il est l’une des grandes figures de la théologie de libération, et a connu à plusieurs reprises la prison, déjà au temps où il dirigeait le mouvement catholique étudiant puis en tant que journaliste et syndicaliste. Cofondateur du syndicat CUT avec Lula da Silva qui en a fait son conseiller au début de son mandat. Frei Betto a par la suite quitté ses fonctions de conseiller en désaccord avec la politique menée. Outre ses témoignages et ses essais, il a publié en 1999 un premier roman policier, Hôtel Brasil.
Source : ALAI, América Latina en Movimiento - 28/10/2006