Débats inoffensifs et banalisation du politique

 | Par Valéria Nader

Les débats qui opposent les candidats au cours des périodes préélectorales sont, théoriquement et historiquement, des espaces dans lesquels chacun s’expose de manière plus véridique, étant donné qu’il est confronté en direct à son rival. Contrairement au programme Horário eleitoral gratuito [spots électoraux] sujets à la mise en scène et, par conséquent, à la manipulation.

Ces espaces consacrés à l’échange d’idées et à la présentation de projets ont été banalisés, et, depuis un certain temps déjà, sont soumis à l’emprise croissante de la pensée unique. Si l’intensification de la tendance observée durant la période préélectorale actuelle n’est pas en soi une grande surprise, elle est néanmoins affligeante et constitue un acte de profond irrespect envers la citoyenneté.

Les candidats arrivés en tête des sondages, au niveau de l’État fédéral ou des États fédérés, ont refusé de participer aux débats. Quant aux candidats qui ont accepté, ils n’ont rien fait d’autre que reproduire le comportement typique du programme Horário eleitoral gratuito, sans en ressentir la moindre gêne. Quand ils sont apostrophés par leurs adversaires, ils ignorent, dans la plupart des cas, le contenu des questions, regardent les caméras d’un air solennel promettent, de la manière la plus véhémente et protocolaire qui soit, des améliorations en matière de santé, éducation, transport, environnement, sécurité publique etc.

Le dernier débat entre les candidats au poste de gouverneur de l’État de São Paulo, organisé par la chaîne de télévision Rede Bandeirantes, est emblématique de ce phénomène. Les platitudes et trivialités répétées avec insistance par les candidats de l’État le plus riche de la nation, dont les noms sont connus au niveau national et qui possèdent une longue expérience de l’arène politique, ont été à l’origine d’un moment détestable pour les électeurs.

Aloísio Mercadante, le candidat du parti au gouvernement, avait la possibilité d’utiliser des chiffres afin de justifier le bilan du dernier mandat présidentiel. Il l’a fait : il a cité sur un ton éloquent des données relatives à la croissance économique nationale - dont on sait pourtant qu’elle est inférieure à celle d’autres pays émergents, dans un contexte de forte effervescence mondiale -, à la diminution de la dette extérieure - dont les impacts négatifs sur la dette intérieure et le budget alloué aux autres postes ont été démontrés -, à la diminution de la misère et à ses conséquences sur la répartition du revenu national - ces conséquences ont été mises en cause par divers économistes dont les analyses ont déjà été publiées dans ce journal -, à la construction de logements sociaux, entre autres. Le candidat du PSOL, Plínio de Arruda Sampaio, lui a rétorqué qu’il ferait mieux de parler de l’immensité des tâches à accomplir plutôt que de citer ce qui a déjà été fait.

Sans nier l’importance des thèmes évoqués par les divers candidats, adopter une pensée logique, centrée sur la structure fédérative de notre République, et, inspirée par un sentiment supérieur de la Nation, revient à démolir l’édifice fragile des données et promesses citées. Étant donné les contraintes imposées par la Loi de Responsabilité Fiscale aux États, étant donné la dépendance de l’Union en termes de revenus, comment bouleverser de manière si radicale le cours des unités fédératives d’un pays qui reste tristement prisonnier du FMI, même après s’en être détaché formellement ? Comment augmenter les investissements dans l’éducation, la santé ou les infrastructures si, en 2005 uniquement, les dépenses dans l’éducation et la santé n’ont pas dépassé, respectivement, 9% et 18% de la somme ahurissante de 160 milliards dépensés pour le payement des intérêts ? Comment résoudre la crise de la sécurité publique, qui est liée à une profonde crise sociale, si au lieu de renforcer les programmes structuraux comme la réforme agraire (en dépit de la promesse de l’établissement de 400 000 familles formulée dans le 2e plan national pour la réforme agraire, seulement 90 000 ont été installées jusqu’en 2005, d’après les études menés par le géographe Ariovaldo Umbelino de l’Université de São Paulo), on ne s’intéresse qu’à des programmes comme Bolsa Família, lesquels sont des palliatifs nécessaires mais n’ont aucun effet pratique sur les capacités futures des bénéficiaires ? L’action du PCC à São Paulo est un parfait exemple de l’absence de politiques publiques dans un pays dans lequel le développement du capitalisme ne respecte plus les institutions.

« Je crois qu’il est clair pour ceux qui ont assisté au débat entre ceux qui se disputent le gouvernement de l’État de São Paulo, qu’il existe une forme de consensus entre les candidats afin de ne pas aborder les questions fondamentales pour le Brésil. Plínio de Arruda Sampaio a parlé tout seul ». Les propos du lecteur du Correio da Cidadania qui a regardé le débat, démasquent et déchiffrent avec précision la mise en scène politique préélectorale de cette année 2006.

L’examen de cette mise en scène peut, réellement, amener à confirmer le constat du sociologue Francisco de Oliveira : l’insignifiance de la politique dans la vie nationale, dont les origines résident dans la moindre capacité de décision des gouvernements nationaux (la politique économique est dictée de l’extérieur) et dans la moindre représentations des classes sociales au sein des partis politiques. L’apathie des électeurs ainsi que leurs choix, effectués, sur des critères personnalistes, à partir d’affinités personnelles avec un candidat, sans aucune notion de son positionnement dans le spectre politique - ceci a été démontré par différentes enquêtes électorales -, sont à la fois la démonstration et la conséquence inévitable de ce constat.


Par Valéria Nader, économiste - Correio da Cidadania

Traduction : Anaïs Fléchet pour Autres Brésils - 14/09/2006


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