De l’éducation, du racisme et de la misère

 | Par Douglas Belchior

L’éradication de la pauvreté dépend essentiellement de la rupture avec les intérêts du grand capital, représenté au Brésil par une élite raciste et pétrie de préjugés.

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Auteur : Douglas Belchior - professeur d’Histoire et membre du Conseil Général de UNEafro-Brasil

Source : Brasil de Fato - 01/11/2011

Traduction : Etienne Bouchard pour Autres Brésils


La présidente Dilma Rousseff a fait du combat contre la misère la priorité de son gouvernement. L’importance du problème génère des attentes, notamment parce qu’il va de soi que le combat contre la misère exige quelque chose de plus que des politiques compensatoires superficielles des actions gouvernementales de ces dernières années.

L’éradication de la pauvreté dépend essentiellement de la rupture avec les intérêts du grand capital, représenté au Brésil par une élite raciste et pétrie de préjugés, formée de grands propriétaires terriens, de chefs d’entreprises de l’agroindustrie, de banquiers, de spéculateurs financiers, de grands médias et d’entreprises multinationales de différents secteurs. C’est pourquoi seul un changement structurel dans les relations politiques, sociales, raciales et économiques serait capable de combattre efficacement les inégalités.

Pauvreté et analphabétisme

Nous ne pouvons pas permettre ou tolérer des restrictions de budget ou d’investissements publics dans les domaines sociaux. Au contraire, nous devons exiger une expansion de ces investissements, en considérant toujours le poids de la variable « race » dans la structuration des inégalités sociales au Brésil. Pour cela, il suffit d’analyser les données du recensement 2010 de l’IBGE, selon lesquelles environ 16,2 millions de Brésiliens vivent en condition d’extrême pauvreté. Parmi eux, plus de 70% sont Noirs.

Déjà, l’Enquête Nationale par Échantillonnage des Ménages (PNAD – Pesquisa Nacional por Amostragem de Domicílios) publiée fin 2010 a montré que le Brésil compte 14 millions d’analphabètes. Une fois encore, on remarque que la population noire se situe parmi les plus oubliés dans l’accès au droit à l’éducation.

Ceux qui arrivent à dépasser le stade de l’analphabétisme doivent ensuite relever des défis innombrables pour terminer leurs études secondaires, avoir accès à des formations techniques et surtout entrer dans des universités. Même avec le ProUni (Programme Université pour Tous) et l’Enem (Examen National de l’Enseignement Moyen – équivalent du Baccalauréat) comme voie privilégiée d’accès, les couches les plus pauvres sont restées en marge de ces opportunités du fait du manque de préparation prévue et adéquate et de la limitation des programmes eux-mêmes. Ce sont des formations communautaires qui comblent le vide laissé par l’abandon de l’État dans tout le Brésil dans les cours de préparation au bac (cursinhos). Dans le cas de l’UNEafro-Brasil, plus de 2 000 jeunes issus des écoles publiques s’organisent en 42 groupes, combinant les études et la lutte en faveur de l’éducation publique. Une politique efficace de combat contre la misère sera-t-elle possible sans des actions dirigées vers la population noire ?

Loi 10.639/03 et PNE

Le racisme est constitutif du capitalisme brésilien. C’est une idéologie de domination sans laquelle l’élite brésilienne ne se maintiendrait pas. Ce contexte explique, en partie, le fait que la loi 10639/03 (altérée par la loi 11645/08), malgré son approbation historique et très célébrée, soit restée lettre morte. Finalement, son intention est justement de contribuer au dépassement des préjugés et attitudes discriminatoires par le biais de pratiques pédagogiques qui intègrent l’étude de l’influence indigène et africaine dans la culture nationale.

Il est nécessaire de faire en sorte que le Plan National d’Éducation (PNE), qui est à nouveau débattu, envisage la nécessité de radicaliser l’application des lois 10639/03 et 11645/08. Et plus que cela. En ces temps de revendication pour l’augmentation des investissements dans l’éducation de l’ordre de 10% du PIB, UNEafro-Brasil propose une mesure parallèle : l’obligation d’attribuer, au minimum, 10% des ressources de l’éducation des municipalités, des états et de la fédération à l’application des lois 10639/03 et 11645/08. Il faudra aussi instaurer des punitions sévères aux gestionnaires publics qui ne les respecteront pas.

L´éducation, dans un sens élargi, est tout ce qui entoure et forme l’individu, que cela soit à l’école proprement dite, dans le cercle familial, dans les différents espaces sociaux. Et aujourd’hui, plus que jamais, à travers les médias, notamment la télévision, la production culturelle (surtout la musique) et les réseaux sociaux d’internet. Cette réalité nous pose le défi de penser à une reformulation radicale de l’éducation brésilienne, non seulement en ce qui concerne les ressources, mais aussi le modèle éducationnel, les valeurs et les méthodes.

Au Brésil, les Afro-Brésiliens représentent 51% de la population (IPEA). Face à cette réalité, il est bon de se rappeler les paroles du maître Kabengele Munanga : « Pour qu’une personne puisse s’affirmer comme être humain, elle doit connaître un peu de son identité, de ses origines et de son histoire ».

10% du PIB pour l’éducation

Il n’est pas possible d’imaginer un développement durable et socialement juste dans une société qui ne donne pas la priorité à l’éducation, qui ne valorise pas les professeurs et ne démocratise pas son accès. Surtout, il est nécessaire de mettre un terme au modèle néolibéral d’éducation qui malheureusement avance à grands pas dans notre pays. Nous exigeons 10% du PIB pour l’investissement dans une éducation de qualité, gratuite, populaire, laïque, contre le racisme, le machisme et l’homophobie.

Publié originalement dans l’édition 451 de Brasil de Fato.


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