Davi Kopenawa : le terme « changement climatique » signifie « vengeance de la Terre ». Une interview du leader politique autochtone pour Sumaúma

 | Par Sumaúma

Dans une interview exclusive à SUMAÚMA, le leader politique Davi Kopenawa dit son espoir d’un Lula avisé capable de protéger l’Amazonie : « Dans le passé, il s’est trompé. Je ne veux pas qu’il nous trompe à nouveau ».

Le nom de Davi Kopenawa a été annoncé dans la composition de l’équipe de transition qui discutera de la création du ministère des Peuples originaires, promesse de campagne du président élu, Luiz Inácio Lula da Silva. Grand leader politique des Yanomami, qui occupent depuis des millénaires la forêt amazonienne entre le Brésil et le Venezuela, Davi est une référence pour les peuples autochtones du monde entier.

Traduction : Philippe Aldon pour Autres Brésils
Relecture : Du Duffles

Dans sa confrontation avec les envahisseurs de ses terres, aucune trace de corruption ne figure. Ni par appât du gain, ni par vanité, affliction dont souffrent quelques leaders autochtones lorsqu’ils accèdent au monde insidieux des Blancs - ou napëpë en langue yanomam, mot également traduit par « ennemi ». Davi est resté fidèle à ses ancêtres, à ses aînés, à la cosmopolitique chamanique, ce qui fait de lui un arbre très solide dans le monde complexe qui réunit, sous le mot « indigène »’ [1] imposé par les colonisateurs, plus de 300 peuples aux cultures très diverses au Brésil. Le chaman se présente à l’équipe de transition avec beaucoup d’espoir, mais aussi avec toute la mémoire :

"Dans le passé, Lula s’est trompé. Il est désormais plus âgé, peut-être est-il plus avisé. Peut-être Lula a-t-il ouvert sa pensée. Mais personne ne sait ce qu’il cache dans son cœur. Je ne veux pas qu’il nous trompe à nouveau".

Radical dans son engagement envers la parole, qui, dans la pratique politique acquise, ne peut être sacrifiée au nom des intérêts, la vérité pour Davi Kopenawa n’est pas négociable. C’est de cette droiture qui n’admet pas une « bouche qui dit des mensonges » que proviennent les réponses de l’intellectuel de l’Amazonie dans cet entretien réalisé en langue yanomami par l’indigéniste et anthropologue Ana Maria Machado (et traduit par elle) à la demande de SUMAÚMA. Auteur, avec l’anthropologue français Bruce Albert, de La chute du ciel (Collection Terre Humaine-Plon-2010), ouvrage qui représente un tournant dans l’anthropologie, Davi sait qu’il s’adresse à ceux qu’il appelle les « gens de la marchandise ». Observateur attentif des débats sur le climat auxquels il assiste sur les scènes du monde entier, il pense que Lula ne bougera que si les pays économiquement plus riches, notamment les Européens, exercent une forte pression et financent la protection de l’Amazonie.

Davi Kopenawa est également un compétent traducteur des mondes. Il peut ainsi traduire le monde blanc pour les Yanomami et nous rapporte également, dans cette interview, les messages que lui ont transmis les xapiripë [esprits auxiliaires des chamans]. Il traduit également l’appel au secours d’un vieux chef, qui ne connaît pas le monde des Blancs au-delà de l’horreur de la destruction de l’orpaillage illégal qui dévore toute vie dans son village. Avec l’invasion de leur territoire par des milliers d’orpailleurs, le contexte actuel est pire que tout autre dans l’histoire de la brutalité vécue par les Yanomami depuis leur premier contact avec les Blancs dans la première moitié du XXe siècle : le crime organisé, engagé avec des armes lourdes, embrigade les jeunes autochtones.

Le leader yanomami espère que l’expulsion des envahisseurs du territoire de son peuple sera la première action du président dès sa prise de fonction le 1er janvier [2]. Selon lui, pour que la victoire de Lula devienne possible dans une course aussi serrée avec l’extrémiste de droite Jair Bolsonaro, il a fallu un effort conjoint des chamans le 30 octobre, date du second tour de l’élection. Il lance également un appel aux lecteurs pour qu’ils cessent d’acheter de l’or, l’or maculé du sang des Yanomami et d’autres peuples originaires, l’or qui détruit la vraie richesse, celle la forêt elle-même, pour donner de la valeur au métal transformé en marchandise ordinaire.

Lire, ci-dessous, la parole de Davi Kopenawa.


ANA MARIA MACHADO : Maintenant que Lula a remporté les élections, qu’attendez-vous du nouveau président ?

DAVI KOPENAWA : Je vais expliquer aux napëpë [napë = blanc, ennemi, étranger + pë = pluriel] ce que nous, communauté de Watorikɨ, pensons. Nous avons appris que celui qui a été président va revenir au pouvoir, alors voilà ce que nous disons : « Cette fois, peut-être est-il plus avisé. Dans le passé, il s’est trompé, mais maintenant peut-être pense-t-il correctement, et je veux donc qu’il devienne un véritable président. Je ne veux pas qu’il nous trompe à nouveau. Il va redevenir le président et il va vraiment protéger nos terres. Il viendra à notre rencontre et réfléchira à notre situation. S’il nous défend, nous serons contents de lui. »

Que se passe aujourd’hui en Terre Indigène (TI) Yanomami et que Lula doit résoudre de toute urgence ?

Aujourd’hui, le discours des anciens, des leaders yanomami, est empreint de souffrance. Etant le seul à fréquenter la ville, je peux transmettre leurs mots. Tout va très mal sur nos terres, les orpailleurs y apportent l’horreur. Lula devenu président, on doit commencer par les expulser, les déloger vraiment. Je ne dis pas cela sans raison mais parce que nous vivons un véritable chaos. Pourquoi cela ? Parce qu’ils ont ensablé les rivières, parce qu’ils les ont polluées et parce que les eaux sont devenues particulièrement troubles là où il n’y a qu’une seule rivière qui coule. Ils ont saccagé les naissances des rivières qui prennent leur source dans nos montagnes. Ceux d’entre nous qui vivent près d’un site illégal d’orpaillage souffrent de la faim. Les orpailleurs n’arrêtent pas d’arriver. Nous [les Yanomami] échangeons entre les différentes parties de notre territoire, nous communiquons par radio. Un parent plus âgé de la région de Xitei, qui me considère comme son fils, m’a dit que la situation là-bas est calamiteuse. Il a dit que les personnes âgées comme lui sont fatiguées de voir continuellement arriver des orpailleurs, de les voir continuellement travailler dans l’eau, de les voir continuellement souiller l’eau. Et il n’y a pas que ça : ils sont très en colère à cause des armes à feu. Ceux des Yanomami les plus candides ont dit que les orpailleurs pouvaient venir avec des armes. Et donc, ces gens, qui détruisent la forêt, ont des armes lourdes. Ces armes n’ont rien à voir avec des flèches et les orpailleurs distribuent des revolvers. Ils traitent les plus jeunes yanomami comme s’ils étaient des leaders, ils les trompent en leur disant : « Prends une arme ! Si tu es armé, tu seras notre ami. Si tu es contre nous, tu n’auras pas d’arme ». En tenant de tels propos aux jeunes yanomami, les orpailleurs ont fait augmenter le nombre d’armes les amenant à s’entretuer. Ce père de Xitei m’a expliqué : « Si nous n’étions pas en train de nous entretuer, je n’aurais pas besoin d’être ici à expliquer. Mon fils, va dire cela à celui qui est devenu le leader [président]. Dis-lui de chasser les orpailleurs qui travaillent sur nos terres. Dis-le -lui. Tu connais les chefs des napëpë, demande-leur de faire ça, de nous débarrasser de ces gens qui sont sur nos terres, de les emmener loin d’ici. » C’est ce que mon père m’a dit, et que je transmets. C’est pourquoi j’exige : Lula, ne commence pas par travailler sur les terres des Blancs. Commence par débarrasser nos terres des orpailleurs. Lula, maintenant, tu es le président et tu siégeras en janvier au Palais du Planalto. Ce jour-là, commence par faire partir les orpailleurs.

C’est ce que je voulais vous dire, à vous les Blancs. Et je ne dis pas ça pour rien. Je ne veux pas rester ici à souffrir pendant qu’ils prennent mon image [en me filmant]. Ce que je revendique est réel ; la terre contaminée s’étend de toutes parts. C’est parce qu’il y a trop de malaria, la malaria non contrôlée arrivée avec l’orpaillage ; c’est parce que nos femmes souffrent trop ; c’est parce que sur les hauts plateaux, où il n’y a plus de gibier, l’esprit de la faim, Ohinari, s’est rapproché. Connaissant le nouveau président, je vais lui parler, le responsabiliser : "Quand tu as fait ton discours, je t’ai écouté. Nous avons tous gardé tes mots en tête. Nous, les autochtones et aussi les napëpë, nous avons tous écouté tes paroles sur nos téléphones portables. Nous ne voulons pas rester à souffrir avec nos pensées au cas où tu mentirais. Que ce que tu as dit lors d’une réunion devienne réalité, à savoir que si tu redevenais président, tu protégerais les populations autochtones qui souffrent au Brésil. Je ne veux pas qu’ils continuent à détruire la forêt que vous, les Blancs, appelez Amazonie. Donc, Lula, ce que je te demande, c’est que tu commences par faire ça.

C’est vrai. Lula a déclaré qu’il n’accepterait pas l’orpaillage en terres autochtones.Mais dans les années 1990, lorsque vos parents les plus âgés sont morts lors de la première invasion d’orpailleurs de diamants [1986-1993], lorsque l’opération « Jungle libre » a fait partir 40 000 orpailleurs, à l’époque, il n’y avait pas de crime organisé ou de milices impliquées et les jeunes yanomami n’étaient pas embrigadés comme ils le sont maintenant. Aujourd’hui, le trafic de drogue ainsi que les évadés de prison y sont investis. Ils ont des armes lourdes et des bombes. Cela ne sera-t-il pas bien plus difficile de faire partir les orpailleurs aujourd’hui ? Les jeunes yanomami embrigadés opposeront-ils une résistance ? Même si nous avons maintenant Lula au gouvernement, sera-t-il possible de mettre fin à l’orpaillage illégal ?

Il est vrai qu’aujourd’hui la situation est très dégradée, il y a beaucoup de choses qui se mélangent. Les napëpë ont apporté de la drogue, de la cachaça et même de la cocaïne. Les orpailleurs travaillent sous l’empire de tout cela, drogués. Les hommes sniffent de la cocaïne et désirent nos femmes. Comme ils ne sont pas accompagnés des leurs, à sniffer de la cocaïne leur pensée s’altère, ils s’engaillardissent et se disent : « Puisque je suis drogué, je n’ai pas peur. Comme je n’ai plus peur, je fais appel aux femmes yanomami, je leur bouffe le vagin et leur fais des enfants ». Aujourd’hui, ces orpailleurs ont aussi des mitrailleuses et des bombes et ils déclarent : « Si on veut nous expulser, même si c’est la police fédérale, nous les tuerons ». Et en plus de cela, répandu partout, il y a aussi le mercure, utilisé pour séparer l’or. Tout cela est terrible. Le président Lula va leur ordonner de partir, mais peut-être ne l’écouteront-ils pas. Je n’arrête pas de penser à ça. Et je pense que c’est bien si tous les gens qui, au Brésil et en Europe, ceux qui veulent qu’il garde la forêt amazonienne debout et saine, lui disent de prendre soin de la forêt et lui donnent l’argent pour faire partir les orpailleurs. Si un front mondial est créé, dans lequel nous discutons tous ensemble, les autorités napëpë et nous, les autochtones, alors nous pourrons nous défendre, car nous, les autochtones, savons déjà comment nous battre. Ce n’est pas la terre des orpailleurs, et puisqu’ils ont causé l’horreur sur nos terres, en y apportant disgrâce et malheurs entremêlés, puisqu’ils ont fait souffrir les enfants de faim et puisque l’orpaillage tue les Yanomami par le mal des épidémies, par le mal de la faim dans les bassins des fleuves Uraricoera, Mucajaí, aux sources de la rivière Catrimani ainsi qu’à Homoxi, Xitei, Parafuri et Parima, nous devons nous battre.

Mais pour sauver la Terre-forêt, il faut aussi faire baisser le prix de l’or, il faut arrêter avec ça. Vous, napëpë, qui voulez de l’or, qui achetez de l’or, vous devez arrêter. Vous les marchands d’or, vous devez faire baisser le prix. C’est parce que l’or est cher que les chercheurs d’or envahissent continuellement mes terres. Toi, femme qui comprend notre langue yanomam, tu écriras et traduiras, et pour ceux qui captent mon image, quand j’apparaîtrai, quand vous entendrez mes paroles, prenez-moi au sérieux, admettez avec moi et avouez : « Oui, c’est vrai ! On se trompe. Nous ne savons pas respecter. Quand nous parlons de respect, nous sommes en train de mentir, nos bouches ne disent pas la vérité ». Voilà ce que je voulais vous dire.

Lorsque Lula est devenu président pour la première fois en 2003, il a modifié la réglementation des ONG, ce qui a entraîné la fin de l’Urihi-Saúde yanomami. Urihi avait réalisé un excellent travail en matière de soins de santé pour les Yanomami [entre 1999 et 2004] et était parvenu à éradiquer la malaria de leurs terres. Aujourd’hui, nous constatons que la malaria est hors de contrôle. Que doit faire le gouvernement en matière de santé des autochtones ?

Lula a commis des erreurs au début. Il était incapable de penser correctement. Et, c’est parce qu’il a commis des erreurs au début, que tout ceci est arrivé. Il a également réalisé [la centrale hydroélectrique de] Belo Monte, et ça c’était une grosse erreur. Il a détruit un grand fleuve sans raison. Il a également commis des erreurs en matière de santé des autochtones. Lula a commis une erreur sur la santé, sur la question du vivre bien et sainement, et tout s’est dégradé. Les médicaments ont cessé d’arriver, les employés de napëpë qui travaillent sur nos terres, comme les aides-soignants, les médecins et les dentistes, ont commencé à exercer dans la précarité, sans le matériel qui ne leur était plus envoyé. J’en sais quelque chose mais je garde ces mots pour moi. Quand Lula sera effectivement président, je veux en discuter étroitement avec lui. « Lula, tu me connais, tu dois améliorer la santé des autochtones. Il faut remettre de l’ordre dans la santé des autochtones, faire en sorte que les techniciens et les professionnels de la santé travaillent vraiment. » Sous le gouvernement de Bolsonaro, ce sont les politiciens qui choisissaient les coordinateurs de santé ; [avec Lula] moi et les conseillers locaux [représentants de l’ensemble de la TI Yanomami] nous allons nous concerter pour indiquer quelqu’un qui soit reconnu, qui soit amical et qui travaille bien avec nous, c’est seulement de cette façon que la santé s’améliorera. C’est ce que je veux dire à Lula. La santé étant une priorité pour que nous puissions vivre bien, pour que nos enfants grandissent bien, et considérant que nous sommes dans une situation pitoyable, je vais revendiquer ceci. Le président Jair Bolsonaro a massacré notre santé. Il nous a tués comme si nous étions des poissons.

Lula a dit qu’il allait créer le ministère des Peuples originaires. Qu’est-ce que vous en pensez ?

C’est vrai. Il a dit qu’il le ferait s’il devenait président. Et puisqu’il en a parlé, il y a aujourd’hui de jeunes femmes autochtones qui ont la connaissance des napëpë, qui savent agir comme des napëpë. Il y a aussi des jeunes qui savent se comporter comme les napëpë, qui savent utiliser les machines, les téléphones portables. Et puisque nous avons ces personnes qui savent travailler comme cela, je pense la chose suivante : "Awei, Président Lula, puisque tu l’as dit clairement, je l’ai bien gardé en ma pensée. Je pense que Joenia [Wapichana] qui a déjà l’expérience professionnelle en tant que députée fédérale pendant quatre ans, sait déjà comment se battre. En tant qu’avocate, elle sait déjà écouter les politiciens, et c’est pourquoi je voudrais que Lula lui propose le poste de ministre. Si Joenia accepte de devenir ministre des Peuples originaires, nous la soutiendrons, nous l’aiderons à assumer cette fonction. Le fait qu’une femme autochtone occupe ce siège nous apportera plus de sagesse. Nous en avons d’autres, comme Sonia Guajajara et Célia Xakriabá, qui viennent d’être élues députées. Joenia n’ayant pas été élue, je pense à elle, qui est très intelligente et sait déjà comment se battre. C’est donc ce que disaient mes rêves, et c’est pourquoi j’ai fait apparaître cette idée.

Nous, les napëpë, sommes le peuple de la marchandise et nous sommes en train d’anéantir les forêts et la planète. C’est pourquoi le monde s’inquiète de la crise climatique, et pour la contenir, nous devons conserver les forêts. Nous savons que vous avez la sagesse de le faire. Quel message auriez-vous à donner sur ce sujet ?
Tous les napëpë ne cessent de parler de la protection des forêts. Ils parlent du changement climatique, de la déforestation, de la pollution des rivières, du mercure, des maladies, de l’exploitation minière. Lula a donc prêté attention à ces questions. D’autres gens, les Européens, parlent du changement climatique, organisent des réunions. Mais ils ne font rien, ils n’ont rien résolu. Ce terme, « changement climatique », est pour moi quelque chose d’autre. J’appelle ça « la vengeance de la terre », « la vengeance du monde », c’est comme ça que je le dis. Les napëpë l’appellent « changement climatique », mais nous, les Yanomami, quand nous faisons du chamanisme, nous l’appelons « transformation du monde, rendre le monde invivable puisque les napëpë provoquent la révolte de la Terre. » Les napëpë ont mis le feu aux arbres ; la Terre-forêt est en colère, elle se venge, elle fait pleuvoir abondamment, elle a de grosses vagues de chaleur, à certains endroits il manque de l’eau et à d’autres il pleut trop, et d’autres encore ont froid. C’est parce que les gens ont dit cela, parce que nous avons continué à en parler, que Lula a ouvert sa réflexion. Ou plutôt : il a peut-être ouvert sa pensée. Nous ne savons pas ce qu’il cache dans son cœur. Ce que je cache dans mon cœur et dans ma pensée, ce que nous cachons aux gens, est un secret. Alors peut-être que Lula nous trompe encore. Si sa pensée nous trompe, il résoudra les petits problèmes, mais pas les grands. Mais si d’autres napëpë, ceux qui vivent de l’autre côté de l’océan [l’Europe], aident en offrant un financement important, peut-être que la pensée de Lula changera. C’est comme ça que je pense. Lula n’a pas grandi tout seul. Le peuple a relevé les mots de Lula, vous lui avez permis de s’installer dans ce fauteuil [de la présidence]. Aujourd’hui, il est plus âgé, peut-être est-il devenu plus sage.

Davi, vous m’avez dit que les chamans ont aidé Lula à être élu. Dites-moi comment c’est arrivé, s’il vous plaît.

J’ai demandé aux chamans qui vivent à Watorikɨ ainsi qu’aux autres chamans des autres maisons, comme Maxokapi, je leur ai demandé de faire cela [le chamanisme pour soutenir Lula]. Nous avons aidé Lula, nous l’avons soulevé : moi, Carlos, les jeunes chamans, Tenose, Valmir, Dinarte, Geremias, Pernaldo, Manoel. Lula était soutenu par le hutukara [ciel]. Puis les chamans m’ont demandé de dire à Lula :

"Awei ! Vous avez failli perdre. Si les esprits xapiripë [xapiri = esprit auxiliaire des chamans + pë = pluriel] n’étaient pas arrivés là-bas, vous ne seriez pas redevenu président. Vous ne les avez pas vus, ils étaient à Watorikɨ, et le 30, ils sont venus [chez vous]. Comme ils connaissent Brasilia, comme Davi connaît cette terre, nous, xapiripë, la connaissons aussi, nous avons regardé la carte, et du fait que nous y sommes arrivés, nous avons remporté la victoire."

Nous, chamans de deux communautés, avons travaillé pour cela. Nous avons inhalé du yakoana [poudre de l’arbre virola sp, utilisée par les chamans pour voir le xapiripë]. Nous sommes arrivés chez le grand shapiri, Omama, et nous lui avons dit :

"Awei ! Vous qui êtes de grands xapiri, qui connaissez le monde entier, qui connaissez toutes les terres, puisque vos yeux voient ces choses de l’intérieur et en surface, puisque vos yeux sont attentifs à tout ce qui se passe dans le monde, nous voulons élever Lula pour qu’il redevienne président, nous soutiendrons sa pensée. Nous maintiendrons notre pensée d’abord dans le ciel, dans le hutukara, et ainsi il s’élèvera [aura des chances de gagner l’élection]. L’autre, Bolsonaro, celui qui a la bouche pleine d’ignorance, si son camp le soutient et le soulève, nous allons beaucoup souffrir. Le président Jair Bolsonaro est terrible, et s’il gagne les élections, alors oui, nous allons souffrir. C’est un partisan de la dictature militaire, il ne se lie donc pas d’amitié avec la forêt. Il ne s’occupe pas des rivières et ne ressent pas de tristesse pour nous, les habitants de la forêt".

Donc, comme Omama a fait notre terre dans les premiers temps, il a écrit sur un papier l’expression « défenseur de la forêt », et c’est ce que nous, les chamans, avons décidé et dit : « Choisissons celui qui veut nous maintenir en vie en bonne santé, refusons le papier sur lequel est écrit le nom de celui qui ne veut pas de notre bien-être ».

Grâce à cela, nous, de Watorikɨ, avons atteint Lula, nous avons atteint Brasilia. Quand nous sommes arrivés, les napëpë ne nous ont pas vus, car nous sommes arrivés tout doucement. Calmement et lentement, nous avons atteint ses pensées.

"Awei ! Toi, Lula, puisque tu veux redevenir président, adosse-toi ici où Omama a adossé notre pensée. Si tu t’adosses ici, tu deviendras le président. Et si tu deviens président, nous voulons que tu penses à nous, en premier. Restreins ceux qui commettent toujours des horreurs, rapetisse-les. Arrête cette spirale du mal."

Voir en ligne : ‘Para mim, o termo mudança climática significa vingança da Terra’

Le leader politique Davi Kopenawa. Photo : Victor Moriyama/ISA

[1L’Assotiation De la Plume à l’Écran, partenaire d’Autres Brésils, apporte une explication sur la préférence du choix Autochtones, notamment dans le cadre de textes cadres internationaux traduits en français. Néanmoins le mot Indigènes, préféré par les lusophones et hispanophones, commence à être resignifié.<https://delaplumealecran.org/spip.p...>

[2Les Yanomami dénoncent l’invasion de la TI Yanomami par 20 milles orpailleurs, les menaces et les dommages environnementaux sur le territoire du Roraima ; le gouvernement Bolsonaro prétend légaliser l’exploitation de l’or sur les TI.

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