Covid-19 au Brésil : La santé des quilombolas. « si on dépend du gouvernement, on va mourir »

 | Par Alma Preta

Le ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, a déclaré publiquement que tous les quilombos du pays bénéficient de l’assistance du Système Unique de Santé (SUS) ; les quilombolas questionnent la présence et la qualité du service et craignent l’arrivée de Covid-19.

Photo : Du Amorim/A2Fotografia
Texte : Pedro Borges Edition : Simone Freire

« Avec le Covid-19, où est le gel hydroalcoolique ? Où sont les masques gratuits ? Si ça dépend du gouvernement, nous allons mourir », déclare Manuel dos Santos, du quilombo de Mumbaça, à Traipu (Alagoas). Cette déclaration est une réponse à la déclaration du ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, mercredi (18 mars).

Accompagné d’autres ministres et du président du Brésil, Jair Bolsonaro, il a déclaré en conférence de presse, que le Système Unique de Santé (SUS) était présent partout dans le pays. « Il n’y a pas de petite ville, pas de communauté quilombola [1] ou de communauté autochtone, qui n’aient pas le SUS. Nous pouvons avoir des difficultés, mais le système de santé va être du côté des 215 millions de Brésiliens », a-t-il déclaré.

L’arrivée du Covid-19 est cependant redoutée par les communautés quilombolas.

Habituées à ne recevoir des soins du SUS que sporadiquement, elles craignent que l’assistance médicale pour les quilombolas ne puisse pas faire face à la pandémie.

« Dans aucun des quilombos d’Alagoas jusqu’à présent, il n’y a eu de cas. Si l’épidémie arrive, nous mourons parce que, dans aucune communauté, elle ne peut être traitée ou prise en charge par des médecins », explique Manuel dos Santos.

La principale stratégie adoptée face à la pandémie a été de se refermer et d’éviter tout contact avec les zones urbaines, comme l’explique Kátia Penha, de Quilombo Divino, situé dans la municipalité de São Matheus (Espirito Santo). « Nous essayons de convaincre, surtout les plus âgés, de ne pas quitter le territoire. Les communautés qui pratiquent le tourisme communautaire et ethnique publient des notes indiquant que ce quilombo ou cette communauté ne reçoit plus de touristes », a-t-il déclaré.

Dans le Quilombo do Ivaporunduva (SP), les communautés ont même annulé toutes activités touristiques sine die pour éviter le regroupement des gens et le contact avec l’espace urbain, où la maladie prolifère. « L’argent, c’est bien, mais ce n’est pas tout. La santé passe avant tout. Après cette période, nous reprendrons le tourisme. Maintenant, tout le monde est uni contre l’épidémie », explique Setembrino da Guia, coordinateur du tourisme de Quilombo de Ivaporunduva.

Alma Preta a contacté le ministère de la Santé pour questionner le discours du ministre sur les remarques des quilombolas entendues dans le reportage, ainsi que pour savoir s’il existait des actions spécifiquement conçues pour cette population. Alors que nous achevons cet articles, nous n’avons reçu aucun retour d’information.

Echangeant avec le ministère des Finances concernant les impacts économiques sur les communautés quilombolas, nous avons été invités à dialoguer avec le ministère de la Citoyenneté. Alma Preta a demandé au ministère de la Citoyenneté et au ministère de la Femme, de la Famille et des Droits humains de prendre position sur la prise en charge des communautés quilombolas. Nous n’avons obtenu aucune réponse à nos questions.

La santé des peuples quilombolas

Selon l’article 196 de la Constitution de 1988 du Brésil, la santé est un droit pour tous et il est du devoir de l’État de garantir, par des politiques sociales et économiques, la réduction du risque de maladie et l’accès universel et égal à tous.

Bien qu’ils aient confirmé la possibilité d’une assistance du SUS aux communautés, les représentants des quilombolas au Brésil de différentes régions du pays critiquent la précarité du service et la nécessité pour eux de se déplacer dans les municipalités voisines pour recevoir une assistance.

Pour illustrer cette situation, Manuel dos Santos souligne que sur les quatre quilombos certifiés et reconnus dans la municipalité de Traipu, deux disposent de postes de santé et un seul a un agent sanitaire, dans la communauté de Mumbaça. L’infrastructure est insuffisante pour s’occuper de toutes les communautés, selon lui. « Des gens sont déjà morts faute d’ambulance pour les secourir », dit-il.

Celenita Berniere, de la communauté Remanescentes Quilombolas de Lajeado (Tocantins), dit avoir participé à des activités sanitaires dans le sud-est de l’état. Elle décrit la situation comme étant "très précaire" et "en train de s’aggraver". « Le médecin de famille ne va qu’une fois par mois dans l’une des cinq communautés. Les visites n’ont pas toujours lieu et la demande n’est pas non plus satisfaite », dit-elle. Celenita souligne la situation encore plus sensible dans les communautés de Baião à Poço Dantas, Lajinha et Lajeado, toutes situées au sud-est du Tocantins.

À São Matheus, au nord de Espírito Santo, l’assistance aux quilombolas est assurée en raison d’une action auprès du Ministère Public Fédéral, qui a obligé la municipalité à porter assistance aux communautés. Kátia Penha, de Quilombo Divino (ES), situé dans la municipalité de São Matheus, questionne la qualité du service fourni.

« Le SUS est présent mais incapable de faire quoi que ce soit. Pour un examen de santé, il faut aller en ville, pour faire une consultation, il faut aller à la capitale. Il n’y a pas beaucoup d’équipements spécialisés dans les municipalités voisines. Nous devons penser en tant que communautés de quilombolas, en tant que responsables : Quel type de SUS a-t-on dans les quilombos ?  » 

Depuis 2004, le gouvernement fédéral dispose d’un Comité technique sur la santé de la population noire, un groupe qui s’est formé au sein du ministère de la Santé et a publié en 2009 le document « Politique nationale de santé intégrale de la population noire ». En ce qui concerne les communautés quilombolas, le document souligne la nécessité de reconnaître et de respecter la médecine de chaque village et l’engagement du SUS dans ces espaces.

En 2006, le ministère de la Santé a garanti une augmentation de 50 % des montants transférés aux municipalités afin qu’elles puissent répondre aux demandes sanitaires des communautés quilombolas et de celles issues de la réforme agraire.

Un document publié par l’ONG Terra de Direitos signale toutefois le manque de connaissance et d’intérêt des maires pour accéder à cette ressource.

« Des études soulignent que les gestionnaires municipaux ne comprennent pas le principe d’équité du SUS, ne connaissent pas la politique spécifique pour la population noire et ne reconnaissent pas l’importance de l’augmentation de 50% des montants transmis par le gouvernement fédéral aux municipalités qui prennent en charge l’assistance aux communautés ».

Voir en ligne : Alma Preta

[1Communautés marronnes au Brésil. Ces communautés sont présentes dans différentes parties du pays, bien que leur identification (territoires et modes de vie) et reconnaissance soient une lutte politique constante pour leurs descendants.

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