Covid-19 au Brésil : la santé des employé·es des centres d’appels « Nous n’attendrons pas d’autorisation pour sauver des vies »

 | Par Passa Palavra

En dépit de toutes les directives médicales et sanitaires pour éviter des regroupements et les décrets du gouvernement brésilien établissant la fermeture des services non essentiels pendant la pandémie, les entreprises de télémarketing continuent à fonctionner normalement dans tout le Brésil. Almaviva, Atento, Teleperformance et d’autres grands centres d’appels externalisés se croient sur une autre planète : ils essaient de maintenir le fonctionnement de leur activité en ignorant ou en minimisant les témoignages des employé·es sur leurs collègues malades ou les contacts avec les personnes infectées.

Après une semaine d’incertitude et de désespoir, les employé·es des centres d’appels au Brésil commencent à agir de leur propre chef. Partout, la nouvelle se répand des « grèves sauvages » [1], par lesquelles les travailleurs et les travailleuses décident ensemble d’abandonner leurs activités.

Ces entreprises constituent un environnement idéal pour la contamination par le nouveau coronavirus. Là, des centaines de personnes s’entassent dans des salles mal ventilées et sont amenées à partager des équipements - sans parler de l’absence de moyens de prévention de base, comme le gel hydroalcoolique et le nettoyage régulier de l’espace de travail.

Le jeudi matin (19 mars), les employé·es du centre d’appels Fidelity implanté dans la ville de Lauro de Freitas, dans l’État de Bahia, ont abandonné leurs postes pour protester devant l’entreprise. Toujours à Bahia, il y a eu une manifestation à Feira de Santana [2] et à Salvador [3].

Toujours dans le Nord-Est du Brésil, des employé·es ont paralysé le centre d’appels Almaviva à Teresina, capitale de l’État du Piauí. C’est la plus grande entreprise de la ville, où des milliers de personnes sont concentrées dans le même bâtiment. Les employé·es ont appelé leurs collègues à les rejoindre. Le centres d’appels de Almaviva a également été le théâtre de mobilisations à Juiz de Fora, dans l’État du Minas Gerais, région Sud-est du Brésil, où des employé·es sont descendu·es dans les rues en chantant.

À Goiânia, capitale de l’État de Goiás, région Centre-ouest, la journée n’a pas été moins mouvementée. Les employé·es de BTCC-Oi[ BTCC est le principal centre d’appels des abonné·es de OI, l’une des quatre plus grande compagnies de téléphonie mobile au Brésil et l’une des deux principales en téléphonie fixe.]] ont fermé l’autoroute BR-153 en chantant "la quarantaine est la solution, la santé et la protection". La direction a accepté de recevoir une délégation d’employé·es pour négocier et a proposé de licencier ceux qui font partie du groupe à risque et d’avancer les vacances de celles et ceux qui le demanderaient. La revendication des employé·es pour contenir la pandémie était toute autre : suspendre le travail.

Toujours à Goiânia, l’entreprise Atento a été paralysée par ses employé·es, qui dénonçaient les persécutions contre celles et ceux qui parlent de santé au sein de l’entreprise : les superviseurs bloquent et excluent les employé·es des groupes de messages et éteignent les téléviseurs pendant les informations sur le Covid-19. En réponse, les cadres d’Atento ont demandé à la police de réprimer la grève.

À Sao Paulo, convocation à la grève.

Un appel à une grève générale des centres d’appels circule sur les réseaux sociaux : dans tout le Brésil, le vendredi 20 mars. À São Paulo, l’appel a déjà été rejoint par des employé·es des unités Almaviva, Atento, Teleperformance, LiQ et Contact Center. La demande porte sur la suspension immédiate des activités de l’entreprise en raison de la pandémie de Covid-19, avec maintien intégral des salaires.

En refusant de fermer, les entreprises mettent en danger non seulement la vie de leurs employé·es, mais aussi celle de toutes les personnes qui les entourent et, en fin de compte, de toute la population. Après tout, le virus prolifère de façon exponentielle. Il suffit de regarder ce qui s’est passé en Corée du Sud. Selon un reportage de la télévision Globo, le pays avait réussi à stabiliser la prolifération de l’épidémie de Covid-19 et le nombre de cas infectés avait commencé à diminuer.

Puis, la présence d’une seule personne infectée dans une seule salle d’un centre d’appels a eu un effet désastreux. Rien que dans cette entreprise, il y a eu 90 nouveaux cas et 200 autres suspicions ont été confirmées. Dans les jours qui ont suivi, le nombre officiel de décès est passé de 3 à 63. Toujours sur la scène internationale, au Portugal, le syndicat des employé·es de centres d’appel demande la fermeture de tous les centres d’appel de plus de 200 travailleurs, en avertissant qu’il existe des endroits où les employé·es partagent le même matériel (écouteurs et microphones). En réponse, outre la fermeture des centres d’opérations, les employé·es appellent à la mise en place du travail à distance et ont prévu une grève pour le 24 mars.

Au Brésil, l’attitude des patrons, qui persistent à maintenir un service non essentiel, comme le télémarketing, qui sert à vendre ou à fidéliser une clientèle, est soutenue par les syndicats des employé·es du secteur. Dans la plupart des États du Brésil, la position officielle des syndicats d’employé·e des télécommunications est de demander aux entreprises de veiller à l’hygiène dans l’espace de travail, sans toutefois exiger de quarantaine. C’est pourquoi, en règle générale, ces arrêts sont le résultat de la propre initiative des travailleurs et des travailleuses, qui n’attendront pas l’autorisation pour sauver des vies.

Voir en ligne : Passa Palavra

[1Expression dans le texte ; surement pour décrire la spontanéité et l’absence des syndicats

[2La première ville de l’État de Bahia où un cas du nouveau coronavirus a été confirmé

[3La capitale de l’État

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