Le Festival du cinéma brésilien de Paris, dont la 22e édition se déroule en ligne jusqu’au 24 juin, célèbre les 40 ans de Bye Bye Brasil (1980), film majeur de Carlos Diegues qui vient, quant à lui, de fêter ses 80 ans, dont soixante passés derrière la caméra. Cette œuvre de fiction souvent drôle tire prétexte de la tournée d’une petite troupe de saltimbanques pour documenter, l’air de rien, la réalité du Nordeste et d’une Amazonie alors très peu connue du peuple brésilien.
Nurit Bensusan, à l’initiative de cette programmation anniversaire, était adolescente quand le film est sorti. Elle se souvient avoir découvert alors son propre pays, et entrevu des problématiques qui n’agitaient encore qu’un tout petit milieu : « Celles de la déforestation et de l’avenir des populations indigènes, qui restent aujourd’hui sans réponse, en dépit du fait que le Brésil a connu un processus de démocratisation, une nouvelle Constitution et toutes sortes d’avancées. » À l’heure où son pays traverse une période politique des plus sombres, aggravée par une crise sanitaire qui le frappe de plein fouet, fêter les 40 ans de Bye Bye Brasil lui a paru d’une importance capitale. L’occasion de rappeler un temps où l’espoir prévalait et de rendre hommage au cinéaste Carlos Diegues, qui nous raconte le film depuis le Brésil où il vit.
Pour voir le film, accéder à la page de Jangada VOD
Accessible en VOD sur le site du festival, Bye Bye Brasil pourra y être vu gratuitement le dimanche 21 juin. Merci à Katia Adler, directrice du festival, pour ce cadeau d’anniversaire et à Sylvia Bahri pour son aide linguistique.
Dans quel contexte politique avez-vous réalisé Bye Bye Brasil ?
C’était en 1979. Le général Geisel, au pouvoir depuis cinq ans, avait engagé une politique d’ouverture (« a abertura ») que le général Figueiredo allait bientôt poursuivre. Les opposants de gauche étaient amnistiés, la censure assouplie dans la presse comme dans le monde de la culture, y compris dans le cinéma. On ignorait encore quel Brésil verrait le jour sur les cendres de la dictature militaire et l’on ne savait pas quand cela surviendrait, mais une espèce d’énergie était dans l’air. L’espoir d’un changement profond était là. En témoignaient films et pièces de théâtre. Le projet de Bye Bye Brasil s’inscrit dans ce contexte très particulier, en se présentant comme une ode au Brésil à venir.
Comment l’avez-vous conçu ?
J’avais déjà beaucoup voyagé dans les États du Brésil et je connaissais bien les régions où j’ai tourné. En revanche, je ne savais pas ce que j’allais y trouver en m’y rendant avec mon équipe. Le scénario que j’avais écrit avec Leopoldo Serran décrivait très précisément le parcours de nos personnages principaux. Ce mélodrame sentimental en forme de road-movie constituait pour ainsi dire l’épine dorsale du film. Il permettait d’accueillir ce que le hasard des rencontres allait nous proposer. Dans un road-movie, ce qui survient au bord de la route importe parfois plus que ce qui se passe au centre de celle-ci.
J’ai capté, pour l’intégrer au film, une partie de ce qui se présentait au fil du tournage, comme la vente des miracles, les Indiens sur la route, l’histoire racontée par le chauffeur du poids lourd, la fascination exercée par la télévision sur les populations, l’endroit où le jeune couple va s’installer à Brasilia à la fin du film… Autant de choses qui n’étaient pas présentes dans le scénario.
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