C’est l’une des rares images rendues publiques de la prison Vila Independência, à São Paulo : un entrelacs de hamacs forme une toile d’araignée où apparaissent, ici et là, le bras ballant ou la jambe d’un prisonnier. Dans les murs, on distingue le squelette de métal sur lequel est accrochée la structure en corde, qui fragilise celle du bâtiment. À défaut d’espace suffisant au sol pour les cinquante-quatre détenus qu’accueillent des cellules prévues pour douze, l’espace supérieur est envahi : un pis-aller adopté dans bien des prisons du Brésil, face à une surpopulation carcérale plus préoccupante que jamais. « Nous sommes au bord de l’implosion », reconnaît M. Thiago Joffily, promoteur de justice du parquet de l’État de Rio de Janeiro, chargé de la tutelle des prisons.
En vingt ans, le Brésil a vu sa population carcérale multipliée par sept : de 90 000 personnes en 1995 à 623 000 aujourd’hui. ce qui place le pays au quatrième rang mondial (voir « L’incarcération dans le monde »). Mais, alors qu’aux États-Unis, en Chine et en Russie — le trio de tête du classement — le nombre de prisonniers a baissé ces dernières années, ici il continue de croître. Malgré la construction de quelque 236 000 places ces quinze dernières années, il en faudrait encore au moins 250 000. « Nous considérons qu’il manque bien plus de places que cela, nous explique Mme Valdirene Daufemback, directrice du Depen, le département des politiques pénitentiaires au sein de l’administration fédérale. Une étude suggère qu’entre les détenus de longue durée et ceux qui sont restés seulement quelques mois, près d’un million de personnes ont été emprisonnées au Brésil en 2014. »