Brésil, le jour d’après

 | Par Eliane Brum

Si Bolsonaro menace la Cour suprême en pleine avenue Paulista le 7 septembre et que sa destitution n’est pas demandée, alors il a gagné et c’en est fini de la démocratie au Brésil.

Une analyse d’Eliane Brum, dont elle a autorisé la traduction.

Texte originellement publié le 08 septembre sur El País Brasil,
Traduction pour Autres Brésils : Philippe Aldon
Relecture : Du Duffles

La manifestation putschiste de Jair Bolsonaro, ce 7 septembre, prendra tout son sens dans les prochains jours. Si Bolsonaro utilise la machine de l’État pour menacer et déclarer, en pleine avenue Paulista, qu’il ne se conformera pas à la décision de la Cour suprême et que malgré cela rien ne lui arrive, le coup d’État progresse. Si Bolsonaro n’est pas tenu pénalement responsable et que la procédure de destitution ne sort pas du tiroir d’Arthur Lira (PP), président de la Chambre des députés, il gagne. C’est le seul jeu auquel Bolsonaro sait jouer. C’est l’histoire de Bolsonaro, qui teste toujours les limites et paie pour voir. Il a commencé à planifier des attaques terroristes alors qu’il était encore dans l’Armée et a continué à défier la loi et à compter sur l’impunité. Cela a bien fonctionné jusqu’à aujourd’hui. Tellement bien qu’il est devenu président de la République. Bolsonaro est une créature de l’omission et/ou de la connivence des institutions : le Pouvoir judiciaire et le Parlement.

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L’avenue Paulista était pleine. Est-ce une minorité ? Oui. C’est une bulle ? Oui. Qui a payé ? Nous devons le savoir. Mais de là à dire que c’est un fiasco, comme certains le disent, c’est aller un peu vite. Si, malgré tout ce qu’il a fait, Bolsonaro demeure impuni, le coup d’État progresse. Le proche avenir du Brésil ne sera pas, comme Bolsonaro l’a dit, déterminé par le 7 septembre mais par les jours qui suivent. C’est le moment de mettre une limite à Bolsonaro. Et finalement, bien tardivement, après 600 000 décès du Covid-19, après plus de 14 millions de chômeurs, après un nombre toujours croissant d’enfants et d’adultes souffrant de la faim et une inflation toujours augmentant. Soit c’est maintenant, soit nous aurons des jours mauvais, des jours bien pires.

Les jours seront bien pires, car Bolsonaro n’est pas capable de gouverner pour réellement s’attaquer aux problèmes du pays. Et il le sait. Il n’a aucune compétence ni vocation aucune pour l’emploi. Mais il ne laisse personne gouverner et travailler car il maintient le pays au service de sa haine. Au lieu de se demander comment faire face à la faim, à la misère, à l’inflation qui nous prive de nourriture, à l’expansion de la vaccination, à la crise de l’eau et à la destruction de l’Amazonie, nous discutons de la question de savoir si Bolsonaro réussira ou non à envahir le STF. Le pays doit cesser d’être otage.

Ce qu’il sait et fait très bien, et qu’il a très bien fait une fois de plus ce 7 septembre, c’est menacer, diviser et corrompre. Et il sait que la manipulation des haines et des rancœurs est son talent et son atout. S’il n’est pas empêché par la Constitution qu’il a déchirée en tribune, le Brésil arrivera en 2022 détruit, une grande partie de la population ne croyant plus au processus électoral. Et, convenons-en, comment pouvons-nous défendre la démocratie si celle-ci n’est pas capable d’empêcher un président d’utiliser son pouvoir pour dire qu’il ne se conformera pas aux décisions de justice ? La démocratie, pour quoi faire, si à un moment crucial comme celui-ci, il n’y a aucun moyen de confronter un président qui annonce un coup d’État sur la principale avenue du pays ?

Les jours seront bien pires, car si Bolsonaro constate qu’il peut faire fi de la Cour suprême et, le lendemain, tranquillement remonter la rampe du palais pour se livrer à ses jeux haineux sur les médias sociaux, alors que fera-t-il d’autre ? Il existe des instruments dans la Constitution pour faire barrage aux présidents putschistes et aux présidents qui menacent leurs opposants dans la population. Si le droit des Brésiliennes et des Brésiliens à être protégés par les institutions qui ont le devoir de faire respecter la Constitution n’est pas respecté, alors il n’y a plus de démocratie.
Dimanche prochain, le 12, la droite et les partis et groupes qui se présentent comme du centre, partis et groupes qui portent une grande responsabilité dans la situation actuelle du pays et dans l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro, appellent à une manifestation contre Bolsonaro. En fait, après tout ce qu’ils ont fait depuis qu’ils ont émergé dans l’horizon politique du pays, en particulier le MBL (Mouvement Brésil Libre), le moins qu’ils puissent faire est de demander la destitution de Bolsonaro. Ils le doivent à la population. Je pense que la gauche doit occuper cet espace, s’intégrer à la manifestation, même si elle a été appelée par la droite, et lever ses drapeaux. C’est le moment de se rassembler avec un seul objectif, celui de mettre en accusation Bolsonaro et de le tenir pénalement responsable du coup d’État. Prenez votre drapeau ou votre pancarte - et allez-y. Il n’est plus possible de se réveiller et de constater que Bolsonaro est toujours là. Nous avons un génocidaire au pouvoir qui utilise la machine étatique pour détruire la Constitution. Nous devons le destituer avec la force de la démocratie. Bolsonaro a une fois de plus tiré sur la corde. S’il n’est pas empêché, c’en est fini de la démocratie.

Voir en ligne : El Pais : dia seguinte

en courverture : Bolsonaro apparaît pendant les manifestations du 7 septembre, Fabio Rodrigues-Pozzebom Agencia Brasil

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