Le président brésilien Michel Temer a sauvé son mandat haut la main mercredi malgré sa mise en accusation pour corruption en obtenant une large majorité à la Chambre des députés pour empêcher l’ouverture d’un procès à son encontre.
La veille, Michel Temer affichait une étonnante sérénité, expliquant à des députés réunis pour un dîner être « confiant », et se posant comme simple « victime du banditisme contre lequel [il veut] lutter. » Comment expliquer ces confidences, alors qu’un an plus tôt, il récupérait justement ce poste suite à la mise à l’écart, puis la destitution, de Dilma Rousseff ? Quels sont les différents scénarios possibles ? « L’Obs » a interrogé Franck Gaudichaud, spécialiste de l’Amérique latine et maître de conférences à l’université Grenoble Alpes.
Comment Michel Temer fait-il pour tenir encore les rênes du pouvoir ?
Temer tient sa position - qui est pour certains illégitime, puisqu’il n’est président qu’à la suite de la destitution de Dilma Rousseff - grâce à des alliances parlementaires. Il s’appuie sur tout un arc conservateur, et en particulier sur plusieurs secteurs : celui lié à la terre, aux propriétaires terriens, celui lié aux évangélistes, et enfin sur le secteur de la sécurité. Il se repose donc sur un arc de force très hétérogène, mais assez stable. Cela lui permet d’afficher une grande confiance dans le fait qu’il ne sera pas empêché comme l’a été Dilma Rousseff. Il faudrait que deux tiers de la chambre basse soutienne le procureur général pour qu’il soit suspendu, d’abord temporairement et ensuite écarté définitivement, or cela semble peu probable.
Temer tient, dans son alliance, une grosse partie de la classe politique. Cette classe politique n’a qu’une crainte : que la chute de Temer n’entraîne, en cascade, celle de tout le monde. Il y a bien une sorte de jeu de dominos dans la politique brésilienne depuis quelques années. Il faut se rappeler que l’enquête de Lava Jato, qui a pris une telle importance aujourd’hui, a commencé avec des contrôles sur des stations-service ! Et, depuis, elle a touché tout le monde, car tous les secteurs semblent touchés, et avec eux des hommes politiques.
Aujourd’hui, on parle de Temer et de l’agronomie, avec JBS, ce géant industriel brésilien. Hier, Lula était condamné en raison de ses liens avec le secteur de la pétrochimie et Petrobras. Odebrecht, le géant de la construction, est également impliqué dans des cas similaires. Au total, on considère que pas moins de 12 milliards d’argent sale auraient été utilisés pour financer les partis politiques…