Brésil : Intoxications aux pesticides dans les zones rurales

 | Par Human Rights Watch

(São Paulo) – Des habitants de zones rurales du Brésil sont victimes d’intoxications par des pesticides qui sont aspergés à proximité de leurs domiciles, de leurs écoles et de leurs lieux de travail, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. De nombreuses communautés rurales craignent des représailles de la part d’exploitants agricoles riches et politiquement influents s’ils dénoncent ces intoxications ou plaident en faveur de lois et de règlements plus protecteurs.

Ce rapport de 50 pages, intitulé « “You Don’t Want to Breathe Poison Anymore” : The Failing Response to Pesticide Drift in Brazil’s Rural Communities » (« “On ne veut plus respirer de poison” : Réponse défaillante aux pesticides dans les communautés rurales du Brésil »), documente des cas de grave intoxication causés par des dérives de pulvérisation d’insecticides dans sept sites, répartis dans tout le Brésil, ayant affecté des communautés d’agriculteurs et des communautés autochtones ou quilombo (afro-brésiliennes), ainsi que des écoles rurales. Les individus sont exposés lorsque le nuage de pesticide pulvérisé dérive hors de la zone visée pendant l’aspersion, ou lorsque les pesticides s’évaporent et dérivent vers des zones voisines dans les jours qui suivent l’aspersion.

Le Brésil est l’un des principaux consommateurs de pesticides au monde, ce qui met en danger la santé des habitants de zones rurales gui vivent près de champs au-dessus desquels des pesticides sont régulièrement déversés par voie aérienne. HRW appelle à des mesures pour protéger la santé de ces personnes.

« Les pesticides aspergés sur de vastes plantations intoxiquent des enfants dans leurs salles de classe et des villageois dans leurs arrière-cours à travers les zones rurales du Brésil », a déclaré Richard Pearshouse, directeur adjoint de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch et auteur du rapport. « Les autorités brésiliennes doivent faire cesser cette exposition à des substances toxiques et assurer la sécurité des personnes qui dénoncent publiquement les dommages causés par les pesticides à leurs familles et à leurs communautés. »

Human Rights Watch a constaté que les membres de nombreuses communautés exposées craignent des représailles de la part de gros propriétaires terriens. Les membres de cinq des sept communautés rurales que Human Rights Watch a visitées ont affirmé avoir reçu des menaces ou craindre des représailles s’ils s’exprimaient publiquement au sujet des dérives de pulvérisation de pesticides qui, estiment-ils, les ont intoxiqués. En 2010, un agriculteur et activiste anti-pesticides a été tué par balles après avoir persuadé le gouvernement local d’interdire les aspersions aériennes cette année-là.

Les propriétaires de grandes plantations ignorent souvent une règlementation nationale de « zone tampon » qui interdit les aspersions aériennes de pesticides à proximité des habitations. Il n’y a pas de règle nationale équivalente de « zone tampon » pour l’aspersion au sol. Les données officielles sur les intoxications aux pesticides sous-estiment largement la gravité du problème. Le système gouvernemental de contrôle des résidus de pesticides dans l’eau potable et dans la nourriture est également défectueux.

Lors des graves intoxications aux pesticides, les victimes souffrent de symptômes tels que des vomissements, des nausées, des maux de tête et des vertiges pendant ou immédiatement après les aspersions de pesticides. En même temps, l’exposition chronique aux pesticides, même à petites doses, est associée à l’infertilité, à des effets néfastes sur le développement des fœtus, à des cancers et à d’autres graves effets sur la santé. Les femmes enceintes, les enfants et d’autres personnes vulnérables sont susceptibles de courir des risques plus élevés.

« J’avais un fort mal de tête, mal au ventre et la sensation que j’allais vomir », a déclaré une fillette de 10 ans qui va à l’école dans la municipalité de Cascavel, dans l’Etat de Paraná. « [L’instituteur] a dit ‘Sortons de la salle de classe car l’odeur est trop mauvaise.’ On nous a renvoyés chez nous plus tôt que d’habitude. Je suis rentrée avec des nausées, je me sentais mal, j’avais un fort mal de tête. Une fois à la maison, j’ai vomi deux fois. »

Le Brésil ne devrait pas autoriser les aspersions de pesticides par avion au-dessus d’habitations ou à partir de tracteurs à proximité des fenêtres de salles de classe, a déclaré Human Rights Watch. Comme mesure d’urgence, le Brésil devrait imposer un moratorium sur les aspersions aériennes et créer une zone tampon entre les surfaces à asperger à partir du sol et les sites sensibles.

Au cours des prochains mois, le Congrès du Brésil doit examiner un projet de loi visant à affaiblir davantage le cadre juridique relatif aux pesticides. Une commission parlementaire spéciale a approuvé ce projet en juin 2018 et la Chambre basse doit se prononcer lors d’un vote en session plénière avant que le projet ne soit transmis au Sénat.

Parmi ses nombreuses dispositions, ce projet de loi réduirait de manière substantielle le rôle des ministères de la Santé et de l’Environnement, les deux entités gouvernementales qui ont compétence pour apprécier les impacts de l’utilisation de pesticides. Le projet de loi propose également de remplacer le terme légal d’agrotóxicos (pesticides) par produtos fitosanitários (produits phytosanitaires), ce qui masquerait les dangers des pesticides pour la santé et l’environnement.

Le Brésil est l’un des plus gros consommateurs de pesticides au monde : les ventes annuelles représentent environ 10 milliards de dollars. Les énormes quantités utilisées sont stimulées par l’accroissement des monocultures à grande échelle du Brésil. Environ 80% des pesticides sont utilisés dans les champs de soja, de maïs, de coton et de canne à sucre. Beaucoup des pesticides utilisés au Brésil sont très dangereux pour la santé humaine. Sur les 10 pesticides les plus utilisés au Brésil en 2016, quatre ne sont pas autorisés en Europe, ce qui révèle bien combien les autres gouvernements les considèrent comme dangereux.

« Plutôt que d’affaiblir les lois, le Brésil a besoin de contrôles plus stricts et d’un plan national d’action visant à réduire l’utilisation de pesticides », a affirmé Richard Pearshouse. « Le Congrès devrait rejeter le projet de loi et, à la place, demander aux ministères compétents d’effectuer dans tout le pays une étude des principaux impacts des pesticides sur la santé humaine et sur l’environnement. »

Voir en ligne : Human Rights Watch

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