Au Pará, les assassinats continuent (1)

« Il est nécessaire d’aller au-delà de la mort. Derrière ne se trouve pas que le commanditaire, mais toute une structure qui n’implique pas seulement l’Etat du Pará, mais tout le Brésil » dit Dom Tomás Balduíno.

L’affirmation du président de la Commission Pastorale de la Terre (CPT) souligne les deux principales causes des crimes tels que l’assassinat de la sœur Dorothy Stang, Américaine naturalisée brésilienne, le 12 février à Anapu, Etat du Pará (PA). L’une est l’impunité traditionnelle des latifundiaires, l’autre est le manque de régularisation de la possession des terres. Selon la CPT, rien qu’en 2003, 73 personnes ont été assassinées dans les zones rurales, dont 33 dans l’Etat du Pará. Selon cette même source, au moins 25 pistoleiros (tueurs à gages) ayant déjà commis des crimes contre des activistes sont en liberté. En accord avec le président de la Fédération des Travailleurs Agricoles (Fetagri) de l’Etat du Pará, Antônio Carvalho, 759 cas d’assassinats de travailleurs ruraux et de leaders syndicaux ont eu lieu dans le Pará depuis 1964. Parmi ces cas, seuls 37 ont été jugés.

« La mort de la religieuse est le résultat de l’impunité », affirme le député fédéral Frei Sérgio Görgen (PT-RS). Selon lui, l’absence de jugement des commanditaires de ces crimes fait partie de l’histoire du pays. « Cela s’est également produit avec les Noirs, les Indiens et les métis », a-t-il comparé. Le résultat de l’impunité est la violence constante de la région.

DESORDRE

A peine trois jours après l’assassinat de sœur Dorothy, a été exécuté à son tour l’ex-président du Syndicat des Travailleurs Ruraux de Paraupebas (PA), Daniel Soares da Costa Filho. « C’est la certitude de l’impunité qui permet à ces crimes d’être à nouveau commis, malgré toute la répercussion internationale qui a suivi le cas de la religieuse », dit Antônio Carvalho. Costa Filho a été tué par balles et, d’après la police, était victime de menaces de la part des grileiros (usurpateurs de terres forestières publiques) et des négociants en bois de l’Etat du Pará. La police ne sait pas encore s’il existe une relation entre ce crime et l’assassinat de la religieuse.

« L’indéfinition de la question agraire dans cette région génère un climat de terreur » relate Tarcísio Feitosa de la CPT de Altamira (PA). Le missionnaire explique que, pendant la dictature, des exploitations ont été attribuées à des producteurs ruraux avec l’engagement de ces derniers de les transformer en entreprises agricoles en l’espace de 20 ans.

Durant les années 90, l’Institut National de la Colonisation et de la Réforme Agraire (Incra) a commencé à exiger les restitutions des terres à l’Union, après avoir constaté que les exigences n’étaient pas respectées. Feitosa mentionne que la majorité des terres avaient été attribuées de manière irrégulière et que les grileiros agissaient de connivence avec la Justice de l’Etat du Pará qui nie constamment les demandes de réintégration faites par l’Union, pour que les terres puissent être enfin destinées à la réforme agraire ou être transformées en réserves extrativistes ou indigènes.

TERRES PUBLIQUES

D’après Antônio Carvalho, de la Fetagri, le modèle défendu par sœur Dorothy était complètement opposé à celui développé par les grileiros et l’agrobusiness. « Elle défendait l’idée que les richesses devaient être exploitées de manière soutenue, alors qu’ils voulaient tout emporter une fois pour toutes », a-t-il expliqué. Il réitère : « Notre projet est de concilier l’agriculture familiale avec l’exploitation soutenue de la forêt ». Une autre initiative du gouvernement fédéral, par le biais de l’Incra, a été la création des Projets de Développement Soutenus (PDS), « assentamentos » (terrains issus de la réforme agraire) adaptés à la région amazonienne. Le sénateur Ana Júlia Carepa (PTPA) pense que ces projets, conjointement avec les homologations des réserves extrativistes, contrarient les grileiros de la région, « qui veulent à tout prix envahir les terres publiques ». Afin de parvenir à une solution, elle pense que la prise de conscience du gouvernement fédéral à l’égard de la spécificité amazonienne constituerait un premier pas. « Si des investissements ne sont pas effectués dans les infrastructures de la région, les politiques publiques ne seront pas réalisées de manière effective. Il faut que le gouvernement comprenne que l’Amazonie est un cas particulier », dit le sénateur.

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