Le « monstre » s’enfonce à travers les rizières et file lentement vers l’horizon. Sous un ciel orageux, avec ses 3 m de haut, le Chupa Cabra (« suceur de chèvres » en portugais) a de quoi impressionner. Mais ce gros tracteur, portant le surnom d’une créature de légende, sorte de vampire des champs latino-américain, est en réalité bien inoffensif. Il sert même une juste cause : la production de riz bio par le Mouvement des sans-terre brésilien (MST).
Ses grandes roues très fines lui permettent de ne pas écraser les tiges émeraude, émergeant des eaux métalliques du delta du rio Jacui, tout près de Porto Alegre. La récolte prévue pour février promet d’être bonne – au moins autant que celle de cette année : en 2020, 15 000 tonnes de riz sans pesticides ont été collectées par les paysans sans-terre du Rio Grande do Sul, catapultant le MST comme premier producteur du produit en Amérique latine.
Dans le « campement » de Nova Santa Rita, où vivent une centaine de familles, on est à des années-lumière de l’image éculée du MST. Dans cette « ferme modèle » du mouvement, point de baraques insalubres ni de paysans en guenilles : le long de petits chemins arborés s’alignent des maisons proprettes aux pelouses bien tondues, avec garage, piscine, caméras de surveillance et vue sur les rizières…
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