Le président Luiz Inácio Lula da Silva s’est rendu samedi matin à Roraima pour évaluer la situation sanitaire en Terre autochtone Yanomami, où 570 enfants de moins de cinq ans sont morts par absence de soins médicaux au cours des quatre dernières années, comme l’a révélé SUMAÚMA. Le ministère de la Santé a publié une ordonnance déclarant une urgence de santé publique de niveau national sur le territoire, mesure adoptée en contexte similaire aux épidémies, comme le covid-19. Un centre d’opérations d’urgence sera mis en place avec des spécialistes et la Force nationale du système de santé unifié (SUS) sera envoyée sur zone avec médecins et infirmières.
Des photos et des reportages publiés par SUMAÚMA ont dépeint la tragédie humanitaire en Terre Yanomami : disséminés un peu partout dans les villages de ce territoire autochtone, des enfants et des vieillards, la peau sur les os, à peine capables de tenir debout. Un rapport médical auquel nous avons eu accès révèle l’horreur au grand jour : un enfant de trois ans examiné, pesait 3,6 kilos, soit le poids d’un nouveau-né. « J’ai eu accès à des photos cette semaine qui m’ont vraiment secoué. Il est impossible de comprendre comment un pays, qui a les moyens du Brésil, laisse ses populations autochtones abandonnées comme elles le sont ici », a déclaré le président Lula, à Boa Vista. « Si quelqu’un me disait qu’ici, à Roraima, il y a des gens inhumainement traités comme j’ai vu les Yanomami l’être, je ne le croirais pas ». Vendredi après-midi, après la publication du reportage, le président s’était déjà exprimé sur la situation des Yanomami." Nous allons agir pour garantir la vie des enfants Yanomami « a-t-il déclaré sur Twitter.
Lula est arrivé en fin de matinée à Boa Vista, capitale de l’État où se trouve la Terre autochtone Yanomami en partage avec l’ Etat de l’Amazonas. Il était accompagné de la ministre des Peuples autochtones, Sonia Guajajara, de la présidente de la Fondation nationale des peuples autochtones (FUNAI), Joenia Wapichana, de la ministre de la Santé, Nísia Trindade Lima, du ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Flávio Dino, et du ministre du Développement et de l’Assistance sociale, de la Famille et de la Lutte contre la faim, Wellington Dias. L’importance et le poids politique des membres de la délégation ont constitué un message fort, comme si une partie du gouvernement avait laissé Brasilia pour être présent là où l’on en avait le plus besoin.
La délégation a visité la Casa de Saúde do Índio (Centre de santé des autochtones - Casai), où les personnes autochtones malades séjournent dans la capitale après avoir été déplacées de leurs villages au sein du de la Terre autochtone Yanomami. La précarité et la surpopulation sont évidentes. En raison de l’absence de vols, les autochtones, une fois guéris, passent parfois plusieurs mois à attendre de rentrer dans leur village et finissent souvent par contracter d’autres maladies.
À Boa Vista, le président a également rencontré Davi Kopenawa, principal dignitaire Yanomami, qui dénonce depuis des années l’invasion des orpailleurs illégaux sur le territoire de son peuple. Tout comme la destruction des structures sanitaires, l’exploitation minière est l’une des causes déterminantes de l’urgence sanitaire : les criminels propagent le paludisme dans les villages et entravent le travail des équipes médicales, allant jusqu’à incendier les postes de santé. »Nous allons prendre très au sérieux cette histoire de mettre fin à l’exploitation minière illégale", a déclaré Lula à la presse à la suite de la visite.
Une interview du leader politique autochtone pour Sumaúma
L’ordonnance déclarant une urgence de santé publique crée un Centre d’opérations d’urgence de santé publique pour coordonner la réponse à la crise humanitaire. Il sera placé sous la responsabilité du Secrétariat spéciale à la santé autochtone (SESAI) et bénéficiera du soutien technique du Département des urgences en santé publique. Le Centre des opérations d’urgence permettra le renforcement des équipes de santé, y compris l’embauche de personnel temporaire, ainsi que l’acquisition de biens et de services.
« Hier, le président Lula a publié un décret définissant ce problème comme une crise humanitaire et a chargé ses ministres de trouver des solutions. En matière de santé, nous avons défini cette situation comme une urgence sanitaire, une urgence nationale semblable à une épidémie. Grâce à cela, nous pourrons agir plus rapidement face à la situation », a déclaré la ministre de la Santé, Nísia Trindade Lima. Une équipe spéciale travaille depuis le 16 janvier dans les villages les plus touchés pour s’occuper des cas les plus urgents et établir un diagnostic de la situation. Ce groupe de travail évaluera également si les données sanitaires contenues dans le système officiel du gouvernement, DATASUS, sont correctes ou sous-déclarées. Il y a des rapports de décès qui n’ont même pas été enregistrés.
Crise humanitaire
La situation en territoire Yanomami s’est aggravée ces dernières années, sous le gouvernement de l’extrémiste de droite Jair Bolsonaro . L’ancien président, qui s’est toujours prononcé en faveur de l’exploitation minière en terres autochtones, a affaibli les organismes d’inspection et d’aide aux populations autochtones, comme la FUNAI, ce qui a permis à des milliers d’orpailleurs d’envahir la zone protégée. Dans certains des 350 villages du territoire, où vivent près de 30 mille autochtones, les activités criminelles sont réalisées à proximité des leurs zones de vie, affectant leur souveraineté alimentaire. Les animaux sauvages ont fui, l’eau et les poissons ont été contaminés par le mercure et autres produits toxiques utilisés par les orpailleurs pour séparer l’or. Avec l’arrivée d’une foultitude de criminels, le paludisme, transmis par les moustiques qui s’infectent en piquant des personnes contaminées, a explosé dans la région : les cas ont bondi de 2 928 en 2014 à 20 394 en 2021, comme l’a révélé SUMAÚMA dans un reportage en septembre dernier. Plus de la moitié des enfants Yanomami de moins de 5 ans souffrent de malnutrition, certains se trouvant en très grande vulnérabilité.
Dans certaines zones du territoire, l’exploitation minière a également investi les antennes des centres de santé où les autochtones recevaient des soins, expulsant médecins et infirmières. Dans le reportage publié en septembre, nous avons indiqué que depuis juillet 2020, les antennes de centres de santé opérant sur le territoire Yanomami ont été fermées 13 fois en raison des actions de criminels, laissant les populations autochtones sans soins médicaux. Tout cela a conduit au chiffre alarmant d’une augmentation de 29 % des décès d’enfants de moins de 5 ans dus à des « causes évitables » au cours des quatre années de Bolsonaro. Il y a 570 enfants qui ont cessé d’exister par absence d’assistance de première nécessité, un droit prévu par la Constitution fédérale brésilienne.
Si vous avez trouvé ce contenu important pour la vie des générations futures, soutenez SUMAÚMA, afin que nous puissions faire plus dans les prochaines éditions. https://apoia.se/sumaumajornalismo