Au Brésil, l’impunité et la désillusion menacent l’Etat de droit

 | Par Florence Poznanski

Près d’un an après la destitution de Dilma Rousseff, les députés brésiliens ont délibéré, mercredi 2 août 2017, au sujet du président en poste, Michel Temer. Doit-il faire l’objet de poursuites judiciaires ? L’objet des accusations qui pèse contre lui est bien plus grave que pour l’ancienne présidente. Les députés ont pourtant décidé d’annuler les poursuites contre Michel Temer. L’Etat de droit brésilien est mis à mal par une impunité assumée au grand jour qui brise toute légitimité démocratique de ses représentants.

Dans un cadre similaire à celui du 12 mai 2016 (ouverture de la procédure de destitution contre Dilma Rousseff), les députés se sont exprimés tour à tour pour ou contre l’accusation. Au terme d’une entreprise colossale de marchandages de soutiens menée par Michel Temer, plus de la moitié des députés (263) a voté contre l’ouverture des poursuites judiciaires à son encontre, alors qu’un tiers (171 votes) était nécessaire pour bloquer la procédure. L’événement a été retransmis en direct par le géant de la télévision Globo qui, dès la révélation des accusations de corruption mi-mai, est entré délibérément en campagne contre Michel Temer.

Deux poids, deux mesures

Elu aux côtés de Dilma Rousseff en 2014, l’ancien vice-président a officiellement accédé à la présidence le 31 août 2016, après que le Sénat ait proclamé la destitution de Dilma Rousseff pour irrégularités comptables dans les comptes publics des années 2014 et 2015. Irrégularités pratiquées par la plupart des présidents avant elle sans jamais faire l’objet de poursuites. Le procureur fédéral en charge du dossier avait d’ailleurs lui-même archivé le dossier avant le vote du Sénat.

Alors que la procédure de destitution contre Dilma Rousseff est le fruit d’une décision politique du Congrès, Michel Temer a, lui, été formellement accusé par le procureur fédéral pour crime de corruption passive. Accusation du droit commun, beaucoup plus grave que celle qui a fait tomber Dilma Rousseff, et inédite pour un président brésilien. Les preuves à charges sont consistantes puisqu’il a été enregistré donnant son accord pour acheter le silence d’Eduardo Cunha, ancien président de la Chambre des députés, actuellement en prison, dont les aveux sont redoutés par tous. Les enquêtes de la police fédérale indiquent aussi que Michel Temer serait impliqué dans plusieurs cas de pots-de-vin, via son ancien collaborateur Rodrigo Rocha Loures surnommé « l’homme à la malette », pour influencer les décisions législatives.

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