De la poussière ocre, partout. Sur les feuilles des bananiers, palmiers et jacarandas, souffreteux. Sur les étagères vieillottes de ce barzinho où sont alignées bouteilles de cachaça et de bières. Sur les tôles des pick-up.
À Brumadinho et alentours, dans l’État du Minas Gerais, au sud du Brésil, les mines à ciel ouvert crachent leurs cendres rouges. Déposent à la volée leurs limailles sur les routes que le soleil irise. Viennent se fourrer dans les narines et la bouche. Goût de métal, que des litres d’eau n’effaceraient pas, comme si on nous avait gavés de cuillerées de fer.
Pacotille pour ces Brésiliens, que nous rencontrons. Eux ont vu les 13 millions de m3 de boues débouler d’en haut, descendre des mines, le 25 janvier 2019, après la rupture d’une digue immense renfermant des résidus miniers. Eva-Lucia Barbosa a vu « des têtes, des jambes, des bustes » valdinguer dans ce torrent rougeâtre et colérique. Elle a craint que cette fange funèbre charrie les fragments de son fils Caio Cesar, son second qui travaillait là-haut. Finalement rescapé.
Un torrent de boue, et toujours des disparus
Andresa, elle, n’a pas eu cette chance. Bruno, 26 ans, est mort. Son corps, ou plutôt « ce qu’il en restait, c’est-à-dire presque rien », a été retrouvé cent cinq jours après la catastrophe. Celui d’Anna-Maria Costa, dix mois après, le 22 novembre. « Seulement le buste », soupire son père Sebastião Celso Costa. Au total, 272 personnes tuées, en grande majorité des salariés de la compagnie minière. Dont quatre toujours disparues, ensevelies dans ce linceul maronnasse.