Peu connue de l’opinion publique, la Réserve destinée aux dépenses imprévues est un mécanisme du budget de l’Union qui existe depuis les années 1960 au Brésil et qui doit fonctionner comme un « fonds de réserve » pour préserver les caisses publiques de toute situation imprévue.
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Cependant, ces dernières années, cette Réserve est devenue un outil permettant de capter les ressources des agences et des fonds publics et, plus récemment, elle a favorisé la croissance de ce que l’on a appelé le budget secret. Celui-ci est à l’origine des très bons résultats de nombreux partis [favorables à l’actuel gouvernement] lors des élections de cette année pour la Chambre des députés et le Sénat [3].
R$ 19 milliards pour le budget secret de 2023
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Pour la seule année 2022, le total des ressources allouées à cette Réserve était de 58,5 milliards de réaux. Ce montant est passé à 80,4 milliards de réaux pour l’année 2023, selon le Projet de loi budgétaire annuel (PLOA) envoyé au Congrès par le gouvernement du Président Jair Bolsonaro. Sur ce total, 19 milliards de R$ sont déjà réservés au budget secret, montant qui vient des 38,8 milliards de R$ prévus par le PLOA pour tous les amendements des parlementaires (députés, sénateurs et rapporteur). Les 41 milliards de R$ restant sont congelés comme réserve financière, essentiellement destinée à assurer le respect du plafond des dépenses.
À l’origine, cette Réserve devait avoir un montant minimal fixé à 0,2 % des recettes courantes nettes de l’Union, afin que le pouvoir exécutif puisse ouvrir des crédits supplémentaires tout au long de l’année, compte tenu de la nécessité de dépenses non connues ni autorisées au moment du vote des lois de finance annuelles. Or, ce pourcentage atteint aujourd’hui 7%, fonctionnant comme un véritable chèque en blanc du gouvernement fédéral, qu’il peut utiliser selon son bon plaisir, au goût de critères et de priorités peu transparents.
« Le budget des politiques publiques essentielles destiné à faire face aux problèmes sociaux, environnementaux, urbains, de sécurité publique, parmi beaucoup d’autres, ne sera pas viable. Il ne le sera pas en raison des chevauchements des effets de l’obligation de respecter un plafond des dépenses d’une part et la nécessité de maintenir la Réserve pour imprévus d’autre part ; cette dernière pouvant être détournée par les amendements du rapporteur », explique Alessandra Cardoso, conseillère politique de l’organisation responsable de l’enquête, l’Inesc (Institut d’études socio-économiques).
Pour chaque tranche de 100 R$, 15 R$ seront dépensés par ceux qui contrôlent le budget secret.
Selon l’étude, les 19 milliards de R$ alloués aux amendements du rapporteur, ne représentent pas moins de 15 % de toutes les dépenses discrétionnaires de l’Union en 2023, qui s’élèvent à 132,2 milliards de R$. C’est-à-dire que sur 100 réaux dépensés par l’Union dans tout le Brésil et pour toutes les politiques publiques, au moins 15 seront dépensés à partir de l’indication politique du rapporteur du budget, la main dans la main avec les partis qui contrôlent le budget secret (PP, PL, PSD, União Brasil et Républicains [4]).
En gonflant les chiffres de cette réserve, le gouvernement fédéral, non seulement encourage un manque de transparence dans le budget de l’Union mais il provoque également une réduction des fonds dans les secteurs où cet argent est prélevé.
Selon l’Inesc, depuis 2019, plusieurs fonds publics spéciaux, comme le Fonds national pour l’environnement, sont fortement réduits et détournés de leur finalité qui était de garantir des revenus pour des secteurs stratégiques afin de financer la lutte contre les inégalités au Brésil. Sur les 36 millions de R$ qui devaient aller au Fonds national pour l’environnement, 33 millions ont été retirés et redirigés vers la soi-disant Réserve. Une autre source de financement créée par la législation (loi 7.347/85) n’a pas été épargnée non plus. Elle visait à réparer les dommages causés à l’environnement, au consommateur, aux biens et aux droits de valeur artistique, esthétique, historique, touristique, paysagère ainsi que les dommages causés par la violation de l’ordre économique et d’autres intérêts diffus et collectifs. Sur les 498,8 millions de R$ prévus dans le PLOA 2023 pour le Fonds de défense des droits diffus, 429 millions (86%) ont été détournés vers la Réserve.
"C’est un arrêt de mort pour ces Fonds publics qui sont nés pour assurer des ressources aux politiques essentielles, mais avec un faible pouvoir de contestation au sein du budget général de l’Union", déclare la conseillère politique de l’Inesc, Alessandra Cardoso.
Elle rappelle que, bien que les amendements du rapporteur aient été explicitement institutionnalisés dans le PLOA 2023, sa constitutionnalité fait l’objet de trois Arguments de violation de précepte fondamental [5] (ADPFs n° 850, 851 et 854), qui sont traités par le Tribunal fédéral suprême (STF). Cette pratique est également la cible de la Cour des comptes de l’Union (CCE), qui a estimé que « l’absence de critères d’équité dans la répartition des amendements entre les parlementaires est susceptible d’affecter l’égalité des chances entre les candidats aux élections » (CT 008.731/2022-5).
"La LDO [6] et le PLOA 2023 ont rendu plus évidente une relation jusqu’alors nébuleuse entre la Réserve destinée aux dépenses imprévues et les amendements du rapporteur (RP 9), en créant une réserve spécifique pour faire face à des amendements faisant autorité, mais non impositifs, tels que les amendements individuels et ceux des fronts transpartis", souligne le document de l’Institut.
Si, jusqu’à l’année dernière, il était difficile de séparer l’utilisation des ressources pour le budget secret, dans ce projet de loi budgétaire 2023, le gouvernement fédéral a été obligé présenter le détail de chaque réserve spécifique pour répondre aux amendements individuels, aux amendements du front des fronts parlementaires transpartis et aux amendements de rapporteur (RP9) - ce qui a été fait à travers des codes et des titres : 0Z04, 0Z05, 0Z06, 0Z07, 0Z08. Les amendements du rapporteur ont gagné le surnom de « budget secret », en raison du fait que l’auteur du texte n’a pas besoin de s’identifier lorsqu’il autorise l’allocation d’une ressource publique.
Ainsi, il a été possible de constater, par exemple, que les amendements non seulement se sont appropriés la quasi-totalité des ressources de la sécurité sociale (21,4 milliards de R$) mais également des ressources provenant de divers secteurs et notamment ceux destinés à l’éducation de base (884 millions de R$).
La sécurité sociale en danger
Dans le PLOA 2023, la Réserve spécifique pour tous les amendements parlementaires affecte pas moins de 98% de l’ensemble des ressources captées de la Sécurité sociale par la Réserve destinée aux dépenses imprévues. En pratique, cela signifie prendre 21,45 milliards de R$ à la Sécurité sociale et les mettre au service des amendements du Parlement et du rapporteur, suivant des choix et des priorités politiques qui ne dialoguent pas et ne respectent pas la structure de financement et d’exécution de la politique de sécurité sociale. Et, dans le cas des amendements du rapporteur, on sait déjà que ces ressources seront appliquées sans respecter la Constitution, ce qui conduira à des problèmes évidents de corruption et aura un impact sur le bon fonctionnement des élections.
« Il est essentiel de suivre de près l’évolution du PLOA 2023, car la proposition envoyée par le gouvernement au Congrès retire des ressources importantes aux politiques publiques et contribue à affaiblir les fonds sectoriels stratégiques, qui ont vu, pendant des années successives, la quasi-totalité de leurs ressources captées par la réserve pour imprévus », conclut la conseillère.