Atlas de l’info : 30% des municipalités brésiliennes risquent de devenir des déserts d’information

 | Par Observatório da Imprensa

Traduction Luc DUFFLES ALDON pour Autres Brésils
Rélecture Du et Philippe ALDON

ATLAS DA NOTICIA 2.0 :

Cette cartographie fournit le meilleur panorama possible, avec des informations détaillées sur l’existence et la nature des médias d’information journalistique. Ceci étant, l’échantillonnage ne reflète que les données obtenues - sans nécessairement couvrir l’ensemble des médias - ses réalisateurs ne le considérent pas comme une image complète du journalisme local et régional au Brésil. Ce travail est supervisé par le PROJOR et développé par Volt Data Lab.

Au fur et à mesure que le projet progresse, chaque année, l’ATLAS 2.0 sera en mesure de corriger et d’affiner ses données et ses cartes. En passant, les idéalisateur invitent les lecteurs à faire part d’éventuelles inexactitudes dans notre cartographie.

ATLAS DA NOTíCIA 2.0

Un an après la première édition de l’Atlas da Notícia (1.0) - en français l’Atlas de l’Information, une initiative sans précédent en matière de journalisme de données pour cartographier la presse régionale et locale au Brésil - l’Observatório da Imprensa publie la deuxième édition de l’enquête. Au cours des derniers mois, nous avons formé un réseau dirigé par cinq chercheurs en journalisme qui, à leur tour, ont bénéficié du soutien de 19 écoles de journalisme et de 110 bénévoles. Ce travail est supervisé par le PROJORet développé par Volt Data Lab.

Il convient de préciser que les données de l’Atlas da Noticia 2.0 ne sont pas directement comparables à celles de la première enquête réalisée en novembre 2017. Notre première édition ne prenait en compte que les médias imprimés et numériques pour indiquer les déserts de l’actualité. Dans une deuxième phase de l’Atlas, publiée en juillet 2018, les déserts n’ont été considérés que pour la diffusion - radio et télévision.

Crédits Atlas da Noticia : les émisseurs de radio. En gris les « déserts ». Toutes les données sont disponibles ici

Maintenant, pour la première fois, l’enquête inclut tous les médias. Par ailleurs, les analyses précédentes utilisaient les données démographiques du recensement de 2010, tandis que la dernière version utilise les données de 2017.

Crédits Atlas da Noticia : les médias en ligne et imprimés. En gris les « déserts ».

Dans cette deuxième édition, en plus d’indiquer l’existence de médias imprimés, numériques et de radiodiffusion, nous avons également commencé une enquête plus approfondie, avec des informations sur la périodicité et le modèle économique. Cela a été fait pour 1 000 médias sur un total catalogué de 12 467.

La deuxième édition révèle qu’environ un tiers des municipalités brésiliennes, où vivent 34 millions de personnes, risquent de devenir des déserts d’information. Les zones dites presque désertiques sont des localités qui n’ont qu’un ou deux médias d’information sur leur territoire. Elles courent un plus grand risque de devenir des déserts d’information.

Au-delà de ces municipalités, l’analyse a révélé que 30 millions de Brésiliens, soit près de 15 % de la population nationale, vivent déjà dans des déserts d’information - des municipalités sans présence enregistrée de médias locaux, tels que journaux, sites d’information, chaînes de télévision et radios. Les déserts d’information incluent 51 % des municipalités étudiées.

L’Atlas da Noticia a recensé des médias d’information dans 2 710 municipalités. Cela représente 177 millions d’habitants, correspondant à 85% de la population brésilienne. Près de la moitié de ces municipalités (49 %) possèdent au moins un média journalistique.

En vert foncé, les zones avec plus de 2 médias journalistique dans les municipalités. En couleur pâle, sont agrégées les zones de désert ou quasi désert d’information journalistique.

La nouvelle enquête a également recensé la fermeture de 81 nouveaux médias, la plupart d’entre eux imprimés, depuis 2011. Les états qui ont perdu le plus de médias sont São Paulo (31) et Minas Gerais (27). Ces données sont fondées sur une enquête réalisé par les chercheurs et sur des informations fournies par l’Association nationale des journaux (ANJ).

L’enquête a également révélé une forte dépendance à l’égard de la radio et de la presse écrite à l’extérieur des grands centres urbains du pays. Dans les capitales, surtout dans le sud-est, la situation s’inverse. La plupart des organes d’information sont numériques.

Les municipalités du nord et du nord-est ont le pire scénario en termes de couverture régionale : jusqu’à 70% des villes sont dans des déserts d’information. Dans le sud-est, l’indice chute. L’enquête de l’Atlas a pu établir une corrélation entre l’indice de développement humain et la présence de médias d’information bien qu’il ne soit pas possible de conclure à une relation causale entre les deux types de données (aspect nécessitant de futures études).
Autre fait curieux, soulevé par la recherche, est la difficulté d’accès à Internet dans certaines régions du pays. Le Brésil compte 234 millions de lignes mobiles actives et 30 % des ménages ne disposent pas de réseaux Internet.

Qu’est-ce que l’Atlas da Noticia ?

Une initiative visant à cartographier les médias journalistiques sur le territoire brésilien et à fournir des données aux chercheurs, entrepreneurs et journalistes afin de générer de nouvelles connaissances sur le journalisme local au Brésil.
L’Atlas da Noticia est réalisé par PROJOR, Institut pour le développement du journalisme en partenariat avec Volt Data Lab, responsable de la recherche, de l’analyse et de la visualisation des données. L’Association brésilienne du journalisme d’investigation-ABRAJI est un partenaire institutionnel du projet qui s’inspire de l’initiative America’s Growing News Deserts de la Columbia Journalism Review.

La deuxième édition de l’Atlas des actualités est financée par Facebook.

Voici quelques résultats choisis par le traducteur.

Désert d’information (en blanc), soit moins d’un média par ville, dans chaque région du Brésil.

La deuxième phase de l’Atlas da Noticia présente des données importantes pour comprendre le paysage journalistique local dans la région Nord [1]. Emblématique car elle abrite la grande extension de l’Amazonie, la région Nord a une plus faible proportion de ménages non connectés à Internet que les autres régions du pays. Selon les données de Cetic.br, malgré la faible connexion domestique due à une infrastructure limitée, la croissance de l’accès à Internet par téléphone mobile a augmenté ces dernières années. Ces facteurs expliquent, en partie, la consolidation d’Internet comme principal segment de la presse dans la région : sur les 122 médias cartographiés, 76 sont des médias en ligne. Il convient de mentionner que sur ce total, 26 sont nouveaux et n’avaient pas encore été cartographiés dans l’Atlas des actualités 1.0. Ensuite, 23 journaux imprimés, 14 stations de radio, 8 stations de télévision et un magazine distribué dans 26 municipalités des sept états.

L’Atlas da Noticia a recensé 10 blogs, tenus par des journalistes de carrière, et des portails d’actualités qui atteignent les municipalités éloignées des capitales, produisant du journalisme local. Malgré cela, ces municipalités sont de taille moyenne (celles qui ont une population supérieure à 100 mille habitants) et sont importantes dans le contexte local, comme Marabá et Parauapebas dans le Pará, Ariquemes à Rondônia et Araguaína à Tocantins.

En plus de l’information, les blogs ont un parti pris, du journalisme d’opinion y compris reflétant l’orientation politique, qui a été potentialisée dans les réseaux sociaux. Ces blogs sont un élément clé pour comprendre l’exercice de la démocratie par le journalisme dans la région.

Toujours sur les médias en ligne, le nombre de nouveaux portails d’informations est considérable. Nous avons même remarqué qu’ils reproduisent le même contenu, ce qui suscite des soupçons quant à la qualité de la production journalistique de ces médias. Mais ce qui attire l’attention, c’est la connexion de certains portails avec des politiciens qui ont participé, directement ou indirectement, à la dernière course électorale.

Dans la région Nord-Est [2], l’affaiblissement du modèle économique des journaux imprimés et l’expansion de l’accès Internet haut débit ont contribué à l’avancement du journalisme en ligne. Sur les 109 médias additionnels, recensés dans la région lors de cette deuxième édition de l’Atlas da Notícia, 53 sont numériques, deux ont une version imprimée.

Mais l’évolution rapide du contenu numérique ne doit pas être comprise en soi comme une amélioration des médias d’information du Nord-Est. Dans une large mesure, cela s’explique par le fait que la transition de l’imprimé à l’électronique se produit dans un environnement de crise, marqué par des salles de rédaction qui se vident et par la surcharge de travail qui en découle pour les employés. Dans ce contexte, la qualité de la production journalistique tend à être sacrifiée.

Il est également intéressant de noter la prolifération des projets d’opinion dans l’environnement en ligne. Les blogs et les pages sur les réseaux sociaux, pas toujours liés aux journalistes professionnels, sont présents principalement dans les villes de l’intérieur, où ils sont parmi les rares sources d’information. Sur les 53 nouveaux médias en ligne recensés, 19 sont en dehors des capitales des états. Bon nombre des producteurs de contenu pour ces médias jouent également un rôle administratif, comme la vente de publicité, par exemple, principale source de revenus pour 17 d’entre eux. Une telle duplication des rôles peut configurer un certain conflit d’intérêt entre la mission journalistique d’investigation et les entreprises locales, qui sont souvent aussi les principaux annonceurs.

L’étude de l’Atlas dans le Nord-Est a également recensé 23 journaux imprimés, 20 radios, 11 télévisions et deux magazines. Parmi les imprimés, l’abonnement a été identifié comme la principale source de revenus dans 12 cas, dont cinq en même temps que la vente d’espaces publicitaires.

Dans le Centre-Ouest du Brésil [3], une analyse quantitative du panorama de la presse - imprimée et en ligne - révèle que Goiás, l’état le plus peuplé de la région, environ 6 millions d’habitants (recensement 2010, IBGE), a le plus faible taux de médias en ligne par habitant. Autrement dit, dans l’état, on compte un média en ligne pour 193 mille habitants. En tout, il y a 31 sites journalistiques actifs à Goiás et un indice d’un journal imprimé pour 103 mille habitants.

Les médias numériques, quant à eux, apparaissent avec force dans le District fédéral, un site en ligne pour 48 mille habitants contre un journal imprimé pour 95 mille habitants. Dans le Mato Grosso, la proportion est d’un média en ligne pour 89 mille habitants et un titre imprimé pour 82 mille habitants. Dans le Mato Grosso do Sul, a été recensé un média en ligne pour 81 mille personnes et un journal imprimé pour 106 mille habitants.

Dans la région Sud-est [4], les progrès d’Internet depuis le début de la décennie, ont conduit les journaux et les magazines du Sud-Est, dont certains sont centenaires, à fermer leurs portes ou à abandonner les éditions imprimées. Les principaux journaux et magazines de l’axe Rio-São Paulo, comme O Estado de S.Paulo, Folha de S.Paulo, O Globo et Veja n’ont pas coupé l’éditions papier. Mais ils ont adopté le paywall en ligne comme moyen de compenser au moins une partie des pertes de revenus publicitaires enregistrées dans leurs versions imprimées.

Dans la région Sud [5], 387 médias sont cartographiés. La radio est la plate-forme la plus présente : 155 (40%) ont été identifiées. Les journaux imprimés arrivent en deuxième position avec 115 titres (29%). La région compte également au moins 93 sites d’information (24%) et 19 chaînes de télévision (4,9%) L’état qui avait le plus de médias journalistiques cartographiés était le Rio Grande do Sul, 276 provenant de 84 villes différentes. 53 municipalités du Rio Grande do Sul (RS) n’ont que 1 ou 2 médias journalistiques.

Voir en ligne : Observatorio da Imprensa e Atlas da Noticia

[1Écrit par Jéssica Botelho, jornaliste et chercheuse. Elle est directrice de l’Agência Ajuri (projet soutenu par New Ventures Lab das Chicas Poderosas)

[2les résultats sont présentés par Mariama Correia, elle écrit actuellement pour le collectif indépendant de jounralisme investigatif, Marco Zero Conteudo

[3écrit par Loraine França, journaliste et chercheuse auprès du Laboratoire de recherche sur le Jornalisme, les Droits humains et les narratives complexes (Griot/UFMS/CNPq).

[4écrit par Dubes Sônego Jr., journaliste depuis 19 ans

[5résultats présentés par Marcela Donini, jornaliste à Porto Alegre et co-fondatrice du Farol Jornalismo, une initiative indépendente pour la production et la recherche sur le journalisme.

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