Assassinat d’un policier militaire antifasciste « Hier, c’était Marielle, avant-hier Doroty, et demain, ça pourrait être moi. »

 | Par Rafael Duarte

Le policier militaire João Maria Figueiredo, l’un des leaders du mouvement des policiers antifascistes de l’état du Rio Grande do Norte, a été exécuté de cinq balles dans la tête ce vendredi (21/12). L’agence Saiba Mais a révélé, de source policière souhaitant rester anonyme, que les douilles retrouvées sont de calibre 40, d’usage exclusif de la police. Certaines armes volées à des policiers assassinés ont été utilisées par des criminels dans l’éta du Rio Grande do Norte. Saiba Mais est une agence de journalisme et reportage indépendante basée dans l’état du Rio Grande do Nord qui se concentre sur la défense des Droits humains et de la démocratie.

Le policier militaire João Maria Figueiredo, l’un des leaders dumouvement des policiers antifascistes de l’état du Rio Grande do Norte, a été exécuté de cinq balles dans la tête ce vendredi (21/12). Un jour après l’exécution de Marielle Franco (PSOL) [1], il avait participé à un débat sur les violations des droits humains au sein des Forces de police lors du Forum social mondial organisé en mars 2018, à Salvador (état de Bahia).

La participation de M. Figueiredo qui a duré 14 minutes est accessible en ligne. Il parle des difficultés et des défis auxquels font face les personnes qui luttent pour les droits humains dans le pays :

  • J’ai vu mes collègues de Rio pleurer pour ce qui s’est passé hier (l’exécution de Marielle). Malheureusement, c’est une démonstration de force qui est faite. Marielle est la dernière victime en date, comme Doroty et beaucoup d’autres l’ont déjà été. Et demain, ça pourrait être moi. Mais alors qu’ ils éliminent une personne, d’autres naissent. Maintenant plusieurs Marielle vont naître, parce qu’il y a un écho, et que le pouvoir de l’exemple est très fort.

Le corps de João Maria Figueiredo a été retrouvé sur le chemin derrière le motel Ele&Ela, dans la Zone Nord de la capitale de l’état, Natal. L’arme et le portable du policier militaire ont été volés. Figueiredo avait volontairement participé à l’équipe de sécurité de la campagne électorale de la gouverneure élue Fátima Bezerra (du Parti des Travailleurs). Il est le 26e officier de police assassiné dans cet état du Brésil en 2018.

Fatima Bezerra a exigé une l’enquête sur ce crime. Elle sera menée par une équipe de quatre commissaires de police de la Division des homicides, en plus de l’unité de renseignement de la Police civile. On ne sait pas encore si le meurtre est lié à l’activité professionnelle du policier militaire ou à son militantisme au service de la défense des droits humains.

Lors du Forum social mondial, Figueiredo a également commenté les difficultés des policiers à défendre des idées progressistes au sein de leurs institutions :

  • Quand vous parlez des Droits humains au sein des corporations, vous êtes étiqueté "esquerdalha", "esquerdopata" [2] , on dit que c’est pour protéger les bandits. Aujourd’hui, il est très difficile d’avoir des positions progressistes au sein des institutions, malheureusement, qu’elles soient civiles, militaires ou fédérales. Ne dit-on pas que seule la Police militaire est mauvaise ? Le nombre de suicides commis par les policiers fédéraux est plus élevé chez les agents et les greffiers [3] en raison du harcèlement moral et d’autres problèmes. Dans la Police militaire, le suicide est plus visible car c’est la police qui est la plus en contact avec la population.

Figueiredo s’est joint à la Police militaire en 2009, mais a commencé à élargir sa vision politique très tôt, par le biais du mouvement étudiant et en fréquentant les dirigeants des mouvements sociaux et syndicaux de l’état. Il a rejoint le Parti de la jeunesse ouvrière et est resté membre du PT jusqu’à ce qu’il rejoigne la Police militaire, étant contraint d’y renoncer en raison de la réglementation de l’institution. Il a également étudié le droit à l’Uni Nassau, ce qui l’a aidé à remettre en question son propre travail :

  • Quand vous suivez un cours de Droit, la graine « du différend » commence à germer dans votre tête ", a-t-il dit lors du débat à Salvador.

En tant que leader du mouvement de la police antifasciste dans l’état, Figueiredo croyait que le changement de mentalité des officiers de la sécurité publique au sein des corporations viendrait de la société :

  • J’ai commencé dans le Rio Grande do Norte en essayant de rassembler les policiers qui avaient une pensée progressiste. On commence avec 5, on passe à 13, et aujourd’hui nous sommes 80. Nous avons un groupe prêt à discuter de la sécurité publique avec la citoyenneté, la participation populaire et les Droits humains. Et maintenant nous nous intégrons à des mouvements populaires, avec d’autres secteurs, la jeunesse, les personnes LGBT et Noires. Je suis persona non grata à cause de mes positions. Mais je vois la nécessité pour la société de se réorienter. Le changement vient de l’extérieur vers l’intérieur, à travers des espaces comme celui-ci. La défense des droits humains dans ce contexte est difficile et le devient encore plus au Brésil, dit-il.

La gouverneure élue Fátima Bezerra exige une enquête criminelle :

Le meurtre brutal de notre cher Figueiredo nous laisse consternés, avec un profond sentiment de perte, touchés dans l’âme. En même temps, les exemples de courage et de solidarité que notre ami nous a laissés nous inspireront à poursuivre la lutte pour des jours meilleurs, pour une société plus juste et pour tous.
 
Je l’aimais comme un fils, un frère.
 
Des tragédies comme celle du meurtre de Figueiredo - malheureusement de plus en plus présentes dans la vie des travailleurs et professionnels dévoués de la sécurité - devraient faire l’objet d’enquêtes et de clarifications appropriées.
 
Tu ne seras pas oublié, mon ami. Mes condoléances à la famille et aux amis et mon étreinte fraternelle.

Figueiredo, présent !
#SaudadesSempreFigueiredo
Fátima Bezerra
Sénatrice et gouverneure élue de l’état du Rio Grande du Nord

Note publique Mouvement de la police antifasciste dans la RN

Suite à l’exécution de l’ami et compagnon de combat Figueiredo, même si nous sommes en deuil, nous nous efforçons d’identifier les auteurs du crime et de suivre le travail important du DHPP (Division spécialisée dans l’homicide et la protection de la personne) à la tête des enquêtes. Il est prématuré d’annoncer le motif du crime, il n’y a rien de consolidé et toutes spéculations, à ce stade, ne sont que cela.
Nous demandons à ceux qui insistent à nous attaquer, que ce soit en diffamant la mémoire du camarade Figueiredo ou en attaquant le mouvement qu’il a contribué à fonder et à représenter, de respecter la mémoire de Figueiredo et ses idéaux dans la vie. Indépendamment de son positionnement idéologique, le temps est venu d’unir nos forces pour la justice. Découpler la figure de Figueiredo de ce qu’il croyait, plus que cela, affirmer que le mouvement auquel il appartenait ne devait pas exister, outre un acte antidémocratique et inopportun, c’est de tuer à nouveau. Appeler les membres du mouvement ici dans l’état du Rio Grande du Nord à quitter leur emploi (dans les forces de sécurité) au-delà de l’ignorance, est contradictoire.

Si tel était le cas, tous les fonctionnaires et les travailleurs, en général, qui réclament un salaire et un treizième mois [4] devraient abandonner leur carrière ou leur emploi, ce qui n’a aucun sens. Si chaque fois qu’un travailleur remettait en question la réalité de son emploi et qu’il l’abandonnait, nous n’aurions plus un seul citoyen pour faire le travail de police, répondre au téléphone ou vendre dans le commerce. La remise en cause du contexte d’amélioration est une condition du progrès social, tout autre chose que cela est une commodité qui plonge et retarde.

Pour tout cela, nous ne n’abandonnerons pas nos postes... au contraire, nous lutterons pour des jours meilleurs pour la sécurité publique au sein de la sécurité publique, pour les opérateurs de sécurité et, surtout, pour TOUTE la société, non pas seulement une partie de celle-ci.

Nous recevons des informations faisant état de crimes contre l’honneur de Figueiredo et nous prendrons des mesures dans les domaines civil et pénal. La personne qu’il était et les idéaux qu’il avait adoptés pendant tant d’années, jusqu’à son dernier jour, sont ce dont nous avons besoin maintenant pour rester sur le chemin que nous suivions avec lui, et nous continuerons comme s’il était là, nous guidant encore.

Nosso luto é na luta ! [Notre deuil est dans la lutte]

Voir en ligne : Saiba Mais

[1Le 14 mars ; l’enquête s’embourbe. Conseillère municipale de la ville de Rio de Janeiro, périphérique, Noire et LGBTI, défenseur des droits humains

[2En portugais le suffixe « alha » est péjoratif , dans l’ensemble des expressions péjoratives, ce registre est pire que « gauchiste ». De même, « pata » désigne les pathologies

[3Au Brésil, il y a des greffiers au sein des corporations policières

[4non payé depuis décembre 2017. note du traducteur

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